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La privatisation ou l’émergence de droits individuels sur la propriété collective soviétique. Les changements de rationalité par le droit.

Aurore CHAIGNEAU

Université Paris-X

Index matières

Mots-clés : Propriété - Empire - Régime soviétique - Libéralisme

Plan de l'article

Texte intégral

  Il a été rappelé dans une précédente intervention qu’« il existe des libéralismes ». Ce constat est une approche à part entière. En effet, on peut considérer le libéralisme comme une doctrine uniforme ; on chercherait alors à vérifier son existence dans le cas russe à travers la façon dont le terme est développé par les auteurs russes eux mêmes. Mais on peut encore compléter cette démarche par l’étude de l’emploi de ce terme dans un champ qui dépasse le discours savant pour saisir en retour ce qui est assimilé et opposé au libéralisme en Russie. On voit alors poindre des libéralismes selon les différents contextes dans lesquels l’expression est convoquée. Le terme de libéralisme prend tout son relief au travers de l’histoire russe lorsque l’on s’intéresse à la réforme de l’Etat et des institutions. La façon dont l’époque prérévolutionnaire est aujourd’hui invoquée pour appuyer les transformations institutionnelles dans la période contemporaine, illustre parfaitement l’éclectisme russe en matière de libéralisme.

Il y a clairement plusieurs libéralismes : celui qui servit la modernisation de la Russie et le démantèlement des institutions paysannes dans la seconde moitié du XIXe siècle, celui qui fut paradoxalement brandi comme un épouvantail par les doctrines anticapitalistes et revendiqué par certains réformateurs légalistes de ce même régime, et enfin, celui qui, assimilé à la marchandisation et la finance, a servi la privatisation grâce à la création de marchés de titres dans la dernière décennie. A chaque fois le contexte et les réformes sont fort différents tant par leur contenu que leurs objectifs. Pourtant ces expériences libérales sont parfois invoquées en bloc, comme dans la période récente. L’unité du terme reste l’ultime justification de l’existence du libéralisme en terre russe où plus qu’ailleurs l’on doute de son opportunité en ce début de XXIe siècle.

La notion a donc changé de contenu selon les époques car elle s’oppose à chaque fois à un contraire, lui aussi pluriel, que ses usagers veulent battre en brèche. Peut-on dire que le libéralisme sert de repoussoir ? L’expression est sans doute exagérée mais il est notable que la notion réapparaît au moment d’importantes transformations institutionnelles avant d’être à chaque fois discréditée.

 

Les réformes du droit de propriété à travers les ruptures et les continuités des régimes politiques et juridiques de la Russie en sont la claire illustration. En deux siècles, du règne de Nicolas Ier à la présidence de Dmitri Medvedev, on est passé d’une propriété nobiliaire à une propriété privée et individuelle, propre au droit contemporain des économies de marché. Dans cet intervalle, on constate non seulement une évolution des règles de droit sur le fond mais également une révolution du droit lui-même et du champ juridique. Le droit de propriété a été profondément transformé. Cette institution centrale dans le droit russe est un clair indicateur de l’évolution du système lui-même. La Russie a connu autant de libéralismes que de droits de propriété. C’est ce que nous proposons de remettre en perspective, en examinant tout d’abord le droit de propriété sous l’Empire, puis sous le régime soviétique, pour envisager enfin les réformes contemporaines et les enjeux de la libéralisation.

 

Le droit de propriété sous l’Empire. Un mouvement libéral autour des réformes de la propriété au XIXe siècle

Le Svod Zakonov (SZ) (Recueil de lois) de 1832 rédigé sous l’égide du comte Spéranski consacre un livre à l’acquisition de droits sur les biens. On y retrouve le terme de propriété (sobstvennost’) dans le chapitre consacré « aux différents droits sur les biens ». L’article 420 le définit comme un pouvoir absolu sur des objets et reprend pour ce faire la formulation issue du droit romain : la triade abstraite de « possession, usage, disposition ». Cette expression déjà employée dans les ouvrages philosophies et politique intègre ici le corpus législatif[1]. Associée à la propriété privée, dont le titulaire possède la pleine disposition, elle contraste avec la réalité des régimes patrimoniaux en vigueur en Russie à la même époque.

