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Varchavski, Gide, Dostoïevski : lectures croisées

Annick MORARD

Université de Genève, unité de russe

Index matières

Mots-clés : Dostoïevski, Gide, Varchavski, émigration russe, jeune génération.


Plan de l'article

Texte intégral

Se demander si la littérature de l’émigration russe, par sa position privilégiée entre deux cultures, a donné naissance ou participé d’une « écriture européenne », exige que l’on procède à une analyse comparative, intertextuelle. En effet, comme l’écrit Pascal Dethurens :

[…] face à l’Europe, pour la lecture littéraire, tout doit être affaire de lien, d’échange et de dialogue ; voilà pourquoi le meilleur moyen probablement d’en cerner l’enjeu véritable demeure, non la quête luxuriante du bibliophile, non la recherche à demi réfléchie de l’érudit, non la manie un peu molle du collectionneur : la lecture comparée comme activité critique dynamique[1].

Dans cette optique, mon intention est de pratiquer une lecture « dynamique » de divers textes de Vladimir Varchavski, André Gide et Fedor Dostoïevski, en partant d’un article du premier intitulé « Quelques réflexions sur André Gide et le jeune émigré[2] », où Varchavski commente à la fois diverse textes de Gide, la lecture gidienne de l’œuvre de Dostoïevski, les liens entre ces deux grands auteurs du point de vue de la pensée et, enfin, leur importance pour ceux que Varchavski nommera lui-même « la génération passée inaperçue[3] » d’écrivains russes émigrés, installés à Paris dans l’entre-deux-guerres.

Par son article, où il jongle entre Dostoïevski, Gide et la jeune littérature émigrée, procédant donc à cette « activité critique dynamique » appelée de ses vœux par Dethurens bien des années plus tard, de même qu’à travers son récit Le Bruit des pas de François Villon [Шум шагов Франсуа Виллона][4], Varchavski se fait le chaînon d’un rapprochement nécessaire, indispensable, entre deux cultures, la russe et la française. Ces deux textes sont autant d’exemples – parmi bien d’autres – du désir, propre à sa génération, de combiner et de faire résonner entre elles ces deux cultures, afin de justifier l’esthétique littéraire défendue et pratiquée par la jeune génération. À mon sens, il est indispensable de distinguer l’entreprise littéraire de la jeune génération de celle de son aînée, y compris dans leur rapport à l’idée européenne. Leurs intentions ne sont pas du tout semblables : même dans les années trente, lorsque tout retour en Russie est devenu impensable, la génération aînée continue de mettre l’accent sur la Russie, de lui imaginer un avenir possible en tant que nation, d’insister sur ce que l’Europe ou le séjour des émigrés en Europe pourra apporter à la Russie future, au moment de sa reconstruction. Dans le même but, elle insiste sur les dangers que court la jeune génération s’intéressant de trop près à la France, à l’Europe, à l’heure où celle-ci traverse cette fameuse « crise » intellectuelle, spirituelle et économique, dont ont tour à tour parlé Oswald Spengler (Le Déclin de l’Occident, 1918), Paul Valéry (La Crise de l’esprit, 1919) ou encore, du côté russe, Nikolaï Berdiaev, Fedor Stepoun et autres penseurs (notamment dans la revue Cité Nouvelle [Новый Град]). Pour leur part, les représentants de la jeune génération ont le regard tourné vers l’Europe et non pas exclusivement vers la Russie, même si celle-ci les intéresse aussi. Ils forgent leur identité générationnelle en opposition directe à celle de leurs aînés et se réclament dès lors d’une tradition intellectuelle et culturelle prenant en considération celle de leur pays d’accueil. Rappelons, pour preuve, les mots d’introduction au premier numéro des Nombres [Числа], la revue de la jeune génération :

Двенадцать лет эмиграции […]. За это время мы многое увидели на западе, мы поняли и почувствовали его иначе, нежели наши предшественники. Мы видели и видим как бы изнутри важнейшие из современных событий здешней жизни, например, если говорить только о литературе, развитие влияния Пруста, утверждение его гения[5].

Ou encore la fameuse phrase de Dovid Knut, reprise par Boris Poplavski :

Новая эмигрантская литература, та, что сложилась в изгнании, честно сознается, что ничего иного и не знает и что ее лучшие годы, годы наиболее интенсивного отзвука на окружающее проходят здесь в Париже. Не Россия и не Франция, а Париж (или Прага, Ревель, и т. д.) ее родина, с какой-то только отдаленной проекцией на русскую бесконечность[6].

L’attachement de la jeune génération à la ville de Paris et à l’univers artistique qu’elle représente répond donc à des critères tant géographiques que sociologiques, culturels ou esthétiques. Voyons dès lors, à travers un exemple précis de « lecture dynamique », comment cet attachement prend corps dans les textes de Vladimir Varchavski.

Lectures croisées

Par la symétrie qu’il donne au titre de son article, « Quelques réflexions sur André Gide et le jeune émigré », Varchavski initie un lien étroit entre sa génération et l’écrivain français, instaurant un face-à-face entre deux hommes : d’une part, « André Gide », figure d’autorité – bien que diversement appréciée – de la littérature française, représentant d’une génération d’écrivains qu’on appellera les « romanciers de l’inquiétude[7]» ; de l’autre, « le jeune émigré », figure archétypale qui accompagne Gide tant structurellement (par la coordination « et ») que symboliquement, puisque l’on perçoit partout dans l’article son ombre ou son reflet, en filigrane : dans le « je » de Varchavski d’abord, puis dans l’évocation des « très jeunes gens », dont il dit :

В эмиграции больше всего должны любить Жида совсем молодые люди, уехавшие из России еще детьми, помнящие Россию достаточно чтобы не стать иностранцами, но недостаточно долго в ней жившие, чтобы по примеру старших наполнить воспоминаниями о прошлом ту фантастическую социальную пустоту, в которой приходится жить эмигрантам[8].

Au moment de conclure, Varchavski referme le cercle en nouant encore une fois les destins de Gide et de la jeune génération, par cette affirmation péremptoire : « И вот для тех эмигрантских детей, которые хоть раз в жизни чувствовали себя героями “Paludes”, Жид ближе и понятней чем кто-либо из современных русских писателей[9]. » Si Gide fait partie intégrante du système de références culturelles de la jeune génération, du moins jusqu’à la parution de Retour d’URSS en 1936, il est en revanche globalement mal reçu par la génération aînée. L’intervention acerbe de Kirill Zaïtsev, à la réunion du Studio franco-russe consacrée à André Gide, résume sans doute le point de vue de la majorité des représentants de la génération aînée : « Moi, je n’aime pas Gide ; j’ai une antipathie prononcée pour lui […] », « [il n’y a chez lui] rien de vrai, rien de réel ni d’authentique[10] ». De même, dans la presse émigrée, Gide est souvent sévèrement critiqué par ceux qui regrettent la mort du roman, la disparition de la fiction, et voient en Gide, notamment, un mauvais exemple pour les jeunes auteurs. C’est le cas de Petr Bitsili et de Vladimir Weïdle dans deux articles parus dans Les Nombres, respectivement « Une couronne sur le cercueil du roman » [« Венок на гроб романа »] et « Sur la fiction, je verserai des larmes… » [« Над вымыслом слезами обольюсь… »] aux titres empreints de tristesse, noirs comme un jour d’enterrement[11].

