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La propriété en Russie aujourd’hui : les choix opérés par le législateur post-soviétique

Diane SKODA

Université Paris II-Assas

Index matières

Mots-clés : Propriété – Constitution – Code civil – Code foncier - Russie

Plan de l'article

Texte intégral

Depuis 1991, de nouvelles sources législatives relatives au droit de propriété pérennisent désormais le nouveau régime de propriété en Russie post-soviétique. L’adoption récente de la 4e partie du Code civil relative à la propriété littéraire et artistique, adoptée le 18 décembre 2006 et entrée en vigueur le 1er janvier 2008, vient clore le processus d’adoption du nouveau Code civil qui s’est étalé sur plus d’une dizaine d’années. L’adoption de cette dernière partie, qui a suscité de très vifs débats, souligne l’actualité et la complexité du processus de codification en cours en Fédération de Russie.

Or après avoir tenté d'édifier son système de droit en réaction aux droits dits "bourgeois", quels choix la Russie a-t-elle réalisés, en matière de propriété, dans le cadre de son ralliement officiel à l'économie de marché ?

En effet, l'instauration d'un système économique fondé sur la libre entreprise et la propriété privée implique une refonte systématique du système de droit du pays. Elle va au-delà d'un ensemble de réformes ponctuelles. Dès lors, le droit est appelé à jouer un rôle de premier plan dans le cadre de la transition démocratique, afin de consolider les changements survenus. Or, le droit de propriété occupe une place prépondérante parmi les institutions juridiques qui subissent des mutations majeures depuis 1991.

Le passage à l'économie de marché implique la transformation complète du système de propriété collective soviétique. En effet, au cours du XXe siècle, la Russie a expérimenté, à deux reprises, la refonte de son système de propriété à l'échelle nationale. A partir de 1917, la Russie bolchevique réalisait la nationalisation de son industrie et la collectivisation de ses terres; soixante-dix années après, elle se trouve confrontée à l'opération opposée : elle entreprend la privatisation de la propriété socialiste étatique afin d'introduire la propriété privée à grande échelle.

Or la problématique générale est la suivante : le législateur post-soviétique n'adopte pas des réformes sur un terrain juridique vierge.

Ainsi, l'étude de la réforme contemporaine de l'institution de la propriété implique aussi de réfléchir sur le contexte juridique national dont le législateur post-soviétique dispose. Comment procéder à la refonte du système soviétique de propriété? Comment passer de la propriété collective des moyens de production à leur propriété privée? Pour ce faire, le législateur national dispose de deux sources d'inspiration : il peut avoir recours à la tradition juridique nationale et aux modèles juridiques étrangers. La question se pose alors de savoir quelles sont les ressources juridiques offertes par le droit soviétique et pré-soviétique. En l'occurrence, la tradition juridique nationale russe est double : elle se compose surtout du droit soviétique, mais aussi, dans une moindre mesure, du droit pré-soviétique, antérieur à la Révolution de 1917.

Nous évoquerons, dans une première partie, le régime juridique général du droit de propriété tel qu’il apparaît dans la Constitution et le Code civil (1), puis dans une deuxième partie, le régime juridique spécial du droit de propriété présenté dans le Code foncier (2).

Le régime juridique général du droit de propriété : l’exemple de la Constitution et du Code civil 

La consécration législative des mutations du droit de propriété en Russie post-soviétique constitue l'une des étapes juridiques majeures franchies au cours de la première décennie de transition.

En effet, en dépit des critiques qu'il a suscitées en termes de qualité, le travail législatif accompli pendant la première décennie de transition est impressionnant, notamment dans le domaine de la propriété. La Constitution de 1993, suivie du Code civil de 1994 et du Code foncier de 2001, a ouvert de larges domaines à la propriété privée, à laquelle ces textes apportent des garanties théoriques. Enfin, l'adoption de la loi de privatisation des terres agricoles en 2002 concrétise et parachève véritablement le processus de transformation radicale de l'institution de la propriété en Russie.

A la différence des révolutionnaires communistes, qui ont proclamé l'abrogation totale de l'ancien droit dès leur arrivée au pouvoir, les juristes post-soviétiques ont adopté d'emblée une attitude plus nuancée, voire ambivalente. En effet, la doctrine russe contemporaine affirme ouvertement la nécessité d'adapter les réformes juridiques au contexte national du pays. Dès lors, la question de l'héritage léniniste passe au premier plan : constitue-t-il une entrave à la formation du nouveau droit de propriété ? Ou offre-t-il des ressources afin d'opérer une transformation progressive et réaliste de la propriété publique en propriété privée ? Des divergences apparaissent au sein des réformateurs : certains privilégient l'innovation et l'imitation des modèles occidentaux, tandis que d'autres préconisent le recours à la tradition juridique nationale. Aussi le législateur post-soviétique n'a-t-il pas hésité à reconduire sciemment des dispositions inspirées du droit soviétique dans le Code civil de 1994, notamment dans le chapitre relatif au droit de propriété.

Dans ces conditions, l'ouverture des systèmes juridiques post-communistes aux modèles étrangers et aux normes internationales et européennes constitue l'un des défis fondamentaux de la transition. Lors du renouvellement des législations nationales dans les pays post-communistes, les réformateurs ont tous été tentés de s'inspirer des lois occidentales.

