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Le système politique russe face aux exigences du Conseil de l’Europe

Fouad NOHRA

Maître de conférences à l’université Paris Descartes, Centre Maurice Hauriou pour la recherche en droit public (EA 1515), Institut pour le développement et la solidarité internationale (IDSI)

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Mots-clés : Russie, Conseil de l’Europe, droits de l’homme, nationalisme, démocratie libérale.


Plan de l'article

Texte intégral

Introduction

En vertu d’une approche libérale universaliste, le Conseil de l’Europe est, au moment de sa formation, le fédérateur des partisans de la doctrine dite libérale de la démocratie, par opposition à celle de la « démocratie populaire[1] ». L’institution serait l’écho d’une configuration bipolaire opposant, non pas les partisans du bloc de l’Ouest à ceux du bloc de l’Est, mais ceux pour lesquels la protection des droits individuels est indiscutable, parmi les États atlantistes et neutres (Suède, Suisse, etc.), d’une part, et ceux favorables à une approche de type collectiviste, d’autre part. L’élargissement rapide du Conseil de l’Europe à quarante-sept États membres apparaît, selon une première lecture, comme le témoin du triomphe de ladite « démocratie libérale ». Le processus d’adhésion rapide affecte l’ensemble des pays d’Europe de l’Est aussitôt libérés de l’emprise des partis communistes. La première vague d’adhésion touche un arc de pays allant de la Finlande[2] à la Bulgarie. La seconde débute dès le milieu des années 1990 et comprend la Russie en 1996.

Les nouveaux processus d’adhésion sont soumis à des critères plus exigeants, dans la mesure où la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire commence par examiner les progrès mis en œuvre par les États candidats, pour donner son avis à un Comité des ministres qui, dans la pratique, a toujours suivi cet avis.

La candidature russe, présentée dès 1992, est loin d’être une simple formalité. Elle a pour contrepartie des transformations politiques radicales : l’adoption d’une constitution démocratique libérale avec, dans ses articles 17 à 64, l’énumération des droits et des libertés fondamentales protégés, la transition à un État de droit, la réforme du système judiciaire, la consolidation du pluripartisme et l’engagement à ratifier les principales conventions internationales et européennes protectrices des droits fondamentaux.

Les relations Russie / Conseil de l’Europe sont toutefois loin d’être idylliques. L’admission de la Russie est décrétée quatre ans après la candidature déposée par le président Eltsine, et la délégation russe se voit suspendue de sa participation à l’Assemblée parlementaire dès avril 2000 en raison de la reprise de la guerre en Tchétchénie. Huit ans plus tard, le rapport décennal de la Cour européenne des droits de l’homme relève plus de 25 000 plaintes déposées contre la Fédération de Russie[3].

Toutefois, les moments de crise et les violations observées sur le terrain ne suffisent pas à interroger la position russe vis-à-vis des principes de la « démocratie libérale ». Ils ne suffisent pas non plus à interroger l’universalité de ces principes et leur applicabilité à l’espace russe. C’est davantage le contexte dans lequel intervient la reprise en main autoritaire dès 2000 qui en fournit l’opportunité.

En effet, l’instauration de la « verticale du pouvoir » par Vladimir Poutine, l’hégémonie d’un seul parti, Russie unie, et les restrictions imposées aux activités politiques oppositionnelles font suite à une demande électorale privilégiant la restauration de la puissance russe et la sécurité sur la démocratisation. L’ascension et la consolidation de Russie unie apparaît non pas comme le résultat d’un coup de force perçu comme illégitime, mais comme l’effet de récupération d’une demande politique relayée, au cours des années 1990, par les communistes et les nationalistes.

Est-ce l’expression d’un particularisme historique et culturel russe résistant à l’universalisation des principes de la démocratie libérale ? Peut-on céder à une explication de type historique en tentant de reconstituer le portrait d’un système de valeurs de type « slave et oriental » face aux modèles occidentaux ? La tentation est forte d’identifier, en Ukraine, une population russophone hostile au changement, nostalgique de l’Union soviétique, ou de stigmatiser, en Estonie, des minorités russes réfractaires au processus de transition démocratique, afin de conclure que le processus de démocratisation à l’occidentale s’arrête aux frontières de l’espace démographiquement russe.