Dans son article, Varchavski semble faire de Gide un compagnon de route de la jeune génération, mais il va plus loin encore, puisqu’à l’instar d’Adamovitch au Studio franco-russe, il rapproche Gide de la littérature classique russe, à travers la figure de Dostoïevski : « […] Жид, несмотря на свою сомнительность, все-таки ближе к Достоевскому чем кто-либо из современных русских классиков[12]. » Quel affront pour les représentants de la génération aînée, ces « classiques russes contemporains », et quel pied de nez à leurs craintes de dénationalisation, qu’évoque d’ailleurs Varchavski :

Cкажут, что это и есть признак денационализации. Но мне кажется, что эмигрантский молодой человек, с волнением читающий Жида и плохо знающий русскую географию, может быть, ближе к «великодержавному» стилю русской культуры, чем эмигрантский классик Шмелев, сравнивший как/то Пруста с Альбовым[13].

L’intention de Varchavski est donc double : il s’agit, d’une part, de répondre directement aux craintes de dénationalisation exprimées par la génération aînée, notamment dans les pages de Cité nouvelle, ainsi que dans de nombreux articles consacrés à la jeune génération, à qui l’on reproche parallèlement d’être « dépolitisée[14] ». Varchavski s’attache donc à relever que, malgré leur intérêt pour la France, les jeunes auteurs émigrés ne sont pas pour autant un pur produit du terroir français et qu’ils sont, au contraire, peut-être plus proches de la Russie qu’il n’y paraît a priori. D’autre part, Varchavski tient dans cet article à justifier le choix qu’a fait sa génération d’André Gide, en le présentant comme un écrivain et un intesllectuel à la hauteur de Dostoïevski, puisque l’écrivain français comprend mieux que personne le grand classique russe et qu’il s’en rapproche même dans ses propres écrits. Il y a donc comme une volonté de justifier sa génération, d’une part, et la littérature française contemporaine, d’autre part, en tissant des liens de parenté entre classiques russes et auteurs modernes, que ceux-ci soient d’expression française ou russe.

Le jeune critique démontre d’ailleurs sa profonde estime pour l’interprétation que fait Gide du grand maître russe, et considère même que « le cœur de la pensée de Gide » se trouve dans Dostoïevsky et dans Numquid et tu ?…, même si, selon lui, « la critique considère généralement comme assez faibles[15] » ces deux œuvres. Celles-ci, auxquelles il faut ajouter Paludes (1895), sont au centre de la réflexion de Varchavski. Il les juge essentielles, alors que Paludes est une œuvre certes programmatique et d’une grande richesse, mais de jeunesse ; quant au Dostoïevsky, il n’entre pas dans la catégorie des œuvres littéraires, puisqu’il s’agit de la retranscription d’une série de conférences ; enfin, Numquid et tu ?… est également un ouvrage particulier, puisqu’il s’agit d’une lecture commentée de passages des Évangiles, proposée sous forme de notes datées de 1916 à 1919, où l’on trouve, au demeurant, des ébauches de réflexions reprises dans le Dostoïevsky[16]. Dans cette sélection partiellement inattendue, étant donnée qu’à cette époque, Gide a déjà fait paraître la plupart de ses grands romans[17], deux points essentiels fascinent Varchavski : le rapport que Gide entretient avec ses personnages, d’une part, et avec les Évangiles, d’autre part, le tout dans une perspective comparative avec l’œuvre de Dostoïevski. Autrement dit, le critique russe s’interroge sur la position de l’auteur, de l’écrivain en tant que tel, face à Dieu et face aux hommes, en pratiquant un chassé-croisé entre Gide et Dostoïevski.

D’ailleurs, l’analyse que Varchavski propose de Gide suit presque pas à pas la réflexion de celui-ci sur Dostoïevski. Selon lui, ces deux écrivains sont en effet si semblables que, du point de vue interprétatif, ce qui vaut pour l’un, vaut pour l’autre :

[…] к ним [романам Жида] применимы слова самого Жида о Достоевском: « его идеи почти никогда не бывают абсолютны; они выражают лишь состояние его персонажей »[18].

Dans le texte original, légèrement déformé par la traduction de Varchavski, Gide affirme plus précisément que « les idées ne se présentent jamais, dans l’œuvre de Dostoïevsky, à l’état brut, mais restent toujours en fonction des personnages qui les expriment […][19] ». Avant même les formalistes et le concept bakhtinien de polyphonie, Gide pressent que chaque voix, chaque personnage de Dostoïevski défend sa propre « idée », sa propre vision du monde[20]. Il constate ainsi l’autonomie de ses héros, ainsi que la richesse de leur personnalité :

Le prodige réalisé par Dostoïevsky, c’est que chacun de ses personnages, et il en a créé tout un peuple, existe d’abord en fonction de lui-même, et que chacun de ces êtres intimes, avec son secret particulier, se présente à nous dans toute sa complexité problématique[21].

Or, de cette forme d’autonomie découle le fait que « les grandes figures de premier plan, il [Dostoïevski] ne les peint pas, pour ainsi dire, mais les laisse se peindre elles-mêmes, tout au cours du livre, en un portrait sans cesse changeant, jamais achevé[22] ». Cette totale indépendance, cette liberté individuelle dont jouit chaque personnage de Dostoïevski enthousiasme Gide, tandis que, dans un calque parfait introduit par l’affirmation « l’on peut appliquer [aux romans de Gide] ce que Gide dit lui-même de Dostoïevski », Varchavski est pareillement séduit par l’indépendance du héros gidien, par sa force intrinsèque, par le fait qu’il existe « d’abord en fonction de lui-même », et non en fonction de ceux qui l’entourent ou de celui qui l’a créé. Indépendance d’esprit et liberté intrinsèque des personnages, telles sont les qualités que Gide relève chez Dostoïevski, telles sont également celles que Varchavski admire chez Gide. Pareille translation rend compte d’un déplacement de conceptions culturelles et esthétiques à travers le temps et l’espace, effaçant toute prétention nationaliste, au profit d’idées valables pour tous, en dépit du lieu, du temps et des références culturelles.

En marge du concept de liberté, Varchavski introduit par ailleurs les notions d’authenticité et de sincérité, même s’il fait mine de n’évoquer ces problématiques qu’accessoirement :

Также я совершенно не касаюсь того, как в романах Жида рассказывается о жизни внешних зон, об искушениях и катастрофах ума, о борьбе страстей и поисках настоящего человека освобожденного от того искусственного человека, который создается культурой и социальной средой, который подражает общепринятому идеалу и боится остаться один и быть искренним […][23].