Le droit des biens de l’Empire peut alors être caractérisé par sa très grande compartimentation entre des régimes nobiliaires et communautaires de propriété, faisant une large place aux propriétés familiales en matière immobilière. Il n’existe pas à proprement parler un régime de propriété privée unitaire en Russie à cette époque mais plutôt une myriade de règles selon la nature des biens ; leur dénomination dépend elle-même du statut de la personne (homme ou femme, serf ou bourgeois, orthodoxe ou musulman, etc.).

Dans ce contexte, la méthode d’exposition du Svod Zakonov illustre l’ambition réelle des rédacteurs de « moderniser » la langue savante du droit en s’inspirant des textes européens et notamment du Code français. Et ce indépendamment de toute réforme sur le fond. Implicitement s’offre ici l’illustration d’une percée de la pensée libérale, brutalement calquée sur la réalité russe. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’œuvre codificatrice de Spéranski vient rapidement à être critiquée par la jeune garde des intellectuels russes, à la fois pour son mimétisme aveugle et stérile des textes occidentaux et pour sa prétendue inutilité pratique.

En effet l’entreprise de codification menée par Spéranski dans les années 1820 ne s’accompagne d’aucune réforme effective de la propriété, ce qui rend ambigu l’usage même du terme de propriété. La terminologie abstraite du droit moderne est plaquée sur les droits féodaux, nobiliaires et communautaires de l’Empire.

 

Si le terme de sobstvennost’ s’était révélé véritablement superflu, son emploi aurait du s’étioler avec le temps, à mesure que l’étude du Svod Zakonov se faisait plus critique. Or il n’en a rien été. On remarque au contraire son usage accru et qui se déplace progressivement.

Les jeunes juristes russes du XIXe siècle, formés en Allemagne pour la plupart et qui jouent des comparaisons entre les différents systèmes juridiques, ne vont cesser d’employer ce terme tout en étudiant de façon toujours plus approfondie les différents droits russes. Leur attention se porte ainsi à partir des années 1860 sur les droits dits coutumiers, paysans, régionaux. Ce faisant, ils exportent le terme de sobstvennost’ dans ce champ nouveau. Cette évolution accompagne bien entendu un mouvement contestataire croissant du système russe qui dénonce le retard du pays, son arriération, en même temps qu’il plaide parfois pour la reconnaissance de son originalité.

Ainsi, étonnamment et pour résumer, on pourrait dire que de la critique du Svod Zakonov naît la « sobstvennost’ paysanne » dès les années 1870. Cette catégorie vient de la sorte progressivement désigner les régimes de possession paysanne qui, le plus souvent, n’étaient pas considérés comme des droits mais seulement comme de simples « coutumes ». Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’usage du terme de propriété s’émancipe ainsi des régimes nobiliaires pour être accolé à des formes de possession foncière traditionnelles. L’unité du mot vient consacrer les droits paysans. Les règles d’organisation des communes paysannes sont ainsi valorisées et légitimées comme des droits à part entière concurrençant les droits nobiliaires archaïques. Dans les monographies, les possessions paysannes sont effectivement qualifiées de « propriétés » bien que le titulaire n’ait que l’usage partiel et, parfois même, aucun droit de disposition du fonds.

Ces travaux sont en outre le pendant d’une critique grandissante du régime. Pour les juristes libéraux, le rapprochement terminologique souligne d’autant mieux les inégalités flagrantes selon le statut des personnes. Il permet de dénoncer les règles de la propriété et ne rend que plus manifeste l’iniquité des régimes de possession, ce qui renforce les attaques contre le régime impérial dont l’inertie empêche toute réforme de la propriété paysanne. C’est ainsi que la propriété devient un des points de focalisation de la réforme politique.

 

Rétrospectivement, la dernière étape de cette évolution semble avoir été la réforme agraire. Au début du XXe siècle, Stolypine démantèle les communes agricoles. En libéralisant les régimes de possession du foncier, il entend créer une couche prospère de propriétaires indépendants à même de garantir la stabilité du régime. Désormais, il est acquis que les paysans sont des khozâeva comme des sobstvenniki. La création d’exploitations individuelles par la division des exploitations agricoles et par le partage des terres des communes paysannes est enfin autorisée. Les paysans volontaires reçoivent une partie des terres communes pour créer leur propre exploitation qu’ils peuvent librement céder. Dans le même temps, l’on espère qu’une frange de la population rurale vendra ses biens et quittera la campagne de manière à grossir la main-d’œuvre ouvrière dont l’économie industrielle a besoin. Les effets de cette réforme libérale profonde des régimes fonciers n’a pu produire les effets attendus. Malgré tout, la réforme avortée de Stolypine, la diffusion et la « popularisation » de la notion de propriété est restée acquise. Ceci explique paradoxalement qu’elle ait subsisté après la Révolution de 1917, laquelle décide d’en priver la noblesse et de la redistribuer au peuple.

