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Pëtr Petrovitch Semënov-Tian-Chanski et la religion : de l’influence de la foi orthodoxe sur la mentalité d’un noble intellectuel (1827-1914)

Irène SEMENOFF-TIAN-CHANSKY-BAIDINE

Université de Caen, ERLIS

Index matières

Mots-clés : Pëtr Semënov-Tian-Chanski, noblesse, Russie, religion, orthodoxie.


Plan de l'article

Texte intégral

Pëtr Petrovitch Semënov-Tian-Chanski (1827-1914) est un brillant représentant de cette ancienne noblesse russe instruite, à la fois patriote et acquise à certaines idées libérales. Il a été un homme scientifique aux talents multiples : géographe, découvreur du Tian Chan (ce qui lui vaut la dernière partie de son nom) et vice-président de la Société de géographie, naturaliste, statisticien. Il a aussi été un homme politique, expert ayant participé activement à la réforme du servage et aux réformes qui ont suivi – en particulier celle de l’armée –, nommé sénateur et membre du Conseil d’État. Il a également été un homme de culture, connaisseur de la peinture flamande et hollandaise[1]. Enfin, fait moins connu, il a été un philanthrope actif.

Quelle est la place de la religion chez cet homme aux multiples facettes ? A-t-elle un lien avec ses prises de position, comme chez tant d’hommes de son siècle en Russie ? Ou la science la relègue-t-elle au rang de référence traditionnelle, mais formelle ?

Ses mémoires en quatre volumes, conçus comme un document historique[2], nous renseignent assez précisément sur son éducation ainsi que sur les mobiles de ses actions. Les mémoires de sa sœur[3], Natalia Grot[4] (1825-1899), écrits pour ses petits-enfants nous apportent des compléments d’information précieux sur l’éducation des enfants Semënov. Enfin, quelques extraits de sa correspondance dernièrement exhumés par Mikhail Arsenievitch Semenov-Tian-Chanski et par Aleksandra Iourievna Zadneprovski permettent de combler le silence des mémoires de Pëtr Petrovitch quant à son évolution spirituelle à l’âge adulte[5].

Nous nous attacherons d’abord à décrire l’éducation chrétienne reçue par les enfants Semënov, puis l’évolution spirituelle de Pëtr Petrovitch à l’âge adulte, avant de donner quelques exemples de l’influence de la foi de Pëtr Petrovitch sur son activité. Nous ne prétendons pas épuiser le sujet. Nous sommes également conscient du caractère forcément plus ou moins subjectif des matériaux utilisés, le genre des mémoires impliquant toujours une reconstitution du passé qui ne peut être totalement neutre.

Une éducation chrétienne fondée sur l’exemple

Le contexte familial

Donnons d’abord quelques précisions sur le milieu dans lequel naquit Pëtr Petrovitch. La famille Semënov est inscrite au sixième livre du Registre généalogique, celui de la noblesse ancienne. L’origine de la famille Semënov n’est pas très clairement établie, elle se perd au XIVe siècle. Quoi qu’il en soit, les Semënov qui étaient sans doute installés à Riazan, passent au service des tsars de Moscou après la chute de la principauté de Riazan à la fin du XVIe siècle. Après l’avènement de Pierre le Grand, les hommes de la famille Semënov continuent généralement à servir l’État, tout en consacrant une partie importante de leur vie à la gestion de leurs terres dans le district (uezd) de Pronsk, province de Riazan. Le grand-père de Pëtr Petrovitch, Nikolaï Petrovitch Semënov, s’illustre dans les campagnes de Catherine II, principalement dans les troupes de Souvorov ; son père, Pëtr Nikolaevitch, capitaine du régiment Izmaïlovski, dans la guerre contre Napoléon.

À côté des militaires, des architectes et poètes entrent aussi dans la généalogie de Pëtr Petrovitch, notamment l’architecte Karl Ivanovitch Blank (1728-1793) dont descendait la mère de Pëtr Petrovitch, et la poétesse Anna Petrovna Bounine[6] (1774-1829), sœur de sa grand-mère paternelle. Par contre, la généalogie ne signale aucun membre du clergé.

Si l’on se réfère aux chiffres donnés par Natalia Grot au moment du partage des propriétés de 1847, le patrimoine de la famille est de 300 âmes et 3 000 dessiatines (1 600 dans la province de Tambov, 1 400 dans celle de Riazan)[7]. Autant dire une fortune assez moyenne : supérieure à celle de la majorité de 70 % des nobles possédant moins de 21 âmes, et inférieure à celle des 3 % des nobles possédant plus de 1 000 âmes[8].

Les enfants Semënov sont élevés dans une atmosphère intellectuelle stimulante. Dans la propriété d’Ouroussovo (district de Ranenbourg, province de Riazan), les invités sont nombreux et divers. On y discute de tous les sujets, on y pratique presque tous les arts, on y récite des poèmes, on y fait du théâtre. Pëtr Nikolaevitch Semënov, qui s’était distingué dans le domaine littéraire et théâtral déjà au temps de son service dans le régiment Izmaïlovski, sait animer les soirées.

Les enfants sont parfaitement heureux jusqu’à la mort subite de leur père en 1832 (Pëtr n’a que 4 ans), disparition qui entraînera la maladie psychique de leur mère. Leur vie bascule alors dans une série d’épreuves comme le résume Natalia Petrovna :

Tout dans notre maison changea et prit le deuil pour longtemps. Nous, enfants, entre les malades et les affligés, devions marcher sur la pointe des pieds et étouffer notre vivacité et notre gaieté enfantine[9].

Une instruction intellectuelle de haut niveau et une instruction religieuse ordinaire

Malgré les difficultés financières engendrées par la mort de leur père, tous les enfants reçoivent une éducation remarquable, en partie grâce à la prise en charge financière de la scolarité des garçons par l’État. D’excellents précepteurs sont employés. La riche bibliothèque familiale permet aux enfants de s’instruire eux-mêmes aux moments de solitude. L’aîné, Nicolas[10], est admis au lycée de Tsarskoe Selo en 1836. Natalia entre à l’institut Sainte-Catherine à Saint-Pétersbourg en 1837, à l’âge de 12 ans. Elle y étudie brillamment et sort première de sa promotion. En 1842, Pëtr intègre l’École des sous-officiers de l’infanterie et de la cavalerie de la garde (Škola gvardejskix podpraporščikov i kavalerijskix junkerov), où il est immédiatement remarqué comme un élève particulièrement savant. Il poursuit ensuite ses études à l’université de Saint-Pétersbourg, puis en Allemagne.

Qu’en est-il de l’instruction religieuse ? Elle est dispensée en premier lieu par les grands-parents et les parents, semble-t-il, et de façon peu systématique, suivant les occasions. Par exemple, leur mère relie tous les phénomènes de la nature à la grandeur de Dieu.

À Moscou, où les garçons Semënov s’installent en 1834 pour deux ans, le père Mikhaïl Soloviev (1791-1861) leur donne des leçons de catéchisme. Les enfants lui rendent parfois visite. Il s’agissait d’un prêtre cultivé, professeur d’instruction religieuse (zakon božij) à l’école de commerce de Moscou, et dont le fils Serge deviendra un historien célèbre. Pëtr Petrovitch gardait du père Mikhaïl un bon souvenir, et il est probable qu’il exerça sur le jeune homme une certaine influence.