Il s’agit là d’une pure prétérition puisque, de fait, Varchavski a déjà abordé ces questions et qu’il y reviendra, puisqu’elles s’insèrent parfaitement dans le schéma qu’il élabore : selon son interprétation de l’œuvre de Gide, la liberté se gagne à force de sincérité, d’authenticité, en lutte directe avec les notions d’artifice et de mensonge. « L’homme véritable » (настоящий человек), opposé à « l’homme artificiel » (искусcтвенный человек), est celui qui fait fi des habitudes, des réflexes, des conventions imposées de l’extérieur par le milieu socio-culturel, celui qui rejette « l’idéal communément admis » (общепринятый идеал). Pour retrouver ce qui fait de lui un être authentique et unique, l’homme « véritable » ne doit pas craindre « de rester seul et d’être sincère » (остаться один и быть искренним), c’est-à-dire de tourner son regard non pas vers l’extérieur, mais bien vers l’intérieur de soi, d’agir et de parler selon son propre sentiment, plutôt que par imitation, d’être un homme libre, quitte à faire preuve d’incohérence. Ce commentaire de Varchavski révèle sa parfaite adéquation avec la pensée de Gide, ironique par rapport au fait que « ce dont nous, Français, avons le plus besoin, c’est de logique », si bien que « nous sacrifions la vérité (c’est-à-dire la sincérité) à la continuité, à la pureté de la ligne ». Or, selon Gide, il faut admettre « dans l’homme, ainsi que Dostoïevsky nous y invite, la cohabitation de sentiments contradictoires[24]». Pour Gide comme pour Varchavski, la primauté de la sincérité sur la cohérence, sur la « logique » ou sur « la continuité », est essentielle. Faire preuve de sincérité, c’est procéder à un mouvement de l’extérieur vers l’intérieur, c’est se débarrasser des habitudes de pensée dictées par la masse (« культура и социальная среда » сhez Varchavski, « nous, Français » chez Gide) pour privilégier le sentiment individuel.

Il est intéressant de constater que Varchavski prend à contre-pied l’idée de crise européenne proclamée tout autour de lui : non qu’il réfute le fait que la culture européenne ou, du moins, la littérature française, ait connu un changement esthétique radical – il ne fait de doute pour personne que la manière d’aborder le roman s’est profondément modifiée, du point de vue de la forme comme du contenu. Cela étant convenu, Varchavski affirme en revanche le caractère positif de cette réorientation thématique et formelle. Précisément, la différence ne porte pas tant sur le constat de la crise que sur sa réception : la génération aînée regrette la « crise européenne » dans toutes ses manifestations, elle y voit un danger menaçant les jeunes auteurs russes émigrés, tandis que ceux-ci y voient une chance pour l’homme de se retrouver, de plonger à l’intérieur de soi, d’accéder à une liberté quasi totale en dépit, d’ailleurs, du sentiment de solitude qu’ils éprouvent. En outre, en plus de relever la face positive de la crise, Varchavski justifie l’esthétique qu’il prône en réactivant, dans une certaine mesure, l’idée d’une littérature si ce n’est européenne, du moins franco-russe, voire internationale, puisqu’il fait de Gide et de Dostoïevski ses maîtres en littérature, et qu’il souligne chez eux (en particulier chez Gide) les principes fondateurs de sa propre esthétique. Si Varchavski et sa génération devaient être qualifiés d’« européens », ce serait avant tout parce que leur parcours esthétique ne s’explique qu’en regard des développements de la littérature franco-européenne, que comme un dialogue avec elle. On ne peut comprendre les œuvres de la jeune génération, du moins sa prose, sans prendre en compte celles de leurs homologues français en particulier, et européens en général[25].

Aménagements interprétatifs

Varchavski se permet toutefois quelques adaptations interprétatives, procède à un choix évidemment sélectif non seulement des auteurs qu’il recense, mais des œuvres elles-mêmes. Ainsi, dans ce long article consacré à Gide, l’on relève quelques incompréhensions ou malentendus, quelques différences entre les propositions de Gide lui-même, telles qu’elles apparaissent à la lecture de ses textes, et les interprétations qu’en donne Varchavski. Par exemple, parce qu’il l’approuve et la fait sienne, Varchavski soumet à son lecteur l’analyse que propose Gide de la conception dostoïevskienne de l’âme. C’est ici, d’ailleurs, qu’intervient la question des Évangiles, du rapport à Dieu :

В душах героев Достоевского Жид различает три зоны, три области: верхняя – зона ума, чуждая душе, но из которой рождаются самые страшные искушения. Средняя – зона страстей; и, наконец, нижняя, самая глубокая, которую не могут потрясти даже самые трагические страсти и события[26].

Dans un premier temps, Varchavski rapporte fidèlement le point de vue de Gide et le reprend à son compte, puisque lui aussi redoute les pièges de l’intelligence. Les raisonnements intellectuels, la « logique », sont les pires ennemis de la spontanéité et de la sincérité, deux qualités littéraires incontournables. C’est d’ailleurs sur ce point que Varchavski avait débuté son article, en avouant sa méfiance première à l’égard de Gide :

Когда я читал в первый раз Андрэ Жида, я подумал, что это продолжение той блестящей и сухой французской литературы « tout à fait spirituelle », которая очаровывает ум как волшебная собака Тристана и Изольды, но часто кажется пребывающей в такой же абстрактной пустоте, как геометрия Лобачевского, и не ишущей реального значения[27].

Adamovitch aussi se souvient d’avoir longtemps dédaigné André Gide, car « il n’y avait pas en lui de netteté, de traits, et cependant c’était bien cela qu’on était habitué à demander aux auteurs occidentaux : de la clarté, un raisonnement précis et aigu[28].» « Spirituelle », « brillante », marquée par la « clarté » et la précision du « raisonnement », telles étaient traditionnellement les qualités ou défauts prêtés par les Russes – toutes générations confondues – à la littérature française, ainsi comprise comme une écriture relevant d’un exercice intellectuel, plutôt que d’un investissement personnel, entier, sincère, qui viendrait du plus profond de l’âme. Or, précisément, la jeune génération a cru déceler des qualités radicalement différentes chez Gide, plus proches de sa propre conception de la littérature, de l’esthétique qu’elle veut défendre : « И только потом я стал понимать, что книги Жида это рассказ о поисках пути из ложности этой пустоты в истинную жизнь[29] », confesse Varchavski. De même, Adamovitch considère en 1930 que « Gide est le plus vivant et le plus humain des écrivains français d’aujourd’hui », car, « […] s’il exprime une idée, c’est non seulement son intelligence, mais bien tout son être qui en prend la responsabilité[30] ». En effet, pour l’un comme pour l’autre critique russe, Gide s’investit personnellement et totalement dans son œuvre, il ne ruse pas, ne pose pas, évite les raisonnements secs et vains, va directement au « cœur de la vie » (« во внутрь жизни », nous dit encore Varchavski)[31], au plus profond de l’âme humaine. Dans le schéma qu’ils esquissent, Varchavski et Adamovitch opposent donc la spontanéité au maniérisme, la sincérité à l’intellectualisation, tout en intégrant à cette formule binaire un élément supplémentaire :

Возвращение в эту нижнюю, внутреннюю зону души из внешних зон ума и страстей и есть для Жида путь спасения, путь возвращения в рай, в реальную и абсолютную жизнь, «в радость Господина Твоего»[32].