Seule l'ampleur de l'aide juridique étrangère permet d'expliquer le recours aux modèles occidentaux. D'une manière générale, ces pays sont très démunis face à la refonte nécessaire de leur législation. La plupart de leurs juristes ignorent ou maîtrisent fort mal les concepts juridiques occidentaux.

Or la diversité de l'aide occidentale retentit directement sur la circulation des modèles juridiques en cours, dans toute la zone post-communiste. Avant la socialisation de leur droit, tous les systèmes juridiques d'Europe de l'Est avaient déjà réalisé un certain nombre d'emprunts à la famille de droit romano-germanique, en particulier au code Napoléon et au BGB allemand. Ainsi à la veille de la Révolution de 1917, les juristes russes pré-révolutionnaires avaient déjà mené des études comparatives très élaborées, dans le domaine du droit civil en vue de la préparation d'un code civil de type occidental. Mais lors de l'effondrement des systèmes communistes, le contexte est tout autre : les réformateurs et les législateurs post-communistes sont alors confrontés à une offre de modèles beaucoup plus importante et diversifiée qu'auparavant. En effet, en plus des sources nationales traditionnelles, ils peuvent avoir recours aux sources supranationales et au droit communautaire[1]. Des raisons de prestige, d'opportunité politique et d'efficacité économique, mêlées au hasard, ont présidé, à des degrés divers, au choix des législateurs.

Le droit russe post-soviétique offre un remarquable exemple de ce nouveau mélange d'influence : la Constitution de 1993 comporte une influence française et américaine, alors que le Code civil reste de facture essentiellement romano-germanique, proche de la tradition allemande et du nouveau Code civil néerlandais ; de plus, il comporte un mécanisme "russifié" du trust anglo-saxon.

C'est pourquoi l'apparition d'emprunts, qui coexistent avec des lois d'origine socialiste et pré-socialiste, contribue à relativiser l'idée d'un retour intégral de la famille de droit socialiste à la famille de droit romano-germanique. Car l'ouverture du système juridique russe aux normes internationales et aux emprunts étrangers est contrebalancée par des réactions dues au nationalisme. En effet, le sentiment national, très ancré dans la culture soviétique, constitue un phénomène important de la transition.

La réforme du cadre législatif du droit de propriété s'étale tout le long de la première décennie de transition. Plusieurs étapes se sont succédé. Les lois spéciales éparses de la Perestrojka ont rapidement cédé la place aux décrets de privatisation du début de la transition. Toutefois, seuls les nouveaux code civil et code foncier légitiment et pérennisent la redistribution des droits de propriété auxquels ils apportent une garantie et une protection nouvelles. Mais leurs dispositions ont été élaborées sous l'égide du texte constitutionnel. Ainsi la reconduction du système soviétique des branches du droit explique la dispersion et la complexité du nouveau modèle législatif de propriété post-soviétique.

En droit soviétique et post-soviétique, la plupart des branches du droit autres que le droit public sont régies par des codes. Après l'adoption de la Constitution de 1993, le Parlement russe entreprend un immense travail de recodification. Or la floraison de codes apparue à partir de 1994-1995 a une incidence importante dans le domaine de la propriété. Elle contribue à légitimer et à stabiliser les modifications radicales du régime de propriété du pays, entreprises dans le cadre des décrets de privatisation.

Or l'instauration de la propriété privée a constitué un objectif majeur des réformes menées successivement par les présidents de la Fédération de Russie. Elle a même constitué l'un des thèmes prédominants et controversés du débat politique entre le pouvoir exécutif et le Parlement, pendant toute la décennie. Ainsi, dans le cadre de la première étape de transformation de l'économie russe, intervenue de 1991 jusqu'à la crise financière de 1998, le Président Boris Eltsine a mené à bien la politique de privatisation et l'adoption de la Constitution de 1993, des deux premières parties du Code civil en 1994 et en 1995 et du Code pénal de 1996. La réforme agraire, pourtant omniprésente au sein des projets législatifs, a stagné.

En revanche, à partir de 2000, l'accession de Vladimir Poutine au pouvoir marque un tournant dans l'histoire de la transition post-soviétique. Bénéficiant d'un contexte politique et économique plus favorable, ce dernier mène à leur terme de nombreux projets de son prédécesseur, qui avaient échoué jusque-là. En effet, l'effondrement de l'autorité de l'Etat, pendant l'ère Eltsine, avait entraîné la montée des régionalismes. Vladimir Poutine opère un revirement en renforçant le pouvoir central et en obligeant les sujets de la Fédération à harmoniser les lois locales avec les lois fédérales. Or l'année 2001 a constitué le point culminant de la poursuite des réformes structurelles : le mouvement de codification, entamé sous l'ère Eltsine, a connu une remarquable accélération avec l'adoption des codes du travail, de la troisième partie du code civil, du code foncier et du code de procédure pénale. Enfin, l'adoption de la loi de privatisation des terres agricoles, en 2002, scelle la rupture définitive avec l'ordre juridique communiste. Aussi l'ère Poutine restera-t-elle marquée par la "révolution" agraire.

D'une manière générale, le législateur post-soviétique est resté fidèle à la tradition juridique nationale qui valorise le positivisme juridique. La prépondérance de la loi écrite, caractéristique du système romano-germanique, atteint son point culminant dans le cadre du système soviétique et post-soviétique[2]. Ce culte de la loi retentit sur les sources du droit : en droit soviétique, la constitution constitue la loi fondamentale du système juridique à laquelle toute autre loi est subordonnée ; les codes passent donc au second plan, même si la technique de codification, inscrite dans l'histoire du droit du pays, est largement utilisée. De plus, le droit soviétique accorde une place prépondérante à la branche du droit public et minimise le rôle du droit privé au sein du système juridique.