Ainsi, pourrait-on en conclure que l’action du Conseil de l’Europe et de son dispositif normatif est sans effet et que l’admission de la Russie, fondée sur une promesse de démocratisation selon les normes européennes et non pas sur l’achèvement de celle-ci, était une erreur historique et qu’elle aurait remis en cause le niveau d’exigence démocratique sur le continent européen.

C’est à ces deux réponses simplificatrices que répond notre argumentation. Ce que nous cherchons à démontrer, c’est que la transition autoritaire de la Russie depuis le début des années 2000 n’est pas un retour à l’histoire et à la culture politique russes, mais la conséquence des incohérences et des effets pervers de la transition libérale de l’ère Eltsine. Nous cherchons également à établir que l’influence du Conseil de l’Europe demeure réelle, car elle contraint le pouvoir russe à justifier le caractère « démocratique » de ses propres réformes, à confronter celles-ci au langage politique et institutionnel familier aux membres dudit Conseil, et à sauvegarder des façades de légitimité. La modernisation des codes de procédure, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le moratoire sur la peine de mort, la ratification du protocole 14 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), le renoncement de Vladimir Poutine à suivre la trace des présidents d’Asie centrale pour briguer un troisième mandat présidentiel, enfin les discours récurrents de l’actuel président Dimitri Medvedev en faveur d’une remise en cause des législations répressives semblent en témoigner. Cela suffit-il à provoquer une transformation en profondeur du système politique russe ? La rend-il nécessaire ? Rien n’est moins certain.

La relation controversée Russie / Conseil de l’Europe

L’admission de la Russie au Conseil de l’Europe

La principale condition de recevabilité d’une candidature est dictée par l’article 3 du traité de Londres et consiste dans le respect de l’État de droit, des droits de l’homme et des libertés individuelles[4]. La candidature d’un État membre est de droit soumise à la décision du Comité des ministres, en vertu de l’article 4, mais dans les faits, l’Assemblée parlementaire s’est arrogée de fait, à travers sa Commission permanente, un pouvoir d’appréciation qui est pris en compte dans la décision de l’organe exécutif[5]. La question de savoir si la ratification de la CEDH est une condition indispensable a été débattue. L’admission du Portugal, en 1976, n’y est pas soumise. C’est dès la fin des années 1980 que, avec la candidature puis l’adhésion de la Finlande, la condition est posée[6]. De même, avec la candidature des pays de l’ancien bloc socialiste d’Europe de l’Est, le Comité des ministres fait de l’adhésion à la Charte européenne de l’autonomie locale un indicateur essentiel[7]. Un autre élément semble déterminant : celui de l’adhésion à la Déclaration de Vienne du 4 octobre 1993 sur le respect des droits des minorités[8].

La candidature russe est consécutive à l’effondrement du système soviétique. Elle est formulée pour la première fois par le président Eltsine, dès lors que le Parlement de la Fédération de Russie a obtenu le statut d’invité auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Ce dernier statut n’est pas prévu par le traité et n’est pas un statut « statutaire ». Il est créé dès 1989 pour deux motifs : faciliter l’intégration des pays d’Europe de l’Est en pleine transition et donner l’occasion à l’Assemblée parlementaire de renforcer ses pouvoirs. Le statut de membre invité n’accorde pas de prérogatives de type « délibératif », mais seulement le droit de participer aux réunions de l’Assemblée. L’adhésion russe doit attendre 1996. Mais qu’attend-elle au juste ? Elle a lieu suite à l’élaboration d’une nouvelle constitution où figure la garantie des libertés et des droits fondamentaux, puis du fait de la naissance d’une vie politique pluraliste[9], mais elle précède de peu la résolution « pacifique » du conflit tchétchène. L’année 1996 correspond à la fin de la première guerre de Tchétchénie et au compromis signé entre le pouvoir russe et le gouvernement de la République autonome à Khassaviourt, le 30 août 1996. Toutefois, la décision des instances compétentes du Conseil de l’Europe est prise quelques mois auparavant.