Dans l’analyse que fait Varchavski de la pensée gidienne, ce déplacement de l’extérieur vers l’intérieur correspond non seulement à un retour « à la vie réelle » par opposition au « vide abstrait » de la pensée logique et froide, mais également à une réorientation de l’homme vers Dieu, puisque c’est là « la voie du salut ». Sans s’interroger sur la question du rapport à Dieu et à la morale chrétienne dans l’ensemble de l’œuvre de Gide – une approche qui rendrait la problématique plus riche et plus complexe – Varchavski se limite, dans son analyse, au Dostoïevsky et au Numquid et tu?… pour conclure, de concert avec Adamovitch d’ailleurs, au caractère profondément chrétien de Gide[33]. Nous abordons ici un problème délicat. Jusqu’à présent, nous avons vu Varchavski défendre une position propre à sa génération, qui est aussi celle d’écrivains français modernes, tels que Gide, bien sûr, auquel on pourrait également ajouter Proust et, globalement, toute cette vague littéraire du début du XXe siècle, qui concentre son intérêt sur l’individu en tant que tel, sur la psychologie ou la vie intérieure, ou encore sur ce que les Russes appellent le « document humain » (человеческий документ). Or, la défense des valeurs chrétiennes n’entre pas véritablement dans les intentions propres à ces écrivains. Certes, en France comme en Russie, la modernité se place globalement sous le signe du questionnement spirituel, favorisé par le développement de divers courants mystiques, spiritistes ou religieux. Cependant, Gide fait partie de ces intellectuels pour qui la question de la foi est éminemment personnelle et individuelle, il n’est en rien prosélyte et s’oppose au contraire à ceux qui le sont (à Mauriac, en particulier). Qualifier Gide d’écrivain « chrétien » semble surprenant, voire ambivalent aujourd’hui et, à mon sens, cela devait paraître étrange et très discutable dans les années 1930 déjà, même si la question du rapport à Dieu est en effet présente dans toute l’œuvre de Gide. Pourquoi, dès lors, Varchavski et Adamovitch se sentent-ils obligés de souligner la chrétienté de Gide ? De toute évidence, une fois de plus, cette affirmation participe d’une volonté de convaincre la génération aînée de l’importance de Gide. Pour les Français comme pour les Russes, c’est là une question essentielle, qui fait d’ailleurs débat à l’époque : à l’heure de la crise européenne, la littérature doit-elle défendre et promouvoir les valeurs chrétiennes ? Doit-elle, plus précisément, défendre des valeurs respectivement catholiques, protestantes ou orthodoxes ? Or, à lire les débats du Studio franco-russe et, précisément, ceux concernant des auteurs comme Proust et Gide, souvent attaqués pour des raisons d’éthique et de morale, l’on constate qu’il n’y a pas de mésentente entre Russes et Français, mais bien plus sûrement entre les générations cadette et aînée, qu’il faut peut-être comprendre comme deux groupes que ne différencient pas tant l’âge, le statut ou la renommée, que le point de vue intellectuel et le rapport au monde. Ainsi, s’il y a une pensée chrétienne européenne, elle concerne essentiellement des intellectuels tels que, du côté des Russes, Méréjkovski, Chmelev, Berdïaev, et d’autres, et, du côté français, les défenseurs du Renouveau catholique, que ce soit Jean Maxence, Jacques Maritain, Marcel Péguy ou Paul Claudel. Cela dit, certains auteurs émigrés modernes sont aussi des croyants, promotteurs des valeurs chrétiennes ; tel est de toute évidence le cas de Varchavski et d’Adamovitch. Mais leurs convictions ne les empêchent pas pour autant de promouvoir l’esthétique de Gide, en dépit de son éthique, que Varchavski considère comme un problème tout à fait annexe, secondaire, qu’il préfère laisser entre parenthèses[34].

Varchavski procède donc à une lecture orientée de Gide ; il le présente comme un auteur profondément chrétien, dans une optique de justification des choix esthétiques de sa génération face à l’aînée, et sans doute également parce que le rapport à la religion de Gide l’intéresse, en tant que questionnement personnel, individuel, mettant l’homme au centre. Cela dit, les libertés interprétatives qu’il prend ne sont pas dépourvues de conséquences, y compris d’un point de vue esthétique. En effet, il est un détail important que tait notre jeune critique russe, de sorte que son analyse se révèle partielle, voire partiale et fallacieuse. Certes, selon Gide, la « zone extérieure », zone de l’intelligence, est celle où loge « le Malin[35] », tandis qu’inversement, la zone inférieure ou intérieure, zone de l’âme, est celle par laquelle l’homme accède à l’éternité, à Dieu. Cependant, il conclut justement sa série de conférences sur Dostoïevski par cet aveu capital : « Il n’y a pas d’œuvre d’art sans participation démoniaque[36]. » Selon lui, d’ailleurs, « aucun artiste sans doute n’a fait dans son œuvre la part du diable aussi belle que Dostoïevsky, sinon Blake […] ». Autrement dit, la zone de l’intelligence, zone « démoniaque » par définition, a un rôle à jouer dans la création littéraire, elle lui est même indispensable. Or, si Varchavski insiste avec conviction sur le poids des Evangiles dans la pensée gidienne, notamment par l’analyse de cet ouvrage somme toute mineur qu’est Numquid et tu ?…, il se garde en revanche de relever l’importance que Gide attache à la « participation démoniaque » dans la création littéraire. Cette omission est lourde de conséquence, ainsi qu’en témoigne l’analyse très réductrice que fait Varchavski de Paludes toujours dans le même article.