C'est pourquoi les sources du droit de propriété sont dispersées entre de nombreux textes de lois : les dispositions constitutionnelles relatives au droit de propriété servent de guide aux articles contenus dans les code civil, code foncier et code du logement. Or dans le domaine formel, la continuité juridique est parfaite entre le droit soviétique et le droit post-soviétique : si le législateur post-soviétique a introduit de nombreux concepts juridiques nouveaux, depuis le début de la transition, il a gardé la même conception des sources législatives du droit de propriété. Il a sciemment reconduit la technique de codification et la répartition des branches du droit spécifique du droit soviétique. Toutefois, dans le cadre du ralliement à l'économie de marché, il a nécessairement revalorisé le rôle du droit privé. En Russie post-soviétique, comme par le passé, la primauté de la Constitution post-soviétique coexiste avec le renouveau de la codification. Ainsi, tous les pays post-communistes ont opté pour la même démarche : la refonte des dispositions constitutionnelles relatives au droit de propriété a précédé l'adoption de nouveaux codes et de nouvelles lois civiles.

Le législateur post-communiste a jugé la refonte du texte constitutionnel indispensable et prioritaire. A première vue, il renoue avec la tradition constitutionnelle socialiste, bien établie. Toutefois, la transition post-soviétique inaugure le réaménagement total du droit public et la réintroduction du droit privé. La réhabilitation de la distinction traditionnelle du système de droit romano-germanique pose alors la question de la place réelle de la constitution post-soviétique au sein du nouveau système de droit. Ainsi, les dispositions constitutionnelles relatives au droit de propriété restent fondamentales dans le cadre du système juridique post-soviétique. La codification post-soviétique assure leur développement[3]. Or la primauté réitérée de la constitution au sein du système juridique fait passer le problème de la hiérarchie des normes au premier plan. De plus, la dimension fédérale de l'Etat post-soviétique la rend très difficile à respecter. L'incidence de la confusion législative sur le droit de propriété post-soviétique est grande : par exemple, les investisseurs étrangers auront du mal à se fier aux dispositions constitutionnelles relatives au droit de propriété si elles ne sont pas respectées et appliquées d'une manière uniforme sur le territoire. Seul, le respect rigoureux de la supériorité du texte constitutionnel assurera à ce dernier le rôle de « loi fondamentale ».

Toutefois, la vie politique mouvementée et les incohérences du système judiciaire viennent bouleverser le principe de primauté du texte constitutionnel. Ainsi, la législation post-soviétique est loin d'être toujours adoptée conformément à la Constitution, en particulier au niveau des diverses composantes de la Fédération. En effet, la nature fédérale de l'Etat soviétique et post-soviétique retentit directement sur le code civil et les relations de propriété : quel statut leur reconnaître dans les composantes de la Fédération ? Etat multinational, la Russie a constamment été soumise au problème de l'unité juridique territoriale. Pendant soixante-dix ans, l'Etat soviétique a fait prévaloir une politique éminemment centralisatrice, faisant fi du caractère fédéral de l'Union soviétique, proclamé dans la Constitution de 1924. Ainsi, en matière de codification, l'Union adoptait des codes qui étaient transposés, en quasi-intégralité, dans les quinze républiques fédérées. Dès 1991, en réaction au centralisme totalitaire, Boris Eltsine a accordé une relative autonomie aux régions et républiques de la Fédération. Un traité fédéral du 31 mars 1992 a fixé les prérogatives reconnues aux composantes de la Fédération. Toutefois, le chaos législatif s'est rapidement instauré : la prolifération législative ne s'est pas limitée au cadre fédéral ; l'apparition de nouvelles normes juridiques, adoptées par les membres de la Fédération et par l'administration locale décentralisée, a posé le problème de la coexistence d'actes juridiques contradictoires sur tout le territoire de la Fédération. A son tour, Vladimir Poutine a tenté une remise en ordre territoriale, en renforçant le contrôle du centre sur les sujets de la Fédération.

Ainsi, les républiques fédérées peuvent adopter des codes fonciers, des codes forestiers et des codes de la famille. C'est pourquoi après 1991, un certain nombre de codes locaux ont été adoptés dans ces matières, parallèlement aux codes fédéraux. Or ces codes dérogent souvent à la loi fédérale, notamment dans le domaine de la propriété foncière. De grandes inégalités territoriales sont donc apparues dans le domaine de la propriété de la terre. Le fait que la législation civile relève de la compétence exclusive de la Fédération, alors que la législation foncière et d'autres matières réglementant des régimes spéciaux de propriété relèvent de la compétence conjointe, constitue une contradiction importante du texte constitutionnel. Il s'agit là d'une entrave majeure à l'unification du régime du droit de propriété, à l'échelle du pays.

Seules, les républiques ont le droit d'adopter des constitutions, qui doivent être conformes à la constitution fédérale. Les autres sujets ne peuvent adopter que des statuts. Cette spécificité du fédéralisme russe entre en contradiction avec la disposition constitutionnelle selon laquelle les membres de la Fédération sont égaux en droit.