Adolescent, à l’École des sous-officiers de l’infanterie et de la cavalerie de la garde, Pëtr n’apprécie guère les cours d’histoire sainte, pourtant précis, du père Kroupski, théologien frais émoulu de l’Académie de théologie, qu’il juge intolérant et fanatique[11].

Concernant les lectures spirituelles de la famille, seul l’Évangile est cité. C’est lui qui devait constituer la base des connaissances des enfants.

Une pratique religieuse régulière et sincère

L’atmosphère de piété dans laquelle les enfants étaient élevés a été sans doute plus décisive dans la formation spirituelle des enfants Semënov qu’une instruction religieuse systématique.

Leurs grands-parents paternels sont, d’après les souvenirs de Natalia Grot, très croyants. Celle-ci se rappelle qu’elle vit un jour leur grand-père paternel, Nikolaï Petrovitch, major en second (sekund-major) à la retraite, homme autrefois athlétique mais complètement diminué par une attaque d’apoplexie, en prière devant une icône de la Mère de Dieu de Kazan. Il récitait à voix haute et en pleurant la prière Protectrice zélée (Zastupnica userdnjaja)[12]. Natalia se souvient également de la femme de Nikolaï Petrovitch Semënov, Maria Petrovna Bounine :

[…] j’ai eu l’occasion de voir comment la vieille femme priait chaque jour, matin et soir, avec ardeur et en versant des larmes, tant et si bien que même à l’église, les larmes d’attendrissement ruisselaient le long de ses joues […][13].

Bien qu’évoqués beaucoup plus succinctement dans les mémoires de Pëtr Semënov et de Natalia Grot, les grands-parents maternels, Pëtr Karlovitch Blank (1758-1811) et Natalia Iakovlevna Evreinova (1779 - 6 janvier 1848), apparaissent, eux aussi, comme des croyants dévots.

Les parents sont sans conteste, eux aussi, très croyants. Un événement, perçu comme une intervention providentielle, a dû marquer leur père. Alors qu’il était enseigne (praporščik) du régiment de la garde Izmaïlovski, Pëtr Nikolaevitch ne fut sauvé sur le champ de bataille de Borodino que grâce à un petit triptyque (le Christ, la mère de Dieu, saint Nicolas), qui le protégea d’une balle qui, sinon, aurait atteint sa poitrine. Cette icône fut ensuite conservée comme une relique familiale[14]. Un autre événement remarquable a été la construction de l’église du village d’Ouroussovo, imposante église en pierre à cinq coupoles, dont les plans ont été dessinés par Pëtr Nikolaevitch lui-même[15].

Leur mère, Aleksandra Petrovna Blank, est très fervente, comme le montrent plusieurs passages des mémoires de Natalia Petrovna. Néanmoins, son influence, après la mort de son mari, est limitée par sa maladie psychique. Maladie qui se traduit par une hypersensibilité et une grande irritabilité. Pëtr Petrovitch, jeune adolescent, agit avec elle comme un adulte responsable envers une malade, tandis que Natalia Petrovna est séparée de sa mère pendant de nombreuses années.

Au temps où elle était en bonne santé, Alexandra Petrovna a habitué ses enfants à prier quotidiennement. Levés à 6 heures du matin, lavés et habillés, ils commencent la journée en prière sous le regard de leur mère.

Toute la famille, à laquelle se joignent de nombreux domestiques, participe aux fêtes ecclésiales :

Les fêtes étaient toujours marquées par une vigile à la maison, et on ne défendait à personne, non seulement au domestique [prisluga], mais même au serviteur remplissant des tâches à l’extérieur [dvorovoj] de venir prier à la maison, de telle façon que non seulement la salle à manger était remplie de fidèles, mais aussi l’entrée spacieuse et l’office [bufetnaja], dont les portes étaient largement ouvertes[16].

À Pâques, tous les paysans viennent chez leur maître et il faut féliciter chacun en particulier suivant la coutume pascale[17]. Scène qui rappelle, en moins détaillée, la description de la fête de Pâques où gens du peuple et seigneurs s’embrassent comme des frères dans le roman de Léon Tolstoï, Résurrection.

Les grandes étapes de la vie familiale, en particulier la naissance, le mariage et la mort, sont vécues religieusement. Ainsi, en 1829, lorsque Anna Petrovna Bounine, sœur de la grand-mère, meurt, Pëtr Nicolaevitch appelle ses enfants et les fait s’agenouiller devant les icônes en les invitant à prier pour le repos de son âme.

Plus tard, le 13 avril 1847, Aleksandra Petrovna s’éteint avec une grande foi en présence de sa fille, alors âgée de 22 ans : « Me voyant en pleurs, elle me bénit ; la veille de sa mort, elle communia et reçut le sacrement des malades en pleine conscience[18]. »

On ne trouve pas trace d’un véritable pèlerinage de la famille Semënov, dans le sens d’un voyage entrepris dans un but uniquement religieux, mais le pèlerinage fait à l’occasion partie du voyage. Pëtr Petrovitch se rappelle du voyage qu’il a effectué avec sa famille à Voronège à l’âge de 7 ans, en 1834, peu après l’invention des reliques de saint Mitrophane[19]. Sur place, toute la famille commence par aller vénérer ces reliques. Le simple peuple et la noblesse se pressent autour. Pëtr est impressionné par la foule, les reliques, l’office épiscopal grandiose interrompu par les cris des possédés (klikuši) qui l’intriguent sans que personne ne puisse lui donner d’explication satisfaisante[20].

La pratique religieuse de la famille Semënov ne semble donc guère se distinguer de celle de beaucoup d’autres familles nobles de l’époque. Les offices mentionnés sont ceux des fêtes. On peut supposer, par déduction, que pour les dimanches ordinaires, la famille ne se rendait pas aux longues vigiles du samedi, et peut-être ne se rendait-elle pas non plus à l’église tous les dimanches. Nulle part il n’est fait allusion à une ascèse spéciale, ou à une communion fréquente. Néanmoins, l’assistance aux offices n’est pas formelle et la prière est régulière.

Les relations avec le clergé de la campagne sont bonnes, sans que celui-ci n’exerce d’influence importante, semble-t-il. La famille Semënov apparaît plutôt dans une position de protecteur :

Le clergé du village était toujours reçu chez nous de la façon la plus cordiale. Les parents et les aïeux s’intéressaient à leurs besoins, les aidaient comme ils le pouvaient, de bon cœur, et les invitaient avec empressement à leur table après les offices à la maison et à l’église[21].

Assez différente, sans doute, était la relation aux prêtres instruits, comme le père Mikhail Soloviev évoqué plus haut.

Vis-à-vis des hiérarques, les relations sont pénétrées de respect, comme il se doit. Pëtr Petrovitch raconte la visite de sa famille à l’évêque Antoine qui eut lieu après la vénération des reliques de Mitrophane de Voronège déjà relatée. La visite revêt un caractère assez solennel, puisque Pëtr doit d’abord mettre son uniforme de page. L’évêque reçoit la famille avec chaleur et offre à Pëtr un œuf qu’il conservera longtemps dans son coffre à trésors.

Aucun père spirituel ou prêtre influent n’est mentionné.