Lectures de Paludes

Varchavski ne mentionne à aucun moment l’humour désopilant que Gide déploie dans cette œuvre, alors que le genre dans lequel elle s’inscrit est pourtant celui de la satire, annoncée dès la dédicace[37]. Autour d’une longue citation de Paludes, le critique russe constate au contraire le caractère désabusé, voire dépressif de Gide : « Повидимому самому Жиду хорошо знакомо холодное отчаянье человеческого ума перед невозможностью найти двери в жизнь […][38] » ; puis le fait que « он [повествователь] чувствует, что жизнь отделена от него какой-то преградой, каким-то пространством, что он не может прикоснуться к ней, войти внутрь ее, ощутить ее в себе[39] ». De toute évidence, pour Varchavski, l’inquiétude naît d’un paradoxe : la solitude, l’isolement est nécessaire – puisque ce n’est qu’ainsi que l’homme pourra descendre au plus profond de lui-même et faire preuve d’authenticité et de sincérité – et terrifiante à la fois. Cette délicate quête d’authenticité appelle le « désespoir », car elle se heurte au sentiment d’être « séparé de la vie », c’est-à-dire coupé du monde, coupé des autres, abandonné à soi-même[40]. Selon le critique russe, ce sont précisément les émigrés, les jeunes d’autant plus, qui souffrent de cette situation d’isolement, de cet « incroyable vide social[41] » dans lequel ils doivent vivre. Certes, le retour à soi constitue une étape indispensable au travail d’écrivain, mais Varchavski semble exiger de lui un second pas, vers les gens, vers « la vraie vie » (« истинная жизнь »)[42]. À quelques pages d’intervalle, Varchavski instaure un jeu de miroirs, non seulement entre Gide et les jeunes auteurs émigrés, non seulement entre Gide et Dostoïevski, mais aussi entre le héros-narrateur de Paludes et le jeune homme émigré. Il dit du premier que « […] вдруг, как очнувшийся лунатик, он видит, что находился в какой-то абстрактной мертвой пустоте и со страхом начинает искать вокруг себя и в себе истинную жизнь […][43] », tandis que « эмигрантский молодой человек » « […] внезапно, со страхом должен почувствовать, что он не помнит, не знает, где он находится, что у него не было настоящей жизни, что жизнь прошла мимо него, что он оторван от тела своего народа и не находится ни в каком мире и ни в каком месте[44]. » Dans un cas comme dans l’autre, l’individu en question réalise « subitement» (« вдруг », « внезапно ») qu’il est perdu, hors du monde, loin des gens, et il en ressent une forte « angoisse » (« страх »). Or, cette définition du « jeune émigré » en déraciné ne correspond pas, selon moi, au personnage que Gide met en scène dans Paludes. Certes, celui-ci est en profond décalage par rapport aux êtres qui l’entourent, cependant, d’une part, il se satisfait pleinement de cette situation d’observateur à distance, de témoin plutôt que d’acteur, et, d’autre part, ce décalage, cette sorte d’inadaptation qui le caractérise constitue un motif humoristique, un ressort de la satire, et non un enjeu métaphysique. Le héros-narrateur de Paludes est un écrivain qui travaille sur un nouveau projet intitulé Paludes, justement, dont toute la ville parle, mais que personne ne semble apprécier, ni comprendre[45]. La satire commence donc dès les premières lignes, elle est autoréférentielle, puisque Gide se moque de lui-même en créant ce personnage, auteur de Paludes, qui renvoie inévitablement à la figure de Gide lui-même, auteur de Paludes. Le héros ne se soucie guère d’être atypique et compris, il continue à écrire l’histoire de « Tityre », tout aussi monotone, voire ennuyeuse, que la vie du héros-narrateur lui-même, tout autant vide d’événements, dépourvue d’action. Et lorsque son amie Angèle lui dit craindre que son récit « ne soit un peu ennuyeux », l’écrivain lui réplique, « tout ému » :

– Angèle, Angèle, quand comprendrez-vous, je vous prie, ce qui fait le sujet d’un livre ? – L’émotion que me donna ma vie, c’est celle-là que je veux dire : ennui, vanité, monotonie, – moi, cela m’est égal parce que j’écris Paludes – mais celle de Tityre n’est rien ; nos vies, je vous assure, Angèle, sont encore bien plus ternes et médiocres[46].

Ainsi, s’il y a désespoir, s’il y a constatation du caractère « terne et médiocre » de la vie, marquée par « l’ennui, la vanité, la monotonie », le héros-narrateur reste cependant indifférent à cet état des choses, puisqu’il dit, ici et à plusieurs autres reprises dans le texte : « cela m’est égal parce que j’écris Paludes », qui fonctionne comme un comique de répétition. Autrement dit, le héros-narrateur est certes un marginal, incompris par son entourage, décalé et détaché du monde extérieur, mais il n’en souffre pas, car son statut d’écrivain lui permet d’affirmer : « cela m’est égal parce que j’écris Paludes ». La réponse à l’ennui, à la monotonie, à cette vie qui, selon Varchavski, passe « как пустое и нерадостное видение сна[47] », se trouve en effet dans l’écriture, qui sert d’exutoire, dans le « jeu infini de l’écriture[48] ». Paludes n’est pas, comme un roman classique, le récit d’événements qui s’enchaînent, mais bien celui d’une pure narration, le récit d’un récit en train de se faire, qui se satisfait à soi-même. Dès lors, il semble évident que l’inquiétude gidienne, si elle existe, prend sa source ailleurs que dans un mal de vivre, comme le suggère Varchavski. La définition que nous offre Gide de l’œuvre d’art, qui exige une « participation démoniaque », initie elle aussi un paradoxe, qui pourrait être considéré comme une source d’inquiétude. Il y a en effet quelque chose d’inconciliable entre les ambitions de sincérité, d’authenticité et d’introspection de l’auteur et la mise en œuvre de ces intentions. En effet, le travail artistique ne pouvant se satisfaire de cette troisième zone, la zone intérieure, siège de la sincérité, Gide se doit de composer également avec les deux autres, celle des passions et celle de l’intelligence, malgré leur caractère corrompu ou impur. Ainsi, si, dans Paludes, Gide se moque avec mordant du milieu intellectuel français, qui se délecte de mots d’esprit et de sa propre érudition[49], il n’est pas tendre non plus envers lui-même, envers les « romanciers de l’inquiétude » et le concept de sincérité[50]. Gide s’attaque certes aux symbolistes, à leur langage raffiné, détaché du réel, qui relèverait strictement de la zone de l’intelligence[51] ; il décrédibilise également les auteurs de romans d’aventures[52], où s’enchaînent les actions les plus extravagantes, où se déchaînent les passions et qui se rattachent donc à la zone intermédiaire ; mais il ironise également sur les tourments de l’âme, propres à celui ou celle qui tend vers la « zone inférieure » :

C’est pourtant vrai, ce que je leur dis – puisque j’en souffre. – Est-ce que j’en souffre ? – Ma parole ! à de certains moments, je ne comprends plus du tout ni ce que je veux ni à qui j’en veux […][53].

Et plus loin :

« Ah ! ma tête est au désespoir ! – Je veux inquiéter – je me donne pour cela bien du mal – et je n’inquiète que moi-même… Tiens ! une phrase ! notons cela. » Je sortis un feuillet de dessous mon oreiller, je rallumai ma bougie et j’écrivis ces simples mots :

« S’éprendre de son inquiétude.[54] »

L’ironie est ici à son comble : d’abord dans le sophisme introductif, qui tisse un lien de cause à effet entre la notion de souffrance et celle de vérité (« c’est pourtant vrai […] – puisque j’en souffre ») ; cette étroite relation tissée entre l’émotion ressentie et la vérité, l’authenticité de la chose dite ou écrite est en parfaite adéquation avec la pensée des romanciers de l’inquiétude, mais aussitôt ridiculisée par la mise en doute qui la suit de près : « Est-ce que j’en souffre ? » L’auteur insinue par là même qu’il existe une forme d’hypocrise chez ce type d’écrivains, puisque l’angoisse, l’inquiétude est vite oubliée, lorsqu’il s’agit de prendre la plume. Même si l’on admet que l’exclamation « Ah ! ma tête est au désespoir ! » est vraie, que le sentiment est effectivement éprouvé, qu’il est authentique, il ne peut cependant qu’être délaissé, mis de côté, lorsqu’il s’agit de le retranscrire. D’ailleurs, le héros-narrateur avoue se donner « bien du mal » pour « inquiéter ». Le passage à l’écrit implique donc un effort qui est étranger à l’émotion pure ; il exige une « participation démoniaque », l’intervention de l’esprit, d’autant plus si nous sommes dans le genre satirique[55]. Celui-ci ne fonctionne que s’il y a décalage, modification, et se place en opposition directe avec l’idée de mimétisme parfait, de pureté de la reproduction : la satire procède par imitation et par déformation de l’objet dont elle veut se moquer, elle s’oppose donc totalement à l’idée d’authenticité ; en outre, sa réalisation – c’est-à-dire le déclenchement du rire – nécessite un effort de décodage intellectuel, par lequel le lecteur doit retrouver l’original pour saisir la portée humoristique du texte. De toute évidence, la portée satirique de Paludes, avec ce qu’elle a de « démoniaque », a largement échappé à Varchavski qui, comme beaucoup de ses contemporains, même parmi les francophones, s’en tient à une lecture au premier degré[56].