L’adhésion russe est suivie de l’adoption de nombre de conventions et instruments. La CEDH est ratifiée le 5 mai 1998, ainsi que six des treize protocoles additionnels. Le 21 mai, c’est au tour de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales d’être ratifiée.

Toutefois, en se prononçant en faveur de l’adhésion de la Russie, les parlementaires membres de la Commission permanente sont conscients du fait que l’adhésion n’est pas la contrepartie d’une véritable stabilisation démocratique, mais l’écho favorable à une dynamique de rupture avec le passé soviétique. La résolution votée par l’Assemblée parlementaire, à 165 voix contre 35 et 15 abstentions, au cours de la session du 25 janvier 1996, propose l’adhésion de la Russie, mais est assortie d’exigences formulées à l’égard de cette dernière. La résolution enjoint également aux autorités russes d’élaborer une réforme législative en vue de garantir l’indépendance du système judiciaire et son efficacité et d’améliorer la protection des garanties et les conditions de détention. Des voix dissonantes se font entendre, qui mettent en garde contre une admission prématurée. Bien que minoritaires, ces voix reflètent l’hésitation de nombre de représentants politiques issus tout autant des « vieilles démocraties » européennes que des nouveaux États membres d’Europe orientale[10].

Des relations controversées : la réponse européenne aux transgressions russes

L’adhésion russe ne marque pas la fin de la relation conflictuelle avec le Conseil de l’Europe. À la suite de la seconde guerre de Tchétchénie, l’Assemblée parlementaire vote, en avril 2000, la recommandation 1456 préconisant la suspension de la Russie[11]. Si cette dernière assemblée apparaît comme une instance soucieuse de faire écho aux questions de principe, il n’en est pas de même du Comité des ministres qui est animé par des considérations diplomatiques. On observe une double dynamique : celle d’une Assemblée parlementaire multipliant les résolutions de condamnation, d’une part, et celle d’un Comité des ministres composé d’États soucieux de ne pas adopter une position hostile à la Russie, d’autre part.

La recommandation 1456 de l’Assemblée parlementaire invoque sans ambiguïté la violation, par les autorités russes, de l’article 2 de la CEDH portant sur le droit à la vie, du fait du non-respect des contraintes relatives à la protection des civils dans le conflit tchétchène[12]. Elle condamne, en conséquence, le non-respect par la Russie des engagements pris avant son adhésion, en vertu de l’article 3 du traité de Londres.

En réponse à cette résolution, le Comité des ministres évite de se positionner et élude l’ensemble du débat posé par l’Assemblée. Cette indétermination contraste avec la prise de position tranchée par la même instance, en réaction à la prise d’otage de Beslan en septembre 2004. Sur le plan diplomatique, il est plus aisé de condamner les exactions des rebelles que celles d’un État influent.

L’explication de ce contraste entre les deux organes du Conseil de l’Europe réside dans la composition de chacun d’eux. Le Comité des ministres comprend les ministres des Affaires étrangères des États membres et prend les décisions fondées sur l’article 8 relatif à la suspension ou à l’exclusion d’un État membre à la majorité des deux tiers des voix exprimées (article 20, paragraphe d). Cette dernière procédure permet d’éviter la paralysie du Comité des ministres qui a été en mesure d’exiger, en 1967, le retrait de la Grèce et, en 1980, la suspension de la Turquie[13]. Or, dans le cas de la Russie, l’enjeu stratégique d’une telle décision est tel qu’aucun État membre n’a pu raisonnablement envisager d’en prendre l’initiative. Les enjeux sont multiples, dus au poids géostratégique de la Russie. Du point de vue des puissances d’Europe occidentale les plus influentes, prédominent le souci d’éviter une distanciation de la Russie sur la scène internationale et la crainte d’une remise en cause par celle-ci de la coopération dans les multiples domaines que sont les contrôles des armements et de l’exportation des technologies à usage dual. De plus, l’Europe occidentale craint une éventuelle alliance russo-sino-iranienne tant redoutée par le géostratège américain Zbigniew Brzezinski[14]. Du point de vue des pays d’Europe centrale et orientale, ce dont il est question est le pouvoir de nuisance de la Russie, mais aussi leur approvisionnement énergétique[15].