Une religion aux conséquences pratiques

Chez les Semënov, la religion n’était pas détachée de la vie, mais avait un impact direct sur les mœurs. Les enfants avaient sous les yeux des normes de comportement chrétien et étaient éduqués à les respecter. Cette éducation se faisait plus par la force de l’exemple que par de longs discours ou des punitions.

Toute la famille, enfants, parents, grands-parents, oncles, vivaient dans une atmosphère d’amour, d’attention, de respect. La maison était hospitalière et les invités s’installaient souvent pour plusieurs jours. Les domestiques, envers lesquels on avait appris aux enfants à être polis, aimants, et à ne pas élever le ton, étaient respectés.

Deux personnes, surtout – la grand-mère paternelle et le père –, se détachent de l’ensemble de la famille par leurs qualités morales.

La grand-mère, Maria Petrovna Bounine, appartient au type de la femme noble, humble, sage et généreuse, que l’on retrouve à maintes reprises dans l’histoire et la littérature russe et dont la vie de la bienheureuse Juliana Ossorguine (morte en 1604) est l’illustration la plus parfaite. Maria Petrovna Bounine a les caractéristiques de l’épouse et de la mère chrétienne énumérées avec bonheur par Nicolas Arseniev dans son livre la Sainte Moscou :

Elle était le centre spirituel de la famille, sa conscience morale et religieuse ; elle était son cœur vivifiant et inspirateur, le lien vivant réunissant la vie de la famille avec celle de l’Église. Sa force spirituelle et son influence provenaient en large mesure de sa vie de prière, de sa participation à la vie de la Grâce qui émane de l’Église, de ses sacrements et de la parole de Dieu et qui se manifeste dans un esprit plein d’abnégation, voué à Dieu et au prochain[22].

La citation que Nicolas Arseniev emprunte à Léon Tolstoï sur la tante de celui-ci, Tatiana Alexandrovna Iergolski, pourrait également s’appliquer à Maria Petrovna Bounine :

La qualité qui dominait dans sa vie, était son admirable bonté, pour tout le monde sans exception. Jamais elle ne disait de mal de personne. Elle vivait à l’époque où la distance entre maîtres et serviteurs était très accentuée. Elle avait été élevée dans ces idées. Malgré cela, elle ne profitait de sa position de maîtresse que pour servir ses serviteurs. Elle n’enseignait jamais par la parole, comment il faut vivre, jamais elle ne faisait de sermon… Son influence résidait dans sa personne : elle manifestait par sa vie la beauté spirituelle de l’amour ; ce n’est pas de mots qu’elle se servait, mais elle illuminait les âmes par son amour, par tout son être[23].

[Maria Petrovna Bounine] se distinguait par sa grande bonté et sa charité. Elle recevait en permanence les malades et les personnes souffrantes. Elle concoctait pour eux des médicaments, pansait elle-même leurs blessures et ne laissait personne repartir sans aide, conseil ou consolation[24].

Elle s’occupait de ses petits-enfants quand ils étaient malades « en s’oubliant totalement elle-même[25] ». De même, lorsque son mari tomba malade (hémiplégie et maladie d’Alzheimer), elle s’en occupa et le soigna jour et nuit.

D’après Natalia Petrovna, Maria Petrovna Bounine exerça une influence décisive sur son fils :

Par sa religiosité enflammée, unie à sa conception des conséquences du christianisme dans la vie – conception éclairée qu’on pourrait dire en avance sur son temps –, elle a conduit mon père sur le chemin de la philanthropie, de l’amour le plus élevé, d’un amour sacrificiel[26].

Elle influença aussi ses petits-enfants :

Quand la veille d’une des douze grandes fêtes Babouchka nous expliquait avec des mots simples et chaleureux leur sens d’après l’Évangile, l’image du Sauveur se gravait dans mon âme en des traits ineffaçables, de même quand à propos d’une aumône, d’une aide aux pauvres, ou de la consolation de malheureux, elle ajoutait : « C’est ainsi que le Christ nous a commandé d’agir. » Si nous nous disputions, ou si nous nous fâchions contre quelqu’un, elle commentait ainsi : « Oh, les enfants, le Sauveur aime la paix, et vous, vous vous disputez entre frères. » Son âme ardente et croyante sentait que ce n’était pas par des théories et des sermons secs et péremptoires qu’il fallait retenir un enfant du mal et l’attacher au bien, mais qu’il fallait le conduire à la conviction qu’il existe Quelqu’un de vivant qui voit tout, qui connaît toutes nos actions et même nos pensées[27].

Plus tard, quand Natalia a terminé sa scolarité, Maria Petrovna s’impose plus que jamais comme une personnalité exemplaire :

Babouchka était pour moi non seulement un exemple de grande sagesse et de bon cœur, mais encore elle devint rapidement pour moi le recours dans toutes les adversités et les désagréments de la vie[28].

Natalia Petrovna dresse de son père un portrait non moins admiratif. Pëtr Nikolaevitch appartient lui aussi à un certain type connu de l’histoire et de la littérature russe, celui du bon seigneur qui se préoccupe du sort de ses serfs, comme de celui de ses proches :

On peut dire que les dix années, et même plus, que mon père a passées dans sa propriété depuis son mariage jusqu’à sa mort [1821-1832] ont été remplies d’actions d’amour chrétien et de charité. Il s’est préoccupé non seulement du sort des personnes qu’il avait sous son autorité, mais aussi de tout le monde paysan environnant [sel’skij ljud]. Il s’intéressait aux besoins des paysans, y compris des paysans d’État, il démêlait leurs litiges, il leur donnait des conseils, allait en ville démarcher pour eux dans les bureaux de districts, les défendaient contre la corruption et les vexations des petits fonctionnaires. S’il survenait un incendie dans les environs, que ce fût de jour ou de nuit, il s’y rendait et mettait toute son énergie à sauver les vies et les biens des pauvres. Chaque fois que, pour quelque affaire ou réunion, il fallait envoyer un député de cette circonscription au chef-lieu de province, le choix s’arrêtait toujours sur mon père, ce qu’il ne refusait jamais, et il se montrait digne de la confiance qu’on lui faisait[29].

Pëtr Nikolaevitch venait aussi en aide aux seigneurs du voisinage, ainsi qu’à ses parents, même éloignés :

Notre maison était un véritable refuge pour les veuves et orphelins souffrants. Je me souviens comment des femmes de nos voisins, des femmes ayant perdu leur mari, des enfants privés de père et de mère, s’installaient chez nous et y vivaient pendant des semaines et des mois, tant que mon père faisait des démarches pour eux […]. Finalement, Olga Vassilevna Korsakov […] l’une des filles mineures de la cousine de mon père, Korsakov née Milonov, qui avait perdu son mari, fut éduquée avec nous comme si elle était notre sœur[30].

Lors de l’épidémie de choléra de 1830, Pëtr Nikolaevitch accepta d’exercer les fonctions de maréchal de la noblesse. Tout au long de cette année, il visita les villages où la maladie régnait, entrant dans les isbas et frictionnant lui-même les malades, consolant leurs familles et vérifiant que toutes les mesures préventives fussent bien appliquées. L’année suivante, une épidémie de typhus se propagea. Pëtr Nikolaevitch se rendit dans la propriété de sa femme, dans le district de Lipetsk, province de Tambosk, à 130 verstes d’Ouroussovo. Voulant soulager son domestique malade, il le plaça dans sa voiture fermée et contracta ainsi sa maladie dont il mourut quelques jours plus tard. Sa fille interprète cet événement dans un sens chrétien : « il n’a pas soupçonné qu’il serait la victime de son humanisme et donnerait son âme pour son prochain[31] ».