Le droit de propriété sous le régime soviétique. La propriété anti-libérale et l’appel à une libéralisation du régime

Le terme de sobstvennost’ aurait pu disparaître avec le changement de régime mais il n’en a rien été puisqu’il est réemployé dans le discours des révolutionnaires qui, dans leurs premiers décrets, abolissent la propriété foncière et réforment l’ensemble des règles de propriété. L’expression est employée pour justifier la propriété du peuple[2]. Les révolutionnaires, tout en abolissant la propriété privée immobilière, pérennisent progressivement de nouvelles catégories de droits de propriété et le droit lui-même que Lénine n’entendait pas laisser dépérir[3]. C’est ensuite que, sous l’influence de la politique législative menée par Vychinski et Staline, est instauré un système de droits de propriété hiérarchisés selon la fonction économique et politique du sujet de droit et théorisé par Venediktov dans un ouvrage resté de référence[4].

À partir des années 1930, les termes de propriété socialiste et de propriété personnelle remplacent ceux de propriété privée et de propriété impériale. Dans le droit soviétique nouveau, établi par la loi « Sur protection de la propriété socialiste » (Ob okhrane socialističeskoj sobstvennosti)[5], ces catégories sont même placées au centre du système de droits civils. La propriété occupe une place fondamentale dans l’ordre juridique soviétique. Mais elle n’est en rien comparable au régime de propriété libéral[6]. Le droit sert à la planification de l’économie et au contrôle des personnes. Bien que soutenant certaines comparaisons avec un régime juridique libéral, ce droit a une nature tout autre tant dans sa lettre que dans sa pratique. Néanmoins quelles que soient les spécificités du droit soviétique, la traduction de sobstvennost’ par le terme de propriété est donc nécessaire et appropriée car cette catégorie renvoie, plus encore en droit russe qu’en droit français, au champ des prérogatives les plus larges sur le bien. Il énonce la forme d’appropriation la plus complète dont dépendent toutes les autres opérations juridiques sur la chose.

Une des spécificités importantes du droit soviétique tient à la limitation, voire la tentative d’élimination des formes de commerce juridique de façon à limiter les échanges horizontaux au profit de la planification et de transferts non marchands. Il y a bien une restriction des formes de circulation des biens entre personnes privées concomitamment à la consécration quasi exclusive des transferts de type distributif et à titre gratuit. Dans cet ordre juridique, le « propriétaire personnel » (ličnyj sobstvennik) peut uniquement acquérir la propriété de biens non productifs et, dans des quantités contrôlées, les louer à condition d’en avoir la « nécessité » mais sans dégager de profits ou faire de la spéculation. Il peut donc aliéner ses biens personnels dans un champ étroit restreignant le montant possible des gains. Parallèlement, le droit civil soviétique sert dans son entier à matérialiser une doctrine économique d’influence marxiste dont l’outil premier est la planification. Il se concentre sur la production et la distribution des richesses[7].

De ce constat certains auteurs ont conclu qu’il ne s’agissait pas de propriété mais de simple possession, ou d’usufruit. Ces expressions prêtent tout autant à confusion. Il s’agit bien de propriété, mais de propriété non libérale.

 

Or ce régime comme tout autre a généré ses propres apories. Fondé sur la propriété, mais sans prévoir de forme de démembrement, le statut des usagers des biens nationalisés reste indéfini jusque dans les années 1970. Une « lacune » dans laquelle se développent des pratiques prédatrices qui ruinent la collectivisation de la production. Face à l’ampleur de ces dérives, les appels à la réforme se multiplient qui voient aboutir l’adoption d’un nouveau Code civil en 1964 et l’adoption d’une nouvelle Constitution en 1977.