En revanche, les décisions des membres de l’Assemblée parlementaire n’engagent pas les diplomaties officielles. Le contraste entre la prudence des ministres polonais, tchèque et baltes, d’une part, et la volte-face des parlementaires des mêmes nationalités devant les exactions de l’armée russe à Grozny, d’autre part, est flagrant[16]. Enfin, il est important de noter que la suspension des droits de vote de la délégation russe n’a duré que quelques mois, avant d’être levée, début 2001, au motif que nombre de députés de la Douma s’étaient opposés aux violations reprochées à leur propre gouvernement et que la résolution 1456 les sanctionnait au lieu d’atteindre le véritable acteur qu’est le pouvoir exécutif. Cet argument est-il l’alibi d’un échec politique ? La réponse est négative dès lors que l’on suppose que l’objectif de l’Assemblée parlementaire n’est pas tant d’exclure la Russie que de faire pression sur le Comité des ministres, d’une part, et sur les autorités russes, d’autre part[17].

Parallèlement, un autre organe manifeste une activité particulière dans l’examen des violations des principes de la CEDH : il s’agit de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son rapport décennal (1998-2008), la Cour évalue le nombre de requêtes introduites à l’encontre de l’État russe à plus de 25 000, soit plus de 26 % du total déposé à l’encontre de tous les États membres. Afin de tempérer le présent constat, la Cour a prononcé moins de 500 arrêts condamnant la Russie, contre plus de 600 pour la France et plus de 1 700 pour l’Italie[18].

La différence est toutefois perceptible lorsque l’on évoque le contenu des plaintes et des arrêts prononcés au cours de la période de référence. Il est possible de citer ceux rendus sur le fondement de l’article 2 de la CEDH, protégeant le droit à la vie : les arrêts Bazorkina, Ikhacheva et Khachiev relatifs aux disparitions, bombardements et assassinats perpétrés par les soldats de l’armée russe. De même, d’autres arrêts sont rendus sur le fondement de l’article 3 qui interdit la torture et les traitements inhumains[19].

Les sujets de discorde : l’organisation de l’État, l’indépendance de la justice et les lois d’exception

Les débats de l’Assemblée parlementaire révèlent quatre sujets de discorde portant sur l’organisation administrative de la Fédération de Russie, sur les lois restreignant des libertés, sur la réforme du système judiciaire et sur la peine de mort.

Le Conseil de l’Europe face à la « verticale du pouvoir »

L’un des principes adoptés par les États membres du Conseil de l’Europe signataires de la Charte pour le respect de la démocratie locale est celui de l’autonomie des collectivités locales. À ce titre, si la consolidation du fédéralisme est approuvée, au cours des années 1990, la création sous la présidence de Vladimir Poutine de sept super-gouvernorats, les okrougs fédéraux, est l’objet de critiques. Les super-gouvernorats auraient une fonction de tutelle sur les « sujets » de la Fédération, qu’il s’agisse de régions ou de républiques autonomes. Au moment de leur instauration, cinq d’entre eux sont présidés par de hauts responsables de l’armée ou des services de renseignement. Dans l’optique de la « verticale du pouvoir », les okrougs fédéraux permettent d’assurer que les administrations fiscales, tribunaux, services de sécurité, police et armées demeurent sous le contrôle direct et effectif du pouvoir central et que les « sujets » de la Fédération se conforment aux lois fédérales. De même, la destitution d’un chef de région ou d’un président de république autonome devient possible en cas de non-respect de ces dernières. Enfin, la centralisation est renforcée lorsque, en 2004, les gouverneurs de républiques autonomes ne sont plus élus au suffrage universel mais par leur assemblée sur proposition du président de la Fédération de Russie[20].

Dans son rapport de 2005, la Commission pour le respect des engagements des États membres du Conseil de l’Europe (CREEMCE) insiste sur le fait que le caractère centralisé d’un État n’est pas un obstacle aux engagements, le Conseil de l’Europe n’ayant pas vocation à imposer les structures administratives[21]. Toutefois, elle s’inquiète de l’effet d’une telle réforme sur la composition du Conseil de la Fédération. Selon l’article 85 de la constitution de 1993, la Chambre haute du Parlement est composée, pour moitié, des représentants des exécutifs des régions et républiques autonomes. Or, la subordination naturelle des exécutifs à l’État central remet en cause la séparation des pouvoirs prévue par la constitution.