Une religion qui débouche sur un idéal humaniste

Les partisans de l’abolition du servage avaient souvent utilisé le christianisme comme argument. Ainsi, Pëtr Tchaadaev (1794-1856), dans ses Lettres philosophiques (terminées en 1831), se demandait comment un État qui se prétendait chrétien pouvait accepter le servage. Natalia Petrovna Grot, quant à elle, estimait que la conscience chrétienne avait « peu à peu adouci les relations à l’époque du servage et préparé la destruction de celui-ci sans aucune secousse interne[32] ». Mais en même temps, ce qui est quelque peu contradictoire, elle déclarait que la religion empêchait depuis la plus tendre enfance de critiquer l’ordre établi.

Si sa grand-mère, Maria Petrovna Bounine, n’allait sans doute pas jusqu’à vouloir renverser l’ordre établi, elle ne craignait pas de juger le servage au nom de sa foi. Elle enseignait à ses petits enfants : « […] les domestiques sont nos égaux, nos frères en Christ, et en vérité c’est même un péché pour un homme de posséder un homme[33] ».

Pëtr Nikolaevitch alla plus loin que sa mère. Au contact de l’Europe, connue à la faveur de la guerre contre Napoléon, ses convictions chrétiennes débouchèrent sur un idéal politique. Natalia Petrovna évoque l’atmosphère qui régnait quand son père est rentré en Russie :

La majorité [des jeunes officiers] étaient rentrés de campagne dans leurs propriétés avec une disposition à la bienfaisance, et ce n’est pas tous, loin de là, qui avaient ramené le poison des rêveries révolutionnaires. Avec une tournure d’esprit européenne dans le meilleur sens de ce mot, les personnes orientées vers un idéal avaient aussi un sentiment vivant de reconnaissance envers la Providence qui avait sauvé et exalté la Russie. Notre atmosphère domestique respirait d’un tel sentiment religieux[34].

En 1816, Pëtr Nikolaevitch adhère à l’Union du salut (Sojuz spasenija), devenue, en 1818, l’Union du bien public (Sojuz blagodenstvija)[35]. Il adopte cette devise :

À la mesure de mes forces, permettre l’amélioration de la vie des paysans, le triomphe du bien et de la vérité, lutter contre l’ignorance, la concussion, les chicanes [krjučkotvorstvo][36].

Cependant, il quitte l’organisation « pré-décembriste » car il n’est pas d’accord avec ses objectifs révolutionnaires.

Une fois retiré sur ses terres, il montre un grand intérêt pour la gestion de son domaine et prend des mesures pour l’amélioration de la vie de ses serfs. Le profit ne peut être son seul but. Son œuvre en vers, la Lumière (Svet, copie datée de 1820), décrit un monde utopique débarrassé de l’argent, source de tous les maux[37].

Une foi mûrie à travers les épreuves et un amour agissant

Une religion qui aide à traverser les épreuves au cours de l’enfance et de l’adolescence

Comment les enfants reçoivent-ils cette éducation chrétienne ? Petits, ils adhèrent totalement à ce qu’on leur dit. Leur foi est vivante, mais naïve. Ainsi, pour consoler sa sœur pendant qu’on essayait de ranimer sa mère tombée dans le coma en apprenant la mort de son mari, le petit Pëtr, âgé de quatre ans, lui promet de ressusciter son père et qu’alors leur mère recouvrerait la santé

Confrontés à de grandes épreuves, les enfants mûrissent précocement. Pëtr et sa sœur connaissent une grande solitude, parfois même la faim et le froid. À peine adolescent, Pëtr se conduit en adulte, réglant les problèmes de gestion de la propriété et prenant de nombreuses responsabilités. Dans ses mémoires, il est très pudique sur ses sentiments à cette époque-là. Sa sœur, sans doute plus sentimentale, s’étend beaucoup plus sur l’aide que lui a apportée la religion pendant cette période. Elle dit avoir connu dès les premières années de sa vie la douceur de la prière qui « se révéla indispensable pour faire face à [son] destin, à [sa] vie d’orpheline, aux souffrances de [sa] vie ultérieure[38] ». À maintes reprises, elle fait aussi allusion dans ses mémoires à la Providence divine qui l’a conduite dans sa vie.

La leçon retenue : l’appartenance à un christianisme universel

Même si la famille Semënov resta fidèle à l’orthodoxie et ne fut jamais tentée par une conversion au catholicisme ou au protestantisme, comme cela put être le cas dans certaines familles de l’aristocratie russe, son attachement à l’orthodoxie est avant tout un attachement au christianisme en général.

Signalons que, déjà dans un esprit œcuménique, Anna Petrovna Bounine, la marraine de Pëtr Petrovitch Semënov, avait traduit en russe 17 conversations morales et philosophiques de Hugh Blair (1718-1800), prédicateur hollandais et professeur de rhétorique de l’université d’Édimbourg. Et elle en avait offert un exemplaire dédicacé à son filleul.

Si les mémoires de Pëtr Petrovitch ne cachent pas l’attachement de leur auteur à la Russie, son désir de la servir, de contribuer à sa puissance, on n’y trouve aucun des thèmes slavophiles liés à la supériorité de l’orthodoxie sur le christianisme occidental.

Fait significatif, en 1850, le mariage de Natalia Petrovna avec Iakov Karlovitch Grot[39], luthérien, ne pose aucun problème : la question de la confession n’est même pas évoquée. Pëtr Petrovitch, notamment, voit avant tout les qualités morales et intellectuelles de Iakov Karlovitch et encourage Nathalie à l’épouser. Une fois mariée, Natalia Grot, lorsqu’elle se rend avec son mari au temple allemand à Helsinki, est d’ailleurs bien impressionnée par la simplicité de l’office et le sérieux avec lequel les fidèles communient.

Une philosophie : dépasser ses souffrances pour atteindre un amour universel

Trois lettres récemment déchiffrées et annotées par Mikhail Arsenievitch Semenov-Tian-Chanski et par Aleksandra Iourievna Zadneprovski permettent de combler le silence des mémoires de Pëtr Petrovitch quant à son évolution spirituelle à l’âge adulte[40].

En octobre 1895, sa fille Olga Petrovna Semenov[41] (1863-1906) lui avait écrit, car elle était bouleversée par la mort subite du peintre Nil Alekseevitch Gogolinski (1844-1895) qu’elle comptait épouser, mort qui survenait alors que son premier amour, le jeune artiste Karl Vladislavovitch Kenevitch (1867-1883), s’était suicidé à l’âge de 17 ans. Pëtr Petrovitch lui répond dans une longue lettre empreinte de compassion. Pour lui redonner courage, il lui explique comment lui-même a pu surmonter des épreuves non moins douloureuses. D’abord, celles terribles que nous avons déjà évoquées de son enfance et de son adolescence. Puis, la perte de sa première femme, Vera Aleksandrovna Tchoulkov (1833-1853), qui engendra, semble-t-il, une véritable crise spirituelle :

J’avais seulement 24 ans, quand j’ai réussi à faire mon nid en trouvant un amour pur et un bonheur complet. Mais cela ne dura pas. Suivant un destin incompréhensible contre lequel aucune lutte n’est possible, celle que j’aimais sans réserve disparut. Pendant qu’elle s’éteignait silencieusement et sans murmurer, je sentais que je perdais la tête. Deux fois, sans pouvoir me contrôler, j’étais au bord de mettre fin à mes jours. Peut-être était-ce de la pusillanimité, mais je souhaitais mourir. Pourtant, finalement, je restais en vie, seul, avec une peine profonde.