Face à une situation aussi imprécise et complexe, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, qui est chargée de contrôler la constitutionnalité des constitutions et des lois adoptées par les membres de la Fédération, a été amenée à statuer sur des litiges mettant en jeu les relations fédérales. [4]

La remise en ordre imposée par la jurisprudence a été accélérée par l'adoption de lois centralisatrices, consécutives à l'accession de Vladimir Poutine à la présidence.

A son tour, la codification joue un rôle prépondérant dans l’édification du nouveau système de propriété. La codification post-soviétique est essentiellement réformatrice : dans un premier temps, le projet législatif post-communiste s'inscrit dans une volonté de rationalisation et de stabilisation du nouveau système juridique[5]. De plus, une codification à droit constant, appelée Svod zakonov, est également en cours : elle tente de rassembler, d'une manière systématique, tous les textes de lois fondamentaux qui régissent l'ensemble des branches du droit.

Or cette démarche de codification intensive du droit présente une continuité directe avec la technique juridique socialiste. En effet, deux vagues majeures de codification du droit soviétique ont eu lieu, durant les années 1920 et les années 1960, en Union soviétique. Cette technique de codification a été valorisée dans le cadre du légalisme soviétique. Les juristes socialistes prônaient une conception instrumentale et fonctionnelle de la codification. De nos jours, la même croyance vis-à-vis de l'efficacité immédiate de la codification, à même de faire surgir un nouvel ordre économique et juridique, est réapparue chez les juristes post-soviétiques. De plus, conformément à la tradition soviétique, les nouveaux codes de la transition sont subordonnés à la Constitution dont ils reprennent et détaillent un certain nombre de dispositions. Toutefois, une évolution importante s'est produite au sein de cette continuité culturelle. En effet, à la différence de la période soviétique, la branche du droit privé connaît une importance croissante, dans le cadre du ralliement à l'économie de marché. Dès lors, le nouveau code civil joue un rôle fondamental dans le nouveau système juridique, alors qu'il était cantonné à l'arrière-plan en droit soviétique.

 

Dès sa promulgation, le nouveau code civil russe s'est vu attribuer la désignation de « Constitution économique » du pays, aussi bien par les autorités politiques que par la presse du pays[6]. En effet, un objectif ambitieux lui est réservé : il doit désormais régir toutes les relations de droit privé, y compris les relations de droit commercial. Le législateur post-soviétique est resté fidèle à la tradition juridique nationale, en reconduisant sciemment le principe d'unité du droit civil. Pourtant, les premières années de la transition ont été marquées par l'opposition entre les tenants de l'approche dualiste du droit privé, qui préconisaient l'adoption d'un code de commerce parallèlement au code civil et les partisans de l'approche moniste, favorables à un code civil unique. Ce débat s'inscrit dans la prolongation du projet d'adoption d'un code économique qui s'était formé, d'une manière récurrente, lors de l'élaboration des codes civils soviétiques. Il témoigne ainsi du conservatisme relatif de la doctrine post-soviétique. Toutefois, cette marque de continuité historique s'est révélée peu cohérente : le contenu du droit commercial de la transition se démarque radicalement du droit économique soviétique, fondé sur les relations verticales entre les entreprises et l'Etat. De plus, dès l'ère pré-révolutionnaire, la majorité de la doctrine russe réfutait l'existence d'une dualité du droit privé et rejetait l'exemple des codes de commerce français et allemand. Aussi le projet pré-révolutionnaire de code civil régissait toutes les matières du droit privé, sans réserver de section spécifique aux relations juridiques avec les personnes morales. De même, la doctrine soviétique dans son ensemble avait consacré le principe d'unité du droit civil comme principe fondamental du droit soviétique et l'avait diffusé dans les démocraties populaires.

A son tour, l’exemple du droit foncier témoigne aussi du souci d’autonomie du législateur soviétique et post-soviétique.

Le régime juridique spécifique du droit de propriété : l’exemple du Code foncier

Dès 1991, l'ensemble des lois de privatisation, qui avaient pour objet le patrimoine de l'Etat soviétique, ont laissé les terres hors de leur champ d'application. A la différence des entreprises et du logement, les terres rurales et les terrains urbains du pays ont constitué la partie de la propriété socialiste d'Etat dont le statut juridique a perduré le plus longtemps, durant la première décennie de transition. Entre 1991 et 2001, le décalage entre la rapidité de la privatisation de l'industrie et la lenteur de la décollectivisation des terres est frappant. Ce caractère distinctif de la propriété de la terre souligne l'acuité de la question agraire dans l'histoire du pays. En effet, l'accès à la propriété privée de la terre constitue un véritable tournant politique et idéologique de la Russie post-soviétique. Il concrétise l'un des défis et des impératifs fondamentaux de la transition vers l'économie de marché.

Pourtant, seule la politique de décollectivisation, qui consiste à abroger le monopole de l'Etat sur la propriété des terres, permet d'ancrer définitivement le pays dans l'économie de marché. Elle contribue à unifier le régime disparate de la propriété issue du démantèlement de l'Union soviétique. Or, à la différence de nombreux pays du bloc socialiste, qui avaient entamé une forme de décollectivisation partielle afin de remédier à la crise agricole, la Russie soviétique a fait preuve d'un attachement viscéral au collectivisme agraire.

C'est donc aux présidents de l'ère de la transition qu'est revenue la tâche d'opérer une transformation radicale du régime juridique des terres pour y implanter les mécanismes d'économie de marché et se rapprocher des modèles juridiques occidentaux.