Nonobstant ces remaniements interprétatifs, Varchavski ressent une véritable proximité intellectuelle avec Gide, il l’admire incontestablement, le place au même niveau hiérarchique que Dostoïevski, le présente comme une référence littéraire et intellectuelle incontournable. Mais son analyse a des visées très précises, c’est pourquoi il procède à un choix sélectif des œuvres qu’il commente et propose une lecture quelque peu réductrice de Paludes : Varchavski utilise Dostoïevski et la brillante lecture que Gide fait de Dostoïevski pour valoriser l’auteur français, tirer un trait sur d’inutiles distinctions nationales et, surtout, défendre le choix qu’a fait de Gide la jeune génération. Afin d’être le plus convaincant possible, Varchavski insiste même sur le caractère profondément chrétien de Gide, bien que son esthétique l’intéresse plus que son éthique. Il essaie de tisser un fil rouge entre DostoïevskMaîtretre en littérature, André Gide, représentant du modernisme français, et les jeunes auteurs émigrés, qui veulent s’inscrire – et s’inscrivent, de fait – dans cette lignée. En somme, son credo est le suivant : chez Gide comme chez Dostoïevski, comme chez les jeunes écrivains émigrés, l’homme est au centre de l’œuvre, un homme globalement désespéré par sa situation et le monde qui l’entoure, un homme résolument seul, mais un homme libre, convaincu qu’il trouvera au plus profond de son âme, des réponses à ses questions.


[1] P. Dethurens, De l’Europe en littérature (1918-1939), Genève, Droz, 2002, p. 25.

[2] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide i èmigrantskom molodom čeloveke » [« Quelques réflexions sur André Gide et le jeune émigré »], Čisla [Les Nombres], n° 4, 1930-1931, p. 216-222.

[3] V. Varšavskij, Nezamečennoe pokolenie [La génération passée inaperçue], New-York, Izd.-vo im. Čehova, 1956.

[4] Nous n’aurons malheureusement pas le temps, dans cet article, d’interroger les spécificités de ce texte en prose, très particulier dans l’œuvre de Varchavski. Notons seulement que, comme le titre l’indique déjà, le jeune auteur russe émigré y engage un dialogue hors temps et hors lieu avec le célèbre écrivain français du XVe siècle, François Villon, rejoint par l’intermédiaire d’un autre auteur français, contemporain de Varchavski cette fois, Francis Carco.

[5Čisla [Les Nombres], Paris, n° 1, 1930, p. 5 (je souligne) : « Douze années d’émigration […]. Durant cette période, nous avons vu beaucoup de choses en Occident, nous l’avons compris et ressenti différemment de nos prédécesseurs. Nous avons vu et continuons à voir pour ainsi dire de l’intérieur les événements les plus importants de la vie d’ici, comme par exemple, pour ne parler que de littérature, la progression de l’influence de Proust, l’affirmation de son génie. »

[6] B. Poplavskij, « Vokrug Čisel » [« Autour des Nombres »], Čisla [Les Nombres], Paris, n° 10, 1934, p. 204 : « La nouvelle littérature émigrée, celle qui a mûri dans l’exil, avoue honnêtement qu’elle ne connaît rien d’autre et que ses meilleures années, celles du plus intense retentissement sur son environnement se passent ici, à Paris. Ce n’est ni la Russie, ni la France, mais Paris (ou Prague, Reval, etc.) qui est sa patrie, avec seulement une lointaine projection sur l’infini russe. »

[7] Voir B. Roussel, « Les inquiétudes esthétiques d’André Gide », Cahiers François Mauriac, n° 18, Actes du colloque international « François Mauriac et les romanciers de l’inquiétude de 1914 à 1945 », Paris IV - Sorbonne, 26-29 septembre 1990, Paris, Bernard Grasset, 1991, p. 257-272. Notons également que la première réunion du Studio franco-russe est consacrée, justement, à « l’inquiétude dans la littérature ». Le Studio franco-russe, textes réunis et présentés par L. Livak, sous la rédaction de G. Tassis, Toronto, Toronto Slavic Quarterly, 2005, p. 49-62.

[8] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 220 : « Dans l’émigration, ce sont les très jeunes gens qui doivent le plus aimer Gide, ceux qui ont quitté la Russie encore enfants, qui s’en souviennent suffisamment pour ne pas être des étrangers, mais qui n’y ont pas vécu assez longtemps pour, à l’exemple des aînés, remplir de souvenirs de Russie cet incroyable vide social dans lequel doivent vivre les émigrés. »

[9Ibid., p. 221 : « Ainsi, pour ces enfants émigrés qui, au moins une fois dans leur vie, se sont sentis les héros de Paludes, Gide est plus proche et plus compréhensible que n’importe quel écrivain russe contemporain. »

[10Le Studio franco-russe, sixième rencontre, consacrée à André Gide, op. cit., p. 189-216 ; citation : p. 205-206. Cet aveu aux airs dénonciateurs fait suite à deux exposés, l’un de Louis Martin-Chauffier (qui se chargera de la première édition des œuvres complètes de Gide en quinze volumes, 1932-1939, du vivant de l’auteur), l’autre de Guéorgui Adamovitch, dans lesquels l’œuvre et la personne d’André Gide sont au contraire encensées. Remarquons d’ores et déjà que, lors des débats, Zaïtsev fut épaulé par Jean Maxence, chef de file des écrivains du Renouveau catholique.

[11] P. Bicilli, « Venok na grob romana » [« Une couronne sur le cercueil du roman »], Čisla [Les Nombres], n° 7-8, 1933, p. 166-173 ; V. Vejdle, « Nad vymyslom slezami obol’ûs’… » (« Sur la fiction, je verserai des larmes… »), Čisla [Les Nombres], n° 10, 1934, p. 226-230.