M’étant sorti, par miracle, d’une terrible maladie, malgré le pronostic fatal des meilleurs médecins, je me suis automatiquement dirigé vers ce qui pouvait soulager ma peine, vers des occupations intellectuelles et physiques. Il me semblait que ma vie n’était nécessaire à personne (mon fils était entre de bonnes mains), et je décidai de me consacrer à des exploits difficiles, exigeant courage et abnégation.

Ces exploits, ce seront l’exploration du Tian Chan, puis la réforme du servage. Pendant sept ans, Pëtr Semënov est totalement absorbé par ces deux tâches :

J’ai travaillé inlassablement pendant sept ans et il s’avéra que mes objectifs furent atteints avec un succès incroyable, que j’avais soulagé mon profond malheur dans cette mer de travail et, qu’après une lutte acharnée, le nageur désespéré avait été rejeté par une heureuse vague sur un nouveau rivage de la vie.

Commença alors un processus de résurrection et de transformation spirituelle :

Je me suis convaincu que je pouvais encore être utile à quelqu’un. Les blessures brûlantes de mon cœur guérirent, et comme la nature ne supporte pas le vide, les exigences de la vie, c’est-à-dire de l’amour, se réveillèrent dans mon cœur « et en moi se ranimèrent la divinité, et l’inspiration, et la vie, et les larmes, et l’amour[42] ».

Seulement, un changement substantiel s’est produit en moi. Quel que fût ma capacité à aimer et la force de mon amour, cet amour ne pouvait évoluer que dans le cadre étroit et quelque peu égoïste de mon bonheur personnel. Les années de solitude, de souffrance et de lutte contre les obstacles ont, si l’on peut dire, élargi ce cadre et renforcé cette capacité à aimer et cette force de l’amour.

Si Pëtr Petrovitch retrouve une âme sœur en la personne de sa deuxième femme, Elizaveta Zablotski-Dessiatovski (1842-1915), qui lui donne sept enfants, son amour dépasse les limites de sa famille : « C’est l’amour pour l’humanité et pour les gens, la compréhension de leurs souffrances, la volonté d’alléger leur peine partout où cela m’est possible. »

Une lettre du 15 juin 1893, adressée aux sœurs Varvara Petrovna (1860-1941) et Alexandra Petrovna Schneider (1863-1942 ?), peintres[43], nous renseignent plus précisément sur une autre grande épreuve qui s’est abattue sur Pëtr Petrovitch, la mort de son fils, Rostislav[44], à l’âge de 14 ans :

Aujourd’hui nous sommes le mardi 15 juin, et nous revenons tout juste de l’église où l’on a porté notre pauvre et cher martyr, recouvert des plus belles fleurs coupées de notre jardin. La journée était splendide, légèrement nuageuse, et pas trop chaude, le chœur magnifique des garçons de notre école ne cessa de chanter en accompagnant notre cortège. À la demande des paysans, nous nous sommes arrêtés six fois pour célébrer une litie [prière pour un défunt]. Ce n’était pas un sombre enterrement en ville : c’était, sous la voûte céleste, au sein de la nature, le passage lumineux de la vie terrestre à la vie éternelle. Et dans l’église, tout était également lumineux et joyeux. Tous les enfants du canton de Mouraevnia [Muraevenskaja volost’] s’y tenaient – les garçons d’un côté, les filles de l’autre. […]

Tout ce qui s’est passé ne pouvait être autrement. Il n’était pas destiné à être un éternel martyr dans cette vie terrestre. Une question unique s’est imposée avec une clarté évidente aujourd’hui, alors qu’en rentrant de l’église, j’allais de pièce en pièce en proie à une tristesse torturante. C’est cette question que notre cher Slava, dans une minute de tristesse au seuil de la mort, a posé à son entourage dans la dernière nuit de sa vie : « Que ferai-je maintenant ? » Il me semble que, dans les trois dernières heures de sa vie, au moment où, avec un tel calme, une paix céleste, il a rencontré son inévitable fin, il a résolu cette question et que, maintenant, il me souffle sa solution.

Que faire ? Aimer ! Aimer tous ceux pour qui cet amour est nécessaire, important et utile : les aimer sur la terre, se préoccupant de leurs chagrins et de leurs souffrances, et les allégeant avec douceur, les aimer dans les cieux, en bénissant nos bien-aimés et nos proches. […]

Je regrette que ce soit à moi qu’il soit incombé de vous donner cette nouvelle, bien sûr triste aussi pour vous, mes chères amies. Mais si vous vous placez de mon point de vue, peut-être trouverez-vous un côté lumineux dans notre malheur.

Je vous bénis, comme nous bénissait notre cher et bien aimé Slava.

Sur un album figure cette devise de Pëtr Semenov qui résume son attitude d’amour :

L’amour envers l’humanité en général, et envers chaque homme en particulier, une pleine sympathie pour ses qualités, et de l’indulgence envers ses défauts, en étant attentif à ses souffrances, et en étant toujours prêt à les apaiser[45].

Soulager la souffrance des autres

Cet « amour pour l’humanité et les gens » n’était pas de vains mots. La maison de Pëtr Semënov, extrêmement hospitalière comme au temps de son père, était toujours ouverte à ceux qui avaient besoin de son aide. Les paysans venaient volontiers discuter avec lui et, en général, il jouissait d’une immense autorité morale, aussi bien au sein de sa famille qu’à l’extérieur. Il aida les personnes les plus diverses : étudiants risquant l’exil, à qui il donna du travail et qu’il ne perdit pas de vue jusqu’à ce qu’ils soient sortis d’affaire, propriétaire ruiné, etc.

Il s’engagea dans de nombreuses associations caritatives. Il prit une part active à la Société d’aide aux pauvres de la paroisse Saint-André sur l’île Vassilevski (Obščestvo vspomoženija bednym Andreevskogo sobora) fondée en 1869 à l’initiative de son ami Konstantin Dmitrievitch Kaveline (1818-1885) et de son beau-père, André Parfénovitch Zablotski-Dessiatovski (1807-1881). Il en devint le président en 1881 à la mort de ce dernier. Avec l’aide du clergé, notamment du métropolite Isidore[46], et de marchands, la Société s’efforçait d’apporter une aide régulière aux pauvres sous la forme de subventions mensuelles ; elle ouvrit aussi un hospice pour les femmes âgées et un autre pour les orphelins[47].

Pëtr Semenov était membre du Patronage pour la subvention des familles de militaires dans le besoin (Glavnoe popečitel’stvo dlja posobija nuždajuščimsja semejstvam voinov), créé à la suite de la guerre russo-turque de 1877-1878, et présidé par le frère de son beau-frère, Konstantin Karlovitch Grot (1815-1897)[48].