L'élaboration d'un nouveau régime juridique de la propriété de la terre, en Russie post-soviétique, est un projet vaste et très ambitieux, compte tenu de la dimension continentale du pays. Il ne peut que se dérouler sur le très long terme. En effet, au-delà des changements juridiques formels, l'entreprise de décollectivisation nécessite de concevoir une nouvelle organisation agraire, qui corresponde au rétablissement de la propriété privée.

Deux étapes majeures caractérisent la réforme de la propriété de la terre, lors de la première décennie de transition : tout d'abord, le Président Boris Eltsine adopte une série de lois et de décrets afin de mener une transformation radicale. La législation est alors axée sur la réorganisation juridique des fermes étatiques et collectives et la promotion de fermes individuelles privées, qui doivent contribuer au renouveau du secteur agraire et à la relance de la production agricole.

Cette période est alors jalonnée par les tentatives infructueuses menées par le mouvement politique libéral pour faire rénover le Code foncier de 1991. Alors que le programme de Boris Eltsine est axé principalement sur le retrait de l'Etat de la structure agraire, la politique initiée par Vladimir Poutine se veut plus mesurée et adaptée au contexte national. [7] Il juge important de rehausser le soutien de l'Etat dans le secteur agraire et de revaloriser les grandes fermes étatiques. Fort d'un nouveau consensus politique, il arrive alors à mener à bien l'adoption de deux textes législatifs fondamentaux qui rénovent, d'une manière appréciable, le régime juridique de la propriété de la terre : la promulgation du nouveau Code foncier de 2001, suivie de la loi de privatisation des terres agricoles de 2002, constitue une révolution juridique à l'échelle du pays.

Dans un premier temps, la multitude des régimes juridiques spéciaux de propriété, caractéristiques du sol soviétique, persiste pendant la transition. Elle constitue un frein à l'investissement national et une entrave à l'implantation étrangère. Toutefois, les formes d'affectation de la terre évoluent. Toute la législation et la jurisprudence relatives à la terre et la mise en œuvre de la réforme agraire témoignent des tendances tantôt libérales, tantôt conservatrices, qui prédominent, au gré des alliances politiques au cœur de la Douma. D'une part, la mise en place d'un moratoire sur la vente des terres et la valorisation du système du bail de la terre ont constitué une solution de compromis par rapport au système soviétique. La réorganisation juridique des fermes étatiques et collectives a mené, de fait, à une décollectivisation très formelle. D'autre part, la promotion des fermes individuelles paysannes, apparue dès la Perestrojka, constitue un projet presque utopique. Enfin, l'expansion du mouvement des lopins paysans et familiaux réalise une remarquable synthèse entre ces tendances opposées, tout en perpétuant la tradition juridique nationale du pays.

L'accès à la propriété privée pleine et entière de la terre constitue l'une des réalités tangibles de la transition, même si le secteur privé foncier reste très restreint pendant la première décennie. Seul le Code foncier de 2001, suivi de la loi de privatisation des terres agricoles de 2002, libéralise et harmonise véritablement le régime juridique foncier de la Russie post-soviétique. Jusqu'à l'adoption de ces nouveaux textes législatifs, le domaine de la propriété privée de la terre se cantonne aux exploitations paysannes, aux petites entreprises agricoles familiales, aux lopins individuels et aux jardins collectifs. [8] Si les lopins familiaux constituent un legs fondamental de la propriété foncière soviétique, la création d'exploitations privées est en revanche propre à la transition. L'abolition de l'interdiction de fonder une ferme privée est apparue dès la fin de la Perestrojka. Le recours au secteur privé s'est d'emblée imposé comme remède aux dysfonctionnements de l'agriculture collectivisée. De plus, il symbolise véritablement la rupture avec le mode de détention et d'exploitation des terres et de la production agraire soviétique. Dans tout l'ancien bloc soviétique, la création d'exploitations privées accompagne le mouvement de réorganisation des fermes d'Etat.

En réalité, une distinction fondamentale s'impose au sein de l'appropriation privée de la terre : les fermes paysannes, peu nombreuses, n'ont pas été en mesure d'assurer une production agricole importante. Seuls, les lopins ruraux et urbains assurent une part déterminante dans la production agricole nationale.

Les deux grandes lois foncières adoptées en 2001 et 2002 constituent la clef de voûte des réformes entreprises par Vladimir Poutine dans le cadre de son premier mandat. Bénéficiant d'un nouveau contexte politique et économique particulièrement favorable, le Président a réussi à mener à bien l'adoption d'une législation foncière qui avait été sans cesse ajournée pendant la présidence de Boris Eltsine. Pendant toute la première décennie de transition, l'ampleur des débats politiques et idéologiques relatifs à l'autorisation de l'achat et de la vente des terres agricoles a entraîné un retard considérable dans le processus de privatisation de l'agriculture, sans cesse différé et donc mis en marge par rapport aux autres secteurs de l'économie.