Les lois d’exception vues sous le prisme européen

Les instances de l’Assemblée parlementaire s’attaquent, d’autre part, aux lois restreignant des libertés et aux lois d’exception, dont la loi sur l’extrémisme, la loi sur les activités terroristes et la loi sur les organisations non gouvernementales (ONG). Officiellement, la loi de répression des activités extrémistes a pour objectif d’interdire les formes d’expression appelant à la haine et invoquant la supériorité d’un groupe humain sur les autres. Le CREEMCE dénonce le détournement dans l’application de cette loi, afin d’interdire des activités religieuses. Amnesty International montre que cette loi a servi à condamner les acteurs politiques qui auraient dénoncé les exactions au cours des guerres de Tchétchénie[22]. La loi antiterroriste, telle que votée en première lecture par la Douma, est critiquée par les rapports cités. Elle permet d’étendre les mesures d’exception au-delà du théâtre des conflits, sur l’ensemble du territoire national, dans les zones définies par les comités antiterroristes présidés par les chefs d’exécutifs régionaux comme des zones d’opérations antiterroristes. La dernière version adoptée en 2006 est plus modérée et limite le champ des mesures et pratiques d’exception. Enfin, la loi sur les ONG de 2006 fait obligation à ces dernières de s’enregistrer à nouveau auprès des autorités, afin de répondre à des conditions plus exigeantes, et de présenter un rapport annuel détaillé de leurs activités.

L’impossible indépendance judiciaire

L’autre question qui demeure objet de préoccupation est celle de l’indépendance de la justice, depuis la réforme du mode de nomination du Haut Conseil d’habilitation des magistrats dont les membres sont désormais nommés et révocables par le Président russe. Cette réforme fait l’objet de critiques par l’Assemblée parlementaire qui, dans sa résolution 1418 (2005) « s’inquiète tout particulièrement des nouvelles propositions visant à accroître encore l’influence de l’administration présidentielle sur la Commission de qualification des juges ».

Dans le même temps, la CREEMCE voit dans les réformes du Code de procédure pénale introduites depuis 2001 un progrès dans le sens d’une clarification de la procédure et des compétences des juridictions. L’une des avancées aura consisté en la création d’un droit d’appel contre les jugements de première instance[23]. Or, dans le même temps, il n’est plus fait explicitement référence à l’indépendance de la justice, mais seulement à son impartialité.

Certes, le système judiciaire russe a connu une progression lente depuis la fin de l’ère soviétique, notamment visible du fait du faible niveau de précision des règles. À titre d’exemple, la répartition des compétences entre les différentes juridictions demeure confuse.

Les analyses politologiques sont toutefois plus sceptiques, dans la mesure où elles mettent en évidence l’absence d’indépendance de la magistrature vis-à-vis du pouvoir exécutif. La profession reste dépendante des pouvoirs locaux et régionaux en raison notamment de l’insuffisance de la rémunération statutaire que perçoivent ses membres. Ces derniers sont souvent tributaires des subventions et pots-de-vin en provenance de ces derniers pouvoirs[24].

Les réformes politiques des années 2000 ont pour fonction de « verticaliser » cette dépendance du judiciaire vis-à-vis de l’exécutif, car cette fois c’est le pouvoir central qui s’assure de la double allégeance des magistrats et des exécutifs régionaux[25].

Face à la peine de mort : moratoire ou interdiction ?

Enfin, la controverse au sujet de l’abolition de la peine de mort demeure, la Russie ayant indéfiniment reporté son abolition au profit d’un moratoire de longue durée, l’opinion publique russe étant à 75 % favorable à son maintien[26]. Ce sont les juridictions russes, notamment la Cour constitutionnelle, qui semblent se démarquer par leur souhait d’intégrer les normes issues de la CEDH.