Il faisait aussi partie du conseil du Patronage des aveugles de l’impératrice Marie Alexandrovna (Popečitel’stvo Imperatricy Marii Aleksandrovna o slepyx) fondé en 1881 et dirigé également par Konstantin Karlovitch Grot[49].

En 1905, il fonda la Société de bienfaisance des personnes originaires de Riazan à Saint-Pétersbourg (Blagotvoritel’noe obščestvo rjazancev v Sankt-Peterburge) dont il fut le premier président. Il s’agissait d’aider les arrivants de Riazan dans la capitale, matériellement, mais aussi en leur prodiguant des conseils[50].

À partir de 1875, Pëtr Petrovitch prend la présidence de la Société de subvention aux étudiants de l’Université impériale de Saint-Pétersbourg (Obščestvo vspomoščestvovanija studentam Imperatorskogo Sankt-Peterburgskogo universiteta)[51].

En 1879, il fonde avec Vladimir Karlovitch Sabler (1847-1929), marié à la sœur de sa femme, la Société d’aide aux pauvres de la paroisse de la Sainte-Trinité du Port de Galères (Obščestvo vspomoženija bednym v prixode cerkvi Presvjatoj Troicy v Galernoj Gavani). Il en sera le président jusqu’en 1882[52].

Âgé de près de 80 ans, il se voit confier d’organiser l’activité du Comité Alexis (Alekseevskij glavnyj komitet) fondé en 1905 pour l’assistance aux enfants de personnes ayant péri dans la guerre contre le Japon[53].

Faire le bien dans le cadre de l’État

Pëtr Semënov ne se contentait pas de faire œuvre de bienfaisance, il savait que seules des solutions politiques seraient réellement efficaces. Il avait une approche scientifique de la pauvreté. Nombre de ses travaux permettaient de mieux connaître l’ampleur de cette pauvreté et ses causes. Par exemple, en 1875, il tâche de définir les différents types de pauvreté et les aides (gouvernementales ou non) à envisager suivant les cas. Ces réflexions sont contenues dans son ouvrage publié avec I. E. Andreevski, Renseignements statistiques sur l’assistance sociale de Saint-Pétersbourg[54].

Il pris une part active à l’élaboration de réformes destinées à améliorer la vie du peuple. En particulier, il participa, en tant que membre expert et directeur des affaires (zavedyvavšij delami) des commissions de rédaction, à la réforme du servage qu’il considérait comme l’œuvre de sa vie.

Le manifeste du 19 février 1861, dont la rédaction a été peaufinée par le métropolite de Moscou Philarète (1821-1867), a donné une dimension religieuse à la réforme. Dimension qui était aussi présente au moment de son élaboration. Pëtr Semënov, lui-même, utilise constamment l’expression « affaire sainte » (svjatoe delo), expression qui était également employée par l’empereur Alexandre II et par Iakov Ivanovitch Rostovtsov[55](1804-1860), premier président des commissions de rédaction. Par exemple, une fois, Pëtr Semënov essaye de calmer deux membres des commissions de rédaction entrés en conflit en faisant appel à leur sens chrétien :

Je leur ai rappelé qu’aux yeux du Tsar-Libérateur, toute l’affaire de la libération des paysans était un exploit d’amour chrétien et de miséricorde, et que, suivant l’expression du défunt président des commissions, qui a donné son âme pour cette affaire sainte, tous les participants à la libération des paysans accomplissaient un service de Dieu, un service dans lequel il ne pouvait y avoir de place pour des disputes, ou des querelles[56].

Pëtr Semënov était convaincu que Dieu lui-même inspirait le tsar dans cette affaire, comme il le confia à Alexandre II à propos du choix du successeur de Rostovtsov[57].

Mais qu’entendait Pëtr Semënov par « affaire sainte » ? Certes, il voyait une nécessité éthique à la suppression du servage. Néanmoins, il ne reprenait pas l’argument de sa grand-mère. Pour lui, le fait qu’un homme en possède un autre ne suffit peut-être pas à faire du servage un mal absolu. En effet, selon lui, le servage a été justifié historiquement par les besoins de l’État, et s’il est un mal c’est surtout parce que les traditions qui auraient dû protéger les intérêts des serfs ne sont plus respectées. De plus, du fait de sa dégénérescence, le servage engendre la déchéance morale des seigneurs eux-mêmes. Ainsi, en 1848, Pëtr Semënov a cette réflexion :

Il était pénible de voir que même des personnes instruites et bonnes devenaient fréquemment cruelles et même inhumaines sous l’influence du servage, qu’à chaque pas, d’une façon ou d’une autre, il était fait un mauvais usage du servage à cause d’intérêts personnels ou de passions que rien ne contenait[58].

Les arguments éthiques sont loin d’être les seuls chez Pëtr Semënov. Pour lui, la guerre de Crimée a clairement démontré le retard de la Russie. Pour rattraper son retard et se moderniser afin de soutenir la compétition avec l’Occident, la Russie doit se débarrasser du servage. C’est la conclusion à laquelle il arrive pendant la guerre alors qu’il se trouve à l’étranger. Conclusion qui n’a évidemment rien d’original, mais correspond à une prise de conscience générale de la couche éclairée de la société. Pëtr Semënov pense à un moment rentrer en Russie pour servir son pays au sein de l’armée, ce qui aurait été logique étant donné sa formation militaire. Cependant, ayant suivi en Allemagne des cours de science militaire, il comprend à quel point son pays est en retard, et donc incapable de remporter une victoire :

Le seul moyen de rendre à la Russie sa puissance antérieure était, d’après moi, toute une série de transformations des plus radicales, au premier rang desquelles se trouvait la libération du peuple russe du servage […].

Voilà, c’est à cette lutte contre l’esclavage du peuple russe, et non à une guerre sans espoir de la Russie du servage contre l’Europe civilisée que j’ai décidé de consacrer toutes mes forces pendant mon voyage de trois ans à l’étranger […][59].

L’argument patriotique est sans doute ainsi sous-entendu dans l’expression employée par Pëtr Semënov : « affaire sainte ». Cela n’est pas étonnant, en effet, le service de la patrie trouve sa place à côté du service du prochain au sein de l’éthique nobiliaire tout au long de l’histoire de la noblesse (tout du moins depuis l’époque moscovite). Le lien entre service du peuple et amour de la patrie était également très fort chez les slavophiles, dont on sait que Pëtr Petrovitch Semënov admirait l’un des représentants, également membre expert des commissions de préparation de la réforme, Iouri Samarine (1816-1876)[60]. Le patriotisme de Pëtr Semënov, dans lequel christianisme et peuple occupent une place centrale, peut également être rapproché de celui de ses amis Fëdor Dostoïevski (1821-1881) et Nicolas Danilevski (1822-1885), même s’il s’en différencie fortement car on n’y trouve aucune trace de messianisme.