Dès son arrivée au pouvoir, Boris Eltsine a appelé à la refonte du Code foncier de la Perestrojka et a adopté un certain nombre de décrets appelés à stimuler la naissance du marché foncier et à élargir le domaine de la propriété privée de la terre[9]. En particulier, le décret présidentiel du 27 octobre 1993 met fin au moratoire de 10 ans instauré sur la vente des terres afin que les propriétaires des parcelles de terre puissent désormais accomplir librement tout acte de disposition sur leurs terres. La Constitution de 1993 et le Code civil de 1994 ont également consacré le principe général de la propriété privée de la terre. Or l'entrée en vigueur du Chapitre 17 du Code civil I relatif à la propriété de la terre a été officiellement subordonnée à celle du nouveau Code foncier. Dès lors, quatre projets de Code foncier se sont succédé de 1995 à 2001, sans jamais aboutir, compte tenu de l'ampleur de la résistance manifestée par une Douma conservatrice. [10].

Finalement, le premier gouvernement de Vladimir Poutine a contourné le problème en faisant voter, dans un premier temps, en 2001, un Code foncier qui régit les terres à usage non agricole, avant d'obtenir, en 2002, un consensus politique suffisant pour faire adopter une loi relative au secteur des terres agricoles. Malgré les concessions politiques importantes dont elles ont fait l'objet, ces deux lois fédérales réalisent des avancées considérables en procédant à une modernisation et à une harmonisation du régime juridique foncier. La terre russe est enfin commercialisable dans son ensemble et cesse d'être un bien à part.

La promulgation de ce nouveau Code, dix années après le Code foncier de la Perestrojka de 1991, atteste de l'enracinement de l'autonomie du droit foncier dans la tradition russe.[11] Le fait d'accorder un code spécifique au traitement juridique de la terre montre combien elle est perçue comme un bien à part. Pourtant, dans le contexte post-soviétique, le maintien de cette répartition des branches du droit pose problème. En effet, dans le nouveau contexte d'économie de marché, la terre a quitté la branche du droit administratif et a réintégré le domaine civil pour être considérée comme faisant partie des relations patrimoniales. Dès lors, la question du bien-fondé du Code foncier et de sa coexistence avec le Code civil qui consacre un chapitre particulier à la propriété de la terre se pose avec acuité. Malgré la répartition imprécise entre ces deux codes et les contradictions qui surgissent parfois entre les dispositions civiles et les dispositions foncières relatives à la terre, le législateur post-soviétique a sciemment reconduit cette division en s'appuyant sur le principe général suivant : la législation civile pose les principes généraux du régime juridique de la terre, tandis que la législation foncière développe et concrétise ces principes[12].

Outre la difficulté à opérer une distinction entre les dispositions civiles et les dispositions foncières relatives à la propriété de la terre, la question de la portée réelle du nouveau Code foncier s'est également posée. Dès le départ, deux conceptions de la codification se sont affrontées : le code opère-t-il une simple rationalisation des lois agraires existantes ou modernise-t-il vraiment le secteur agricole en l'ancrant pleinement dans l'économie de marché ? La limite essentielle de cette nouvelle codification, présentée comme réformatrice, tient à son domaine d'application très restreint : ce Code ne régit pas les terres à destination agricole; il régit uniquement les terres à usage commercial et industriel et les terres rurales à usage personnel. Dès lors, il ne régit que 2 à 3 % des terres du pays, ce qui réduit considérablement sa portée modernisatrice. C'est à ce prix que l'adoption de ce Code foncier a pu aboutir : dans la mesure où tous les projets de Code foncier antérieurs avaient échoué à cause des dispositions relatives à l'achat-vente des terres agricoles, le gouvernement a finalement décidé, au cours de la session parlementaire de 2001, de reporter le débat sur cet aspect très controversé et a donc réduit le domaine d'action du Code aux terres à usage non agricole.

Toutefois, l'entrée en vigueur de ce Code a apporté un certain nombre d'acquis : tout d'abord, il a apporté une rationalisation importante au désordre juridique qui s'était instauré au niveau fédéral comme au niveau local. Il a surtout codifié les décrets présidentiels qui avaient autorisé, depuis 1994, un certain nombre de transactions foncières sur les terres qui n'étaient pas à destination agricole. Dès lors, il ouvre officiellement la voie à l'émergence d'un véritable marché foncier pour les terrains urbains et industriels et pour les terrains des lopins et des datchas en dehors de la ville. De plus, l'adoption d'une loi fédérale, venue compléter ce Code six mois après, en juillet 2002, a comblé le vide législatif relatif aux terres à destination agricole.

L'adoption de la loi du 24 juillet 2002 relative au secteur des terres à destination agricole, entrée en vigueur six mois plus tard, le 27 janvier 2003, constitue une avancée remarquable du processus de transition dans le domaine foncier[13]. En effet, cette loi autorise pour la première fois, depuis 1917, la vente des terres agricoles. De plus, aucune loi agraire adoptée antérieurement dans l'histoire du pays n'a libéralisé le régime juridique des terres agricoles dans des proportions aussi importantes. La portée historique et symbolique de cette législation est donc très grande. Elle se présente, dans un premier temps, sous le jour d'une véritable « révolution agraire ». Ainsi, en l'espace de quelques mois, à la suite de la promulgation récente du Code foncier en novembre 2001, le gouvernement Poutine est arrivé à mener à bien le processus d'adoption d'un corps de dispositions stratégiques, relatives à l'achat-vente des terres agricoles, qui constituait jusque-là l'entrave essentielle à l'avancement de la réforme agraire.