[12] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 221-222 : « […] même s’il est sujet à caution, Gide est néanmoins plus proche de Dostoïevski que n’importe quel classique russe contemporain. »

[13Ibid., p. 221 : « On dira que c’est là un signe de dénationalisation. Mais il me semble que le jeune émigré qui lit Gide avec émotion et connaît mal la géographie russe est peut-être plus proche du style “impérialiste” de la culture russe, qu’un classique tel que Chméliov, qui a tenté de comparer Proust à Albov. »

[14] Lire en particulier le dixième numéro de la revue Cité nouvelle, essentiellement consacré à la crise culturelle, artistique et littéraire que traverserait l’Europe. Lire également : A. Krajnij, « Literaturnye razmyšleniâ » [« Réflexions littéraires »], Čisla [Les Nombres], n° 2-3, 1930, p. 148-154, article dans lequel Zinaïda Hippius reproche aux jeunes de se désintéresser de la politique ; M. Slonim, « Literatura v èmigracii » [« La littérature dans l’émigration »], Novaja Gazeta (Nouvelle Gazette)¸ n° 1, 1er mars 1931, p. 1, article dans lequel Slonim évoque également, dès les premières lignes, les dangers de l’assimilation culturelle.

[15] V. Varšavski, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 218 : « Здесь мы подходм к самому центру мысли Жида, к его книгам “Достоевский” и “Numquid et tu » ; « […] в критике их принято считать слабоватым » (« Nous approchons ici du cœur de la pensée de Gide avec son Dostoïevsky et son Numquid et tu ?…» ; « la critique les considère généralement comme assez faibles »).

[16] Il s’agit essentiellement de la question du « Malin », que Gide distingue du Mal, et de celle du « Et nunc », du « dès à présent », que Gide relève plusieurs fois dans les Évangiles et qui lui indique que l’éternité est accessible ici et maintenant, dès aujourd’hui.

[17] Lorsque Varšavskij écrit cet article, Gide est une figure incontournable du Paris littéraire, il a déjà publié Les Nourritures terrestres (1897), L’Immoraliste (1902), La Porte étroite (1909), Les Caves du Vatican (1914), Corydon (1924), Les Faux-monnayeurs (1925) ou encore Si le grain ne meurt… (1926).

[18] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 217 : « […] l’on peut appliquer [aux romans de Gide] ce que Gide dit lui-même de Dostoïevski : “ses idées ne sont presque jamais absolues, elles expriment seulement l’état de ses personnages”. » Remarquons que Gide lui-même suggère un tel rapprochement : « Ce sont elles [les idées exprimées par Dostoïevsky dans ses romans] qui m’importent et d’autant plus que je les fais miennes », ou encore : « Dostoïevsky ne m’est souvent ici qu’un prétexte pour exprimer mes propres pensées ». A. Gide, Dostoïevsky, dans Œuvres complètes d’André Gide, édition établie par L. Martin-Chauffier, Paris, NRF, t. XI, 1936, p. 158 et p. 282-283 (1re édition, 1923).

[19] A. Gide, Dostoïevsky, op. cit., p. 158.

[20Problemy poètiki Dostoevskogo de Bahtin paraît pour la première fois en 1929, tandis que Gide prononce en 1921 son allocution pour la célébration du centenaire de Dostoïevsky, d’où est tiré ce passage. L’allocution, ainsi que la série de conférences prononcées à sa suite en 1922 au Vieux Colombier, seront d’abord reproduites dans la Revue hebdomadaire en 1922, puis éditées en un volume en 1923 (A. Gide, Dostoïevsky : articles et causeries, Paris, Plon, 1923).

[21]A. Gide, Dostoïevsky, op. cit., p. 150.

[22Ibid., p. 152.

[23] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 220 : « De même, je n’aborderai pas du tout non plus la manière dont Gide, dans ses romans, parle de la vie des zones extérieures, des tentations et des catastrophes de l’intelligence, de la lutte des passions et de la recherche de l’homme véritable, libéré de cet homme artificiel que forgent la culture et le milieu social, qui imite l’idéal communément admis et craint de rester seul et d’être sincère. »

[24] A. Gide, Dostoïevsky, p. 223-224.

[25] Dans le système de références esthétiques de la jeune génération, les écrivains anglais contemporains occupent également une place importante, à commencer par James Joyce, évoqué plusieurs fois dans Les Nombres (en particulier par Poplavski et Charchoune), mais aussi D. H. Lawrence, dont Varchavski recense Lady Chatterley’s Lover, qui fit scandale à l’époque. Varchavski ne voit ni dégénérescence ni pornographie chez D. H. Lawrence, il relève les caractéristiques profondément « humaines » du récit, évoque l’opposition entre l’homme et la machine qui y est développée, et y voit en outre un prolongement des idées déjà contenues dans l’Émile de Rousseau et Les Cosaques de Tolstoï. Là encore, Varchavski renvoie à de grandes figures de la littérature mondiale pour justifier le travail de ses contemporains, de sa génération au sens large, proposant ainsi au regard de tous l’image d’une littérature européenne, vivante, traversant les siècles et les frontières, et non mourante ou sur le déclin. V. Varšavskij, « D. N. [sic!] Lorens, “Lûbovnik Lèdi Četterlej” », Čisla, n° 6, 1932, p. 259-262.

[26] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 218 : « Gide distingue, dans les âmes des héros de Dostoïevski, trois zones, trois régions : la supérieure, zone de l’intelligence, qui est étrangère à l’âme, mais de laquelle naissent les tentations les plus effroyables ; l’intermédiaire, zone des passions ; et, enfin, l’inférieure, la plus profonde, que ne peuvent ébranler les passions et les événements, même les plus tragiques. »

[27Ibid., p. 216 : « Lorsque pour la première fois, j’ai lu André Gide, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un prolongement de cette littérature française brillante et sèche, “tout à fait spirituelle”, qui сharme l’esprit comme le chien enchanté de Tristan et Iseult, mais qui semble souvent se situer dans le même vide abstrait que la géométrie de Lobačevskij, et qui ne cherche pas de signification réelle. »

[28Le Studio franco-russe, op. cit., p. 197.

[29] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 216 : « Et ce n’est que plus tard que j’ai commencé à comprendre que les livres de Gide parlaient de la quête d’un chemin menant de ce vide mensonger vers la vraie vie. »

[30Le Studio franco-russe, op. cit., p. 198.

[31] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 220.

[32Ibid., p. 218 : « Le retour à cette zone inférieure, intérieure de l’âme, depuis les zones extérieures de l’intelligence et des passions, telle est pour Gide la voie du salut, la voie du retour au paradis, à la vie réelle et absolue, “dans la joie de Ton Seigneur”. »

[33] Voir ibid., p. 218 : « Я думаю, что здесь Жид подходит к самому важному моменту своей жизни, к моменту, когда в сознании человека укрепляется непреложное знание, что […] единственный путь – есть путь христрианский. » (« Je pense que Gide s’approche ici du moment le plus important de sa vie, du moment où se renforce, dans la conscience de l’homme, le savoir absolu […] qu’il n’existe qu’une seule voie : la voie chrétienne ».)

[34] Rappelons la concessive introduite par Varchavski, qui dit que Gide est très proche de Dostoïevski « même s’il peut prêter à caution » (« несмотря на свою сомнительность »), c’est-à-dire en dépit de tout ce qu’on peut lui reprocher sur un plan moral.

[35] A. Gide, Dostoïevsky, op. cit., p. 267.

[36Ibid., p. 284.