Conclusion

L’atmosphère dans laquelle furent élevés Pëtr Petrovitch Semënov, son frère et sa sœur, n’était pas exceptionnelle dans le milieu de la noblesse ayant gardé un lien direct à la terre, par opposition à une certaine aristocratie urbaine ayant perdu tout contact avec le peuple et avec la nature. Le neveu de Pëtr Semënov, Konstantin Iakovlevitch Grot, décrit la famille Semënov comme « une famille patriarcale, de bonnes mœurs, patriote et extrêmement amicale[61] ». Il compare son type moral à celui des familles Tourgueniev (d’Ivan Petrovitch), Aksakov, Raevski. Et effectivement, l’atmosphère spirituelle qui imprègne les mémoires de Sergueï Aksakov (1791-1859), surtout le premier tome consacré à l’enfance et à l’adolescence[62], est proche de celle qui régnait chez les Semënov. La piété de la famille Semënov ne sortait pas du commun : la famille allait aux offices, surtout pour les fêtes, communiait pour les grandes fêtes, priait brièvement tous les jours. D’autres familles nobles de l’époque, comme celle des Kireevski ou des Mansourov, dépassait sans doute la famille Semënov en piété et en instruction religieuse. Mais, comme chez les Aksakov, chez les Semënov la religion était profondément ancrée dans la vie de tous les jours, axée sur des valeurs essentielles, en même temps que marquée par la proximité du peuple et de la nature.

La religion imprègne profondément la mentalité de la famille Semënov. Les grands-parents et parents de Pëtr Petrovitch lui ont transmis une religion pratique, tournée vers les besoins du prochain, et non une religion contemplative et mystique, détachée de la réalité. Lui-même, au travers de maintes épreuves, développa encore cette religion de l’amour, acquérant une bonté et une sagesse qui lui donnèrent une grande autorité morale aussi bien dans sa famille, qu’auprès des intellectuels et des paysans.

Si cette religiosité n’était pas la seule inspiratrice de son activité, elle en a certainement été un élément important. Elle a sous-tendu sa vie familiale, son extraordinaire puissance de travail, son engagement dans de nombreuses œuvres caritatives. Elle a eu une part dans son activité d’homme d’État, comme le montre l’héritage familial qu’il a reçu concernant la question paysanne. On peut dire que Pëtr Semënov a appartenu à cette catégorie de nobles propriétaires pleinement conscients de ses responsabilités vis-à-vis des paysans ou des pauvres. Conscience que l’on peut replacer dans la grande tradition d’éthique de la noblesse russe inspirée du christianisme. Au XIXe siècle, bien des nobles avaient une attitude chrétienne vis-à-vis de leurs paysans : Alexis Khomiakov ou Léon Tolstoï, par exemple. Beaucoup se montrèrent partisans de l’abolition du servage pour des considérations chrétiennes et s’engagèrent avec ardeur dans la réforme.

Chez Pëtr Semënov, ce souci d’abolir le servage était également lié à une volonté de moderniser la Russie, de lui redonner sa puissance. Ce motif patriotique se retrouve dans la plupart de ses œuvres : exploration du Tian Chan, rassemblement d’une collection de tableaux, etc. On peut dire que son humanisme chrétien se confondait avec l’amour de la patrie, en même temps qu’il le modelait. Dans les deux cas, c’est le service, notion à la fois chrétienne et noble, qui est le trait commun de cet amour actif envers le prochain et envers la patrie. Notion qui permet peut-être aussi d’expliquer la discrétion de cet homme quant à ses convictions religieuses. Convictions qui, comme nous l’avons vu, étaient profondes et sincères, mais qui n’avaient de valeur qu’à condition d’être appliquées. Semënov est avant tout un homme d’action. Nous avons là un type de religiosité qui mériterait d’être mieux étudié, distinct de la religiosité mystique, plus visible et souvent décrite à propos de la Russie.


[1] Une exposition au musée de l’Ermitage a récemment rendu hommage à sa collection : Vkus kollekcionera: gollandskaja i flamandskaja živopis’ XVI-XVII vekov iz sobranija P. P. Semenova-Tjan-Šanskogo. Katalog vystavki [Le goût d’un collectionneur : la peinture hollandaise et flamande des XVIe et XVIIe siècles dans la collection de P. P. Semenov-Tian-Chanski. Catalogue de l’exposition], I. A. Sokolova (dir.), Saint-Pétersbourg, izd. Gosudarstvennogo Èrmitaža, 2006.

[2] Pëtr Petrovitch avait la conscience d’écrire non pas seulement pour décrire un destin personnel, mais pour donner un témoignage historique. P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary P. P. Semenova-Tjan-Šanskogo, t. 1, Detstvo i junost’ (1827-1855) [Mémoires de P. P. Semenov-Tian-Chanski, t. 1, Enfance et jeunesse], Petrograd, izd. sem’i, 1917, predislovie.

[3] On peut consulter ces mémoires sur le site : http://www.ostrov.ca/memoires/npgrot/index.htm (site consulté le 20 décembre 2009).

[4] En 1850, elle a épousé Jakov Karlovitch Grot (15 décembre 1812 - 24 mai 1893) : professeur à l’université d’Helsinki, puis au lycée de Tsarskoe Selo, précepteur du grand-duc Alexandre Alexandrovitch, le futur tsar Alexandre III. Spécialiste de la Scandinavie. Auteur d’ouvrages fondamentaux sur la langue et la grammaire russe, ainsi que sur l’histoire russe. Membre de l’Académie des sciences (1858) dont il devient le président (1884-1889) puis le vice-président.

[5] L’auteur remercie grandement Mikhail Arsenievitch Semenov-Tian-Chanski, professeur de mathématique à l’université de Dijon, et Aleksandra Iourievna Zadneprovskaïa, ethnographe, qui lui ont aimablement fourni leur article, lequel doit être publié dans : Ežegodnik Rukopisnogo otdela Puškinskogo Doma [L’Annuaire du département des Manuscrits de la Maison Pouchkine), sous le titre « Iz perepiski P. P. Semenova-Tjan-Šanskago » [« De la correspondance de P. P. Semenov-Tian-Chanski »].

[6] Femme remarquable, considérée par ses contemporains comme la Sapho russe à cause de son imitation fréquente de la poésie antique, elle a été la première poétesse russe importante.

[7] N. Grot, Iz semejnoj xroniki: vospominanija dlja detej i vnukov [Chronique familiale : mémoires pour mes enfants et petits-enfants], Saint-Pétersbourg, izd. Sem’i, 1899, p. 117.

[8] Chiffres pour 1833 : Istorija Rossii XIX - načala XX veka [Histoire de la Russie XIXe siècle - début du XXe siècle], V. A. Fedorova (dir.), Moscou, izd. Moskovskogo universiteta, 2004 (3e édition), p. 27.

[9] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 33.

[10] Nicolas Petrovitch Semënov (1823-1904) : après avoir servi au ministère de la Justice, il est nommé procureur à Iaroslavl. Membre de la Commission de rédaction pour la réforme du servage, nommé sénateur en 1868. A écrit un ouvrage substantiel sur la réforme du servage : La Libération du servage pendant le règne de l’empereur Alexandre II [Osvoboždenie krest’jan v carstvovanie Imperatora Aleksandra II] (1889-1893), ouvrage récompensé par l’Académie des sciences. Il a traduit Adam Mickiewicz en vers. Il s’est aussi intéressé à la botanique et a publié en 1878 la Nomenclature russe des plantes les plus connues [Russkaja nomenklatura naibolee izvestnyx rastenij].

[11] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary…, op. cit., t. 1, p. 155-156.

[12] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 5.

[13Ibid., p. 83.

[14Ibid., p. 3.