Pourtant, cette loi agraire constitue l'exact complément du Code foncier de 2001 qui consacrait la propriété privée des lopins individuels et du foncier bâti, en particulier les terrains urbains. Elle autorise à son tour la propriété privée des terres agricoles et définit la procédure de privatisation, en particulier pour les parts indivises de la propriété collective des anciens kolkhozes et sovkhozes. Elle régit également le corollaire de ce nouvel accès à la propriété privée, à savoir la transmission successorale. Elle accorde également des développements à la formule juridique du bail, qui offre des droits plus étendus que les anciens droits d'utilisation soviétique. Enfin, elle régit l'hypothèque des terres agricoles. En reconnaissant la transaction de l'achat-vente, elle opère une mise en conformité du statut juridique des terres agricoles avec la Constitution de 1993 et le Code civil de 1994 qui consacraient le principe de propriété privée de la terre en général et qui s'appliquait donc, sans exception, à tous les types de terres. Cette loi a l'avantage de mettre fin à un grand nombre d'incertitudes juridiques et d'irrégularités en posant un cadre législatif stable et fiable pour la plus vaste catégorie des terres du pays, qui recouvre environ 404 millions d'hectares et qui revêt de grands enjeux économiques et stratégiques. Elle opère aussi une rationalisation et une harmonisation du statut juridique de ces terres qui se rapprochent désormais des autres types de terre. Ce faisant, le régime juridique foncier russe a opéré un rapprochement juridique notable avec le régime juridique reconnu aux terres en Occident.

Cette nouvelle sécurité juridique conférée à ce type de terres qui bénéficiait, jusqu'alors, d'un statut juridique à part, est à même de rassurer les investisseurs étrangers qui invoquaient, auparavant, la faiblesse de la législation et l'absence de garanties fiables pour s'implanter en Russie. Ils ne pouvaient pas acquérir de terres en pleine propriété. Or les difficultés d'adoption de la loi de privatisation des terres agricoles de 2002 sont liées en grande partie à la question de la propriété étrangère de la terre.[14] Les députés qui ont voté cette loi ont à nouveau été confrontés à un problème récurrent depuis le début de la transition : faut-il autoriser l'accès des étrangers, individus et personnes morales à la propriété privée des terres à destination agricole ? Si, depuis 1991, l'accueil de l'investissement étranger a fait l'objet d'une libéralisation considérable par rapport au monopole absolu de l'Etat soviétique sur le commerce extérieur, les lois de 1991 et de 1999 relatives à l'investissement étranger n'ont eu que peu d'impact pratique sur l'implantation étrangère en Russie. Cette réticence à libéraliser le régime juridique de la terre afin d'autoriser l'implantation étrangère est le fait de la majeure partie des pays de l'ancien bloc socialiste, à l'exception des pays baltes.

De plus, la crainte de la spéculation étrangère, en particulier alimentée par le parti agrarien et le parti communiste, n'est pas seulement le fait des dirigeants et des hommes politiques ; elle est aussi très présente dans la société russe tout entière, qui n'est pas favorable à une ouverture totale de l'économie russe au capital étranger. La majorité de la population préfère un marché foncier libre, accompagné de quelques limitations vis-à-vis des investisseurs internationaux.

Conformément à cet état d'esprit, les dispositions de la loi de privatisation agricole de 2002 consacrées aux investisseurs étrangers adoptent la conception restrictive de la propriété étrangère, déjà intégrée dans le Code foncier de 2001. L'article 3 de cette loi est consacré spécifiquement au droit d'accès aux parcelles de terres à destination agricole des citoyens étrangers, des personnes morales étrangères, des apatrides et des sociétés à capital mixte dont la participation étrangère excède 50 % des parts. Cette disposition énonce que ce groupe de personnes peut détenir des terres agricoles seulement dans le cadre du droit de bail. Les étrangers ne peuvent donc posséder la terre agricole russe en pleine propriété, puisque ce type de terres reste exclusivement destiné à la propriété privée des citoyens et des personnes morales russes. De plus, l'article 9 de cette loi, consacré au bail des terres à destination agricole en général établit, dans son alinéa 3, que la durée maximale des baux agricoles ne peut excéder 49 ans. Ce traitement discriminatoire, assorti d'une préférence nationale, a fait l'objet de nombreux débats lors du processus d'adoption de la loi. C'est la solution la plus restrictive qui a été retenue, aux dépens de la solution plus libérale qui consistait à autoriser les régions à décider elles-mêmes de la vente de la terre aux étrangers. Cette concession réalisée en faveur du marché foncier national a sans doute permis au processus législatif d'atteindre rapidement l'adoption définitive de la loi. Même si l'accès des étrangers aux terres agricoles reste précaire et étroitement réglementé, il n'en reste pas moins un progrès par rapport au flou juridique entretenu dans ce domaine pendant la première décennie de transition.

Il est indispensable de poursuivre le mouvement d'harmonisation et de rationalisation des différents statuts juridiques qui coexistent en Fédération de Russie. La surabondance de régimes spéciaux et le manque d'unité juridique territoriale ne peuvent qu'entraver la circulation de la propriété mobilière, les échanges commerciaux et le développement du marché foncier. Dès le début de la transition, les experts, russes et occidentaux, avaient prédit que la transition vers l'économie de marché et l'Etat de droit, s'échelonnerait sur plusieurs décennies. Enfin, le poids des modèles juridiques nationaux limitent la réintégration de la Russie dans les familles de droit occidentales. Le fait de surmonter le nationalisme et de souhaiter une meilleure intégration mondiale constitue la condition indispensable pour stimuler le mouvement de réforme et d'occidentalisation.