Ces deux textes, qui témoignent de la volonté de réformer le régime pour le sauver, ont dans le passé souvent été associés à une « libéralisation ». Des auteurs russes et étrangers ont volontiers présenté le contexte des réformes comme un assouplissement du régime, une ouverture. Or tout porte à penser qu’en matière de propriété, la réforme législative illustre tout l’inverse avec un renforcement de la logique productiviste et un assujettissement croissant des intérêts personnels aux intérêts collectifs. La propriété personnelle est une propriété de « consommation ». Elle équivaut à un droit de consommation des biens produits. Ce droit reste fondamentalement le dérivé de la production. Seule la violation du régime légal permet alors de s’émanciper de cette logique, ce dont les acteurs de l’époque sont conscients ; c’est pourquoi la législation pénale se développe fortement dès les années 1960.

L’appel à la libéralisation va lui se poursuivre et ne prendra véritablement corps qu’avec la Perestrojka. C’est seulement là que les ponts sont coupés avec la logique productiviste qui forge le cadre théorique des réformes juridiques ; la loi sur les coopératives, la loi sur le bail et enfin la loi sur la propriété adoptée dès 1990 libéralisent les échanges marchands en permettant l’émergence de nouveaux acteurs économiques. Les échanges sont restaurés, la capacité d’agir des sujets de droit élargie, en particulier dans le domaine commercial émergent. Le régime change brutalement de rationalité avant même sa chute.

Le droit de propriété et le libéralisme contemporain

Il serait trop long de revenir sur l’ensemble des réformes qui ont agité la Fédération de Russie depuis 1991. Il faut noter qu’une fois de plus le terme de « propriété » (sobstvennost’) demeure présent dans la législation civile. Sa définition n’a presque pas été modifiée, inspirée toujours de la triade romaine. Mais les règles de base de son régime ont, elles, été profondément revues : égalité des sujets de droit, régime unique qu’il s’agisse d’une propriété privée ou publique, etc. Le Code civil de 1994 n’a plus grand-chose en commun avec celui de 1964 malgré quelques résidus en sursis.

Une constante demeure cependant : la propriété reste perçue par les cadres soviétiques toujours aux commandes comme l’outil salutaire de réforme de l’économie et de l’Etat. Au centre de la doctrine soviétique, elle devient « logiquement » le levier du libéralisme économique. Le code civil étant lui désigné comme sa « constitution économique». Etait-ce une erreur de méthode, ou un des avatars du dogmatisme économiste des dirigeants d’alors ? Bien que prétendant s’émanciper de la doctrine socialiste du droit et de l’économie, la doctrine juridique des années 90 reste très attachée à décrire le droit à travers ses effets économiques. Elle croie en une forte corrélation entre la réforme des institutions, l’évolution des pratiques sociales et le développement économique. Chaque nouvelle loi est ainsi inscrite dans un programme plus vaste de redéfinition du jeu des acteurs économiques sans que ne soit mise en doute l’aboutissement réel de ces mesures. L’idéologie change de bord mais œuvre toujours. Ce conservatisme doctrinal qui pense le droit par l’économie coïncide heureusement avec celui des experts étrangers. Il renforce les préceptes des libéraux défendus par les réformateurs, pour qui la propriété privée est un préalable indispensable à la réforme. Il est ainsi communément admis que le salut du pays se trouve dans la « propriété », qu’il faut entendre comme la privatisation, le changement de propriétaire présenté comme une « thérapie de choc ».

On notera que Stolypine, tant sollicité dans la période actuelle pour inspirer les réformes en cours, avait, lui, pris soin de démanteler auparavant les structures archaïques susceptibles de gêner sa réforme. Dans la précipitation, La privatisation est elle conduite de façon plus désordonnée tant elle est appliquée à des secteurs et des acteurs multiples.

Depuis 1990 on a assisté à la privatisation de l’appareil productif, d’abord par la privatisation spontanée, puis par la privatisation de masse largement biaisée. A cela il faut ajouter la privatisation des immeubles et des logements, puis celle de la terre dissociée des biens localisés dessus, ce qui fragilise les droits antérieurement acquis.

Cette privatisation de choc est dénoncée aujourd’hui pour ses errements et les abus qu’elle a pu générer : répartition fictive de la production nationale par la distribution de chèques de privatisation, inégalités de fait selon le degré de connaissance du système par les individus, difficulté d’attribution des biens dans les différents partages (entre actionnaires comme au sein des familles).