Les particularités et effets pervers de la transition post-soviétique en Russie

Nationalisme et national-communisme sont-ils l’expression d’un particularisme russe ?

À travers ces rapports ambigus Russie / Conseil de l’Europe, plusieurs questions peuvent être posées. La plus simple, mais en même temps la moins précise et la moins représentative des enjeux de la transition politique, est celle de savoir si les principes énoncés dans la CEDH sont universels et si l’on ne peut pas leur opposer un particularisme russe. C’est dans ce sens que semble s’orienter le discours nationaliste qui toutefois n’est pas la propriété exclusive des nationalistes russes. L’argument du particularisme a longtemps été utilisé au cours des années 1970 et 1980, afin de contester l’universalité de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) dont la CEDH se fait l’écho deux ans plus tard. Le débat est dense et la controverse existe à ce sujet.

Il reste que les premiers moments de la transition post-communiste marquent une rupture forte avec la conception dite « soviétique » des droits fondamentaux. La constitution de 1993 comprend plus d’une quarantaine d’articles consacrés à l’énoncé des libertés et droits fondamentaux. Parmi ceux-ci figurent les droits économiques et sociaux. En un mot, l’avantage de ces textes est qu’à la différence des textes similaires du corpus constitutionnel français, ils ont un degré de précision supérieur et sont partie intégrante de la constitution elle-même. Le débat de principe sur la valeur et l’universalité des « droits de l’homme » semble tranché par une reconnaissance constitutionnelle de celle-ci. Certes, la constitution soviétique de 1977 s’était prêtée à un exercice similaire, mais chacun des énoncés était neutralisé par la réserve de préservation de l’« ordre socialiste[27] ».

L’argument du particularisme russe peut être soulevé à partir d’une lecture des réactions des acteurs politiques russes opposés aux réformes libérales. Si l’on observe l’évolution du paysage électoral russe au cours de la période dite « libérale », celle de la présidence Eltsine, on peut reprendre le terme de « démocratie sans démocrates », utilisé au cours de la même période de référence pour les sociétés arabes[28]. Les élections à la Douma de 1993 et celles de 1995 marquent l’ascension de l’extrême droite nationaliste, puis du parti communiste. En 1995, la somme des voix des trois grands partis d’orientation « libérale » ne dépasse pas les 13 % et l’on assiste à un effondrement de Choix de la Russie et du Mouvement des réformes démocratiques.

L’analyse des discours politiques les plus populaires permet de faire ressortir les priorités de ce qu’on appellerait pour simplifier l’« opinion publique », qui est en fait hétérogène au cours des années 1990. Seul ce retour permet d’expliquer les dynamiques actuelles et l’hégémonie de Russie unie, surtout lorsque nous le comparons aux discours similaires dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO).

Le discours nationaliste qui appelle à une restauration de l’État autoritaire, de l’unité et de la « grandeur » de la Russie, ainsi qu’à la réalisation des ambitions géopolitiques russes, trouve son équivalent dans les PECO. Il est à noter que l’élection présidentielle de 2002 en Roumanie a opposé, au second tour, le candidat historique du Front de salut national, Ion Ionesco, au candidat de l’extrême droite nationaliste, Vadim Tudor, lequel aurait été défait avec pas moins de 33 % des suffrages exprimés. Il reste que la marge de manœuvre du discours nationaliste dans les PECO est actuellement restreinte par la double contrainte de la CEDH et de l’acquis communautaire.

Le discours communiste en appelle, non seulement à la restauration de la puissance russe et de l’État fort, mais aussi à la remise en cause de la transition économique libérale. Dans le cas russe, le contraste avec les PECO est bien plus important. Le parti communiste russe n’a pas renié ses racines soviétiques, alors que dans le même temps, les partis communistes est-européens se sont aussitôt reconvertis en partis sociaux-démocrates dont l’objectif est essentiellement de corriger les effets sociaux de la transition libérale. De même, ces derniers ne mettent pas en cause le tropisme atlantique des PECO libérés du « communisme » : c’est sous la présidence Kwasniewski que la Pologne entame le processus d’intégration à l’OTAN.