[15] La construction de l’église a été financée par une partie de la somme reçue par Vassili Petrovitch Bounine en paiement de la propriété qu’il avait vendue au prince Kropotkine.

[16] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 22.

[17] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary…, op. cit., t. 1, p. 133.

[18] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 110.

[19] Mitrophane (1623-1703), premier évêque de Voronège, a été canonisé en 1832 : Slovar’ istoričeskij o svjatyx, proslavlennyx v rossijskoj cerkvi, i o nekotoryx podvižnikax blagočestija, mestnočtimyx, Moscou, Kniga, 1990, p. 163.

[20] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary…, op. cit., t. 1, p. 101.

[21] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 22.

[22] N. Arseniev, La Sainte Moscou : tableau de la vie religieuse et intellectuelle russe au XIXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 1948, p. 131.

[23Ibid., p. 133.

[24] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 7.

[25Ibid., p. 16.

[26Ibid., p. 6.

[27Ibid., p. 21.

[28Ibid., p. 83.

[29Ibid., p. 7.

[30Ibid., p. 8.

[31Ibid., p. 29.

[32Ibid., p. 27.

[33Ibid., p. 24.

[34Ibid., p. 23.

[35] Son appartenance à l’Union du bien public, évoquée par N. Grot, est mentionnée dans Dekabristy: biografičeskij spravočnik, S. V. Mironenko et M. V. Nečkina (dir.), Moscou, Nauka, 1988, p. 165.

[36] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 7.

[37] K. J. Grot, « Petr Nikolaevič Semenov (1891-1832): k stoletiju s ego smerti », consultable sur : http://www.ostrov.ca/kgrot/pn_semenov.htm (site consulté le 30 mai 2009).

[38] N. Grot, Iz semejnoj xroniki…, op. cit., p. 22.

[39] Voir note 4.

[40] Voir note 5.

[41] Peintre talentueuse et ethnographe. Ses œuvres sont conservées dans les collections du Musée russe et de la galerie Tretiakov. Elle a écrit La Vie d’Ivan. Études sur la vie quotidienne d’un paysan d’une des provinces du tchernoziom [Žizn’ Ivana. Očerki iz byta krest’jan odnoj iz černozemnyx gubernij]. Voir M. A. Semenov-Tian-Chanski et A. Y. Zadneprovskaïa, « Iz perepiski… », art. cité.

[42] Citation de Pouchkine. (Note de M. A. Semenov-Tian-Chanski et A. Y. Zadneprovskaïa, « Iz perepiski… », art. cité.)

[43] Toutes les deux, enfants, avaient été pratiquement adoptées par la famille Semënov quand elles s’étaient retrouvées orphelines.

[44] Rostislav Petrovitch Semënov (1878-1893) : fils de Pëtr Petrovitch Semënov et de sa deuxième femme. Blessé par le couvercle d’un piano dans son enfance, il est soigné en vain en Allemagne et subit une amputation du doigt. Compose un opéra, Le Prince d’Argent (Knjaz’ Serebrjanyj), sur un thème d’Alexis Tolstoï. Meurt de tuberculose après plusieurs années de souffrance. (D’après M. A. Semenov-Tian-Chanski et A. Y. Zadneprovskaïa, « Iz perepiski… », art. cité.)

[45] K. Šaxovskoj, « Pëtr Petrovič Semenov-Tjan-Šanskij » [« Pëtr Petrovitch Semënov-Tian-Chanski »], Vozroždenie, n° 149, mai 1964, p. 63.

[46] E. I. Žerixina, « Obščestvo vspomoženija bednym Andreevskogo sobora » [« La Société d’aide aux pauvres de la paroisse Saint-André], dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[47] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary P. P. Semenova-Tjan-Šanskogo, t. 3, Êpoxa osvoboždenija krest’jan v Rossi (1857-1861 gg) [Mémoires de P. P. Semenov-Tian-Chanski, t. 3, L’Époque de la libération des paysans en Russie (1857-1861)], Petrograd, izd. sem’i, 1916, p. 18-19.

[48] A. P. Kerzum, « Glavnoe popečitel’stvo dlja posobija nuždajuščimsja semejstvam voinov » [« Le Patronage pour la subvention des familles de militaires dans le besoin »], dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[49] Ce patronage fit un travail vraiment remarquable, notamment dans le domaine de l’édition de livres en système Braille. A. P. Kerzum, « Popečitel’stvo Imperatricy Marii Aleksandrovny o slepyx » [« Le Patronage des aveugles de l’impératrice Marie Alexandrovna »], dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[50] D. J. Severjuxin, « Blagotvoritel’noe obščestvo rjazancev v Sankt-Peterburge » [« La Société de bienfaisance des personnes originaires de Riazan à Saint-Pétersbourg »], dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[51] D. J. Severjuxin, « Obščestvo vspomoščestvovanija studentam Imperatorskogo Sankt-Peterburgskogo universiteta » (« La Société de subvention aux étudiants de l’Université impériale de Saint-Pétersbourg »], dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[52] E. I. Žerixina E. I., « Obščestvo vspomoženija bednym v prixode cerkvi Presvjatoj troicy v Galernoj Gavani » (La Société d’aide aux pauvres de la paroisse de la Sainte-Trinité du Port de Galères), dans Ênciklopedija blagotvoritel’nosti Sankt-Peterburga, consultable sur : http://www.rgali.ru (site consulté le 20 mai 2009).

[53] En cinq ans, ce comité nommé en l’honneur du tsarévitch Alexis a pris sous sa protection 104 730 enfants.

[54] K. Šaxovskoj, « Pëtr Petrovič Semenov-Tjan-Šanskij », art. cité, p. 64.

[55] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Êpoxa osvoboždenija krest’jan v Rossii (1857-1861 gg) v vospominanijax P. P. Semenova-Tjan-Šanskago [L’Époque de la libération des paysans en Russie (1857-1861) dans les mémoires de P. P. Semenov-Tian-Chanski], t. 2, Saint-Pétersbourg, tip. Ministerstva Putij Soobščenija, 1913, p. 24.

[56Ibid., p. 247.

[57] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary…, op. cit., t. 3, p. 437.

[58] P. P. Semenov-Tjan-Šanskij, Memuary…, op. cit., t. 1, p. 186.

[59Ibid., t. 3, p. 38. Bien sûr, l’analyse de Pëtr Petrovitch Semënov sur la nécessité d’abolir le servage pour le développement du pays n’avait rien d’original. Depuis le début du siècle, la Société libre d’économie, notamment, n’avait de cesse de montrer la supériorité du travail libre sur le travail du serf.

[60Ibid., p. 172.

[61] K. J. Grot, « Petr Nikolaevič Semenov (1891-1832): k stoletiju s ego smerti », art. cité.

[62] S. T. Aksakov, « Semejnaja xronika », dans Sobranie Sočinenij, t. 1, Moscou, Gosudarstvennoe izdatel’stvo xudožestvennoj literatury, 1955.  

 

Pour citer cet article

Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baidine, «Pëtr Petrovitch Semënov-Tian-Chanski et la religion : de l’influence de la foi orthodoxe sur la mentalité d’un noble intellectuel (1827-1914)», journée d'étude Religion et Nation, ENS de Lyon, le 8 juin 2009. [en ligne], Lyon, ENS de Lyon, mis en ligne le 23 juillet 2010. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article284