Malgré tout, encore une fois aucune remise en cause réelle ne semble s’opérer, à l’exception peut-être d’une ultime tentative avortée de renationalisation lancée par les députés communiste et d’extrême droite de la Douma au début des années 2000.

 

Au sein de la littérature juridique, commence maintenant un travail de justification et de consolidation de ces changements brutaux par une activité intense d’exégèse et de mise en relation des textes nouveaux. Il est intéressant d’observer que les auteurs, jeunes docteurs comme enseignants confirmés, continuent d’utiliser comme source autant la littérature de la période soviétique que celle, redécouverte, de la période prérévolutionnaire. En dépit de positions idéologiques et politiques opposées prises par les auteurs de l’époque, l’exégèse et la dogmatique s’accommodent volontiers de cet éclectisme qui fait l’originalité de la doctrine nationale. Dmitri Meyer, Boris Tchitchérine, Piotr Stolypine, Semione Pahman et bien d’autres sont réédités, relus et agrémentent les débats actuels comme pour marquer la pertinence et la capacité de la doctrine nationale à traiter les enjeux auxquels elle est confrontée. Les juristes russes contribuent ainsi à asseoir le libéralisme dans la période contemporaine en dépit des critiques toujours aussi nombreuses dont il est l’objet dans d’autres sphères de la société.

 


Notes :

[1]L’essor initial de cette notion dans la langue russe s’est, rappelons le, produit concomitamment à la diffusion du libéralisme politique et de la pensée de l’autonomie du sujet dans la philosophie des Lumières. Son emprunt est d’ailleurs ambigu puisqu’il prétend englober l’ensemble des régimes existants tout en désignant, depuis la Chartre de la noblesse, le droit de libre aliénation des biens fonciers reconnu à la noblesse.

[2]Sur les réformes de la propriété après la révolution et les débats autour de la codification des nouvelles règles on se référera aux chapitres I et II dans A Chaigneau, La propriété en mutation, essai à la lumière du droit russe, Dalloz, 2008.

[3]Sur ce point on se référera à l’ouvrage de Novitskaia sur le Code civil de 1922 qui montre la participation très active de Lénine aux travaux préparatoires alors même que la doctrine officielle reste celle du dépérissement de l’Etat et du droit. Les décrets de Lénine et le Code civil de 1922 sont le produit de cette doctrine. Les notions traditionnelles du droit civil y sont reprises mais dans une interprétation inédite. T. E., Novickaâ, Grazdanskij Kodeks RSFSR 1922 g. (Le code civil de la RSFSR de 1922), M. : Zerkalo, 2002.

[4]Anatolij Vasil’evič Venediktov, Gosudarstvennâ socialističeskaâ sobstvennost’, M. 1948. Gosiurizdat

[5]Pour une lecture du texte par le prisme des objectifs politiques : A.Â. Vyshinski ,Trehletnie zakona 7. avgusta 1932 Ob okhrane socialističeskoj sobstvennosti, Za socialističesuiu zakonnost’, 1935, n°9 s. 2.

[6]Le droit civil soviétique propose une construction nouvelle des droits de propriété, au pluriel. Il garantit en premier lieu la propriété socialiste (des biens collectifs) dont dépendent accessoirement les droits de propriété dits personnels (biens individuels) (ličnaâ sobstvennost’) . La propriété est donc bien une catégorie de ce droit, mais une catégorie hétérogène dont la finalité est inédite : la production et la puissance de l’Etat.

[7]Les relations patrimoniales concentrent toute l’attention du législateur dans le Code civil tandis que les autres règles relatives à la famille, la terre, la nationalité, sont regroupées dans d’autres codes. Les dispositions sur la personne se réduisent comme peau de chagrin dans le Code civil de 1964 qui s’organise selon le plan suivant : une courte partie générale, une deuxième partie sur le droit de propriété, une troisième partie sur le droit des obligations, puis de courtes parties sur le droit d’auteur, la propriété industrielle suivie par les successions et enfin les règles sur les droits des étrangers en Russie.

Pour citer cet article

Aurore Chaigneau, « La privatisation ou l’émergence de droits individuels sur la propriété collective soviétique. Les changements de rationalité par le droit », journée d'étude La propriété en Russie, ENS de Lyon, le 5 juin 2009. [en ligne], Lyon, ENS de Lyon, mis en ligne le 10 décembre 2009. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article199