Un dernier élément d’analyse réside dans la dynamique du Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR), principale force se réclamant du marxisme. Suite à la dissolution officielle du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), plusieurs organisations en revendiquent l’héritage : aux côtés du PCFR on trouve : l’Union des partis communistes, le Parti ouvrier communiste de Russie, l’Union communiste, le Parti communiste de Russie et le Parti bolchevique pan-russe. L’orientation de Guennadi Ziouganov consiste à arrimer l’héritage marxiste aux cadres idéologiques nationalistes[29]. Certains analystes vont jusqu’à surestimer l’influence du penseur nationaliste Alexandre Dugin. Si nous devons résumer la transformation de l’espace communiste dominant, nous pouvons le faire en une relecture nationaliste des acquis de la révolution bolchevique : à titre d’exemple, la phase stalinienne – pourtant contestée par les marxistes léninistes, depuis le vingtième congrès du PCUS – est réhabilitée au détriment de la phase de « déracinement » internationaliste de la période léninienne.

Le discours des forces au pouvoir liées à la présidence Eltsine se doit de modérer l’ardeur libérale, mais aussi de récupérer le discours sur la restauration du pouvoir d’État comme de celui d’Evgueni Primakov luttant contre la corruption.

Ce consensus, dit nationaliste, qui consiste à faire de l’histoire russe une lecture opposée à celle prévalant dans les mouvements marxistes européens, mais aussi à celle proposée par le discours gorbatchévien, réhabilite la Russie impériale et l’ère stalinienne, relativise ou critique la phase léninienne internationaliste, stigmatise le dégel khrouchtchévien et la Perestroïka. Permet-il de légitimer un retour à la profondeur historique russe contre la libéralisation « exogène » de la société politique ?

Les raisons sont davantage à retrouver dans l’analyse de la transition politique et économique de la Russie post-communiste, car si l’on compare les différentes phases du discours communiste russe, le tournant nationaliste n’apparaît pas tant comme le produit de l’histoire et de la culture que comme une réaction à la double déconstruction du modèle soviétique supra-nationalitaire et de l’État post-soviétique. Les discours communiste et nationaliste dans ce qu’ils ont de commun, et en dépit des divergences doctrinales de fond, représentent une réaction au désengagement de l’État dans les sphères suivantes :

  • la sphère de l’économie où la thérapie de choc, calquée sur les exigences du « Consensus de Washington », a entraîné tout à la fois une déstructuration du tissu industriel russe et une désindustrialisation, sans que l’on assiste à l’émergence d’un marché concurrentiel transparent. Les effets immédiatement vécus par les électeurs russes sont davantage l’hyperinflation, qui explique le basculement des retraités vers l’électorat communiste, l’envolée du chômage et la paralysie des institutions de l’État providence[30] ;
  • la sphère de l’organisation de l’État où la relative paralysie des administrations a pour effet les multiples dysfonctionnements (insolvabilité des administrations publiques, déficit de sécurité), mais aussi l’éclatement du pouvoir en dépit du cadre constitutionnel définissant de manière précise les compétences des « sujets » de la Fédération[31] ;
  • la sphère de l’influence internationale de la Russie lorsque la doctrine dominante chez les libéraux consiste en l’abandon de la politique de puissance et de la recherche de sphères d’influence au profit d’un alignement sur les politiques « occidentales », notamment américaine.

C’est la conjugaison de l’ensemble de ces facteurs qui a pour effet l’affaiblissement, subi en l’espace d’une demi-décennie (1990-1995), de la demande de consolidation de la démocratie, au profit d’un faisceau de demandes, notamment en matière de sécurité, liées au renforcement de l’État.

La « verticale » de Poutine : récupération d’une demande politique ?

Si l’effet conjugué de l’ascension rapide du couple marxiste/nationaliste exprime dans un premier temps la priorité accordée à la restauration de la puissance russe et de l’autorité de l’État sur la « démocratie », l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine exprime la capacité des élites dirigeantes à absorber ces demandes et à récupérer une partie non négligeable des bases électorales de ces deux courants. Avec la nouvelle « verticale du pouvoir », le contrôle des activités partisanes et associatives et l’émergence d’un nouveau parti hégémonique[32], la « mise aux normes » européennes en matière de libertés et de droits fondamentaux est ralentie, d’autant plus que le nouvel écart semble soutenu ou consenti par une partie importante de l’opinion, face à laquelle les minorités politiques (représentées par les intellectuels libéraux), ethniques et religieuses n’ont qu’une faible marge de manœuvre.