Notes

[1]G. Ajani, « La circulation de modèles juridiques dans le droit post-socialiste », Revue Internationale de Droit Comparé., n° 4, 1994, p. 1103.

[2]G. Ajani, "The Supremacy of Statutory Law in Socialist Systems: Scholarly Opinions and Operative Rules", Review of Socialist Law, vol. 11, number 1, 1985, p. 126-127 et H. Izdebski, « Les sources du droit dans les pays socialistes européens. (Histoire, théorie, pratique) », Revue Internationale de Droit Comparé, n°1, 1986, p. 9, p. 14 et p. 18, soulignent le poids du droit écrit, constitué des lois, des décrets et des règlements, dans tous les systèmes juridiques socialistes.

[3]A. Scaggion, La codification du droit russe (1991-2002), Thèse, Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, 2002, p. 99, souligne le rôle moteur de la Constitution dans l'essor de la nouvelle codification.

[4]A. Gazier, « Justice constitutionnelle et fédéralisme en Russie », Revue de Droit Public, t. 115, n° 5, 1999, p. 1389-1391.

[5]R. Knieper, "Stability and Transition in the Civil Code of the Russian Federation", McGill Law Journal, vol. 44, numbers 1-2, 1999, p. 261.

[6]S. S. Alekseev, « Les perspectives de développement du droit privé en Russie. Dispositions fondamentales », Revue Internationale de Droit Comparé, n° 1, 2001, p. 161-162.

[7]S. K. Wegren, "Russian Agrarian Policy under Putin", Post-Soviet Geography and Economics, vol. 43, number 1, 2002, p. 26-28.

[8]A. Giroux, « L'agro-alimentaire russe en panne entre réforme et conservatisme », Le Courrier des Pays de l’Est, n° 405, 1995, p. 15.

[9]Sur l'affrontement entre le gouvernement et le Parlement au sujet de la propriété privée de la terre, voir A. Barnes, "Property, Power, and the Presidency: Ownership Policy Reform and Russian Executive-Legislative Relations, 1990-1999", Communist and Post-Communist Studies, vol. 34, number 1, 2001, p. 45-46 et p. 52.

[10]A. Barnes, "Property, Power, and the Presidency: Ownership Policy Reform and Russian Executive-Legislative Relations, 1990-1999", Communist and Post-Communist Studies, vol. 34, number 1, 2001, p. 45-46 et p. 52.

[11]Le droit agraire a constitué une branche autonome non seulement en droit soviétique, mais aussi en droit pré-révolutionnaire. Dès lors, le législateur post-soviétique ne s'inspire pas de l'expérience étrangère pour élaborer la nouvelle législation foncière mais choisit de rester fidèle à la tradition nationale. Voir O. I. Krassov, «Perspektivy razvitiâ zakonodatel’stva o častnoj sobstvennosti na zemlû» [« Les perspectives de développement de la législation relative à la propriété privée de la terre »], Gosudarstvo i Pravo, n° 5, 1994, p. 62 et L. Skyner, "Property as Rhetoric: Land Ownership and Private Law in Pre-Soviet and Post-Soviet Russia", Europe.-Asia Studies, vol. 55, number 6, 2003, p. 901-902.

[12]L'idée est que la législation civile ne peut tenir compte des particularités de la terre. Cf O. I. Krassov, «Perspektivy razvitiâ zakonodatel’stva o častnoj sobstvennosti na zemlû» [« Les perspectives de développement de la législation relative à la propriété privée de la terre »], Gosudarstvo i Pravo, n° 5, 1994, p. 62.

[13]S. K. Wegren, "Observations on Russia's New Agricultural Land Legislation", Eurasian Geography and Economics, vol. 43, number 8, 2002, p. 651 et C. Cordonnier, « Russie. Droit foncier et stratégies agricoles », Le Courrier des Pays de l’Est, n° 1034, 2003, p. 4.

[14]Lors de l'adotion du projet de loi en deuxième lecture, la Douma a adopté un amendement à une majorité écrasante (366 voix) afin de prohiber toute vente de terre agricole aux étrangers et de ne leur accorder que le droit d'accès au bail pour une durée maximale de 49 ans. V. Putin lui-même a pris position en jugeant qu’« il n'y a pas de nécessité économique pour autoriser la vente aux étrangers ». Un député réformiste, Boris Nadeždin, juge cet amendement peu opérationnel dans la mesure où les étrangers peuvent toujours tenter de s'approprier le sol russe par le biais des sociétés mixtes; il estime aussi que cette loi aura peu d'effet car la demande pour l'achat des terres agricoles, au sein des acheteurs potentiels autres que les oligarques, est en réalité peu élevée. Cf Angela Charlton, "Russian Land Law Bans Foreigners", June 26, 2002, in http//www.cdi.org/russia/johnson/6324-3.cfm et N.Nougayrède, « Pour la première fois depuis 1917, la Russie va autoriser la vente de la terre », Le Monde, dimanche 23-lundi 24 juin 2002, p. 3.

 

Pour citer cet article

Diane Skoda, « La propriété en Russie aujourd’hui : les choix opérés par le législateur post-soviétique », journée d'étude La propriété en Russie, ENS de Lyon, le 5 juin 2009. [en ligne], Lyon, ENS de Lyon, mis en ligne le 2 octobre 2009. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article199