[37] A. Gide, Paludes, dans Œuvres complètes d’André Gide, édition établie par L. Martin-Chauffier, Paris, NRF, tome I, 1932, (1re édition, 1895), p. 367 : « Pour mon ami Eugène Rouart j’écrivis cette satire de quoi ? »

[38] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 216 : « Apparemment, Gide en personne connaît bien le froid désespoir de l’esprit humain devant l’impossibilité de trouver une porte vers la vie […]. »

[39Ibid., p. 217 : « il [le narrateur] sent que la vie est séparée de lui par une sorte de barrière, par un espace, et qu’il ne peut ni la toucher, ni entrer en elle, ni la sentir en lui ».

[40] Dans une conférence retranscrite dans l’almanach Krug [Le Cercle], Felzen évoque lui aussi cette tentative désespérée de sortir de l’isolement : « Il y avait encore autre chose de surprenant chez les Français : […] un homme vivant, qui souffrait d’être seul et renfermé, qui de toutes ses forces se précipitait vers les gens pour surmonter d’une manière ou d’une autre notre inéluctable désunion […]. » (« Krug, Beseda odinadcataja, 3-ogo maja 1936 goda » [« Le Cercle, onzième discussion, 3 mai 1936 »], Novyj Grad [Cité nouvelle], 1936, n° 11, p. 154-160 : « Удивилось у французов и другое – […] живой человек, страдающий от одиночества и замкнутости, всеми силами стремящийся к людям, к тому, чтобы как-то преодолеть неизбежную нашу разобщенность […]. »

[41] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 220 : « фантастическую социальную пустоту ».

[42] Dans l’extrait choisi de Paludes, le narrateur voit, selon Varchavski, « depuis une fenêtre, c’est-à-dire de loin, de côté, depuis un espace extérieur par rapport à la vie », toute une série de personnes avec lesquelles il ne peut entrer en contact : des marchands, un portier, une cuisinière, des collégiens, des messieurs. Cet espace inaccessible, mais peuplé, vers lequel il faut tendre, il l’appelle « la vraie vie ». Ibid., p. 217 : « […] из окна, то есть издали, со стороны, из какото-то внешнего, в отношении жизни, пространства […] » ; « истинную жизнь ».

[43Ibid. : « […] soudain, comme un funambule qui se réveille, il voit qu’il se trouvait dans un vide abstrait et mort et commence avec angoisse à chercher autour de lui et en lui la vraie vie […]. »

[44Ibid., p. 221 : « […] le jeune émigré doit soudain ressentir avec angoisse qu’il ne se souvient pas, qu’il ne sait pas où il se trouve, qu’il n’a pas eu de vie véritable, qu’il est passé à côté de sa vie, qu’il a été arraché au corps de son peuple et qu’il ne se trouve dans aucun monde et dans aucun endroit. »

[45] À la présentation du sujet de Paludes, Hubert « ne dit rien » (A. Gide, Paludes, op. cit., p. 372), Angèle fait « Ah ! » et trouve que le héros a « un vilain nom » (ibid., p. 374) ; à la lecture des premières ébauches, elle trouve cela « très bien écrit », mais l’interrompt souvent par ses objections et craint « que ce ne soit un peu ennuyeux » (ibid., p. 375-377) ; le narrateur estime qu’il ne peut « pas parler de Paludes » à son ami Richard, qui ne comprendrait pas ; après la lecture d’un poème, « tout le monde continuait de se taire ; évidemment on ne comprenait pas que c’était fini ; on attendait ».

[46Ibid., p. 377.

[47] V. Varšavskij, « Neskol’ko rassuždenij ob Andrè Žide… », art. cité, p. 221 : « comme un rêve vide et sans joie ».

[48] Lire à ce propos la très belle étude de P. Albouy : « Paludes et le mythe de l’écrivain », Cahiers André Gide : Le Centenaire, n° 3, Paris, Gallimard, 1971, p. 245.

[49] Voir la longue scène de salon, chez Angèle. A. Gide, Paludes, op. cit., p. 404-421.

[50] Dans une étude intitulée L’Univers ludique d’André Gide, Bertrand Fillaudeau insiste sur la portée très générale de la satire dans Paludes : « La satire ne serait pas totale si Gide ne s’était inclus ironiquement parmi les victimes de sa verve. Il ne s’épargne ni en tant qu’écrivain, ni en tant qu’homme. Les allusions auto-ironiques à ses goûts, à ses œuvres, à ses thèmes, à ses manies, à sa personne en général sont nombreuses. » B. Fillaudeau, L’Univers ludique d’André Gide, Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 68,

[51] Voir « [je] trouvai pour le mot blastoderme jusqu’à huit épithètes nouvelles ». A. Gide, Paludes, op. cit., p. 391. 

[52] Voir le récit de la chasse à la panthère d’Hubert, confronté à celui de la chasse au canard du narrateur. Ibid., p. 431-439.

[53Ibid., p. 423.

[54Ibid., p. 424.

[55] Dans le récit qu’il fait de ses rencontres avec André Gide, Aleksandr Bahrah s’étonne de l’intérêt que l’écrivain français portait à Fedor Sologub, dont « il n’avait probablement lu que Le Démon mesquin », mais qu’il comptait parmi les « classiques russes ». Cet intérêt de Gide pour Sologub s’explique sans doute par leur goût commun pour la satire, notamment sociale, qui prend d’ailleurs la forme, chez l’auteur russe, d’une figure « démoniaque ». Voir A. Bahrah, « Po pamâti, po zapisâm: Andre Žid » [« Dans ma mémoire et mes carnets de notes : André Gide »], Kontinent, 1976, n° 8, p. 360-361 : « […] он едва ли читал что-либо сологубовское, кроме “Мелкого беса” […] » ; « Почему-то, перечисляя русских классиков, он почти обязательно присоединял к ним имя Сологуба […] ». C’est Tatiana Victoroff qui m’a gentiment transmis les références de ce texte.

[56] Selon Claude Martin, spécialiste de Gide, « Huysmans et Mallarmé admirent le talent [de Gide déployé dans Paludes], savourent la curiosité du cas, mais ne paraissent nullement pressentir ce dont témoigne, en creux, la satire » ; une lettre de Louÿs à Gide « atteste une rare incompréhension du propos de Paludes », tandis que « son oncle Charles n’a rien vu dans le livre qu’“un exercice littéraire, comme Urien, quoique sur une corde très différente” ». En outre, « la plupart des critiques […] mettent la nouvelle œuvre de Gide au-dessous des précédentes ». L’incompréhension assez générale poussera Gide à rédiger une « Postface pour la deuxième édition de Paludes et pour annoncer Les Nourritures terrestres », dans laquelle « on sent Gide exaspéré au point qu’on l’ait pu croire triste […], en proie à l’ennui […], malheureux […] ». C. Martin, La Maturité d’André Gide : de Paludes à L’Immoraliste (1895-1902), Paris, Klincksieck, 1977, p. 65, 66, 69 et 73. 

 

Pour citer cet article

Annick MORARD. «Varchavski, Gide, Dostoïevski : lectures croisées», ouvrage collectif Modèle de Gouvernement, [en ligne], Lyon, ENS LSH, mis en ligne le 15 juillet 2011. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article294