Toutefois, la clé de cette stabilisation autoritaire se trouve également dans l’issue de la crise économique de 1998. Dès 1999, la Russie renoue avec une croissance positive, après une décennie de croissance négative allant jusqu’à 15 %[33]. L’accroissement du niveau de revenu et la capacité relative de l’État à mieux faire face à la demande sociale permettent de consolider le statu quo politique et ce, bien qu’une analyse économique plus précise nous révèle qu’il s’agit d’une résurgence en trompe l’œil : l’essentiel des ressources publiques réside désormais non plus dans l’industrie lourde mais dans les revenus de la rente minière et énergétique, transformant l’État russe en État rentier[34].

L’État rentier peut être considéré comme un facteur de stabilisation autoritaire, lorsque les ressources exploitées sont sous le contrôle de l’État. À ce titre, la position de l’État est celle de redistributeur de rente. Les classes moyennes ascendantes seraient alors les bénéficiaires de la rente, ce qui accroîtrait leur dépendance vis-à-vis de l’État. Les sociologues de l’État rentier ont mis en évidence ce phénomène de dépendance qui explique la stabilité des systèmes autoritaires dans les pays du golfe Arabo-Persique[35].

La « production » de l’idéologie nationaliste : la Russie comme « citadelle assiégée »

Toutefois, il serait excessif de parler d’une « demande d’État autoritaire » dans la mesure où, selon une thèse divergente, la demande d’autoritarisme est également autoentretenue par le pouvoir politique. Ce dernier met en avant un certain nombre de thématiques convergentes, dont l’idée de rupture avec le passé eltsinien libéral, corrompu et déconstructeur de l’unité russe, et la perception de la Russie comme d’une « citadelle assiégée » aussi bien par les puissances occidentales que par les acteurs politiques internes représentés par les oppositions libérales et les dynamiques ethniques séparatistes. Cette idée peut se résumer par les propos suivants de Marie Mendras :

En créant des sujets polémiques, en engageant des batailles contre un oligarque, contre la petite nation géorgienne, contre l’« impérialisme américain », le régime poutinien a développé une image de l’ennemi. En intensifiant le climat de menace et de méfiance, il a pu faire accepter le recul des libertés dans une société traumatisée par les ruptures et profondément conservatrice[36].

La capacité de l’appareil d’État à produire la demande d’autorité à développer les tendances et réflexes nationalistes est vérifiée par des sondages effectués en juin 2007 par le Levada Center. Ces derniers révèlent que 81 % des Russes considèrent qu’il y a suffisamment de libertés en Russie alors pour 24 % d’entre eux il y en a trop[37].

Elle est également vérifiée par la dynamique des partis minoritaires de gauche, partenaires du pouvoir. L’alternative au parti communiste, destinée à en détourner une partie de l’électorat, est représentée par le parti Rodina [Patrie] qui occupe la troisième place à la Douma de 2003 et dont l’idéologie est une synthèse d’idées sociales de gauche et d’idées nationalistes radicales. Fondée par Babourine, Rogozine et Glaziev, Rodina développe davantage les slogans nationalistes, parfois xénophobes, et ne s’oppose pas au glissement autoritaire du pouvoir[38].

La Russie a-t-elle connu une transition démocratique ?

Toutefois, il est une hypothèse que l’on ne peut écarter, celle selon laquelle on a assisté, au cours des années 1990, à une transition politique de surface qui n’a pas affecté le comportement politique de la société russe. Les recherches dirigées par Archie Brown ont au contraire montré que la Russie a davantage connu des réformes au sommet dont l’impact sur la base sociale est demeuré marginal[39]. Plusieurs phénomènes sont mis en évidence :

  • les réformes politiques qui concentrent les pouvoirs et l’initiative au sommet de l’État ; ce phénomène est déjà ancré dans la constitution de 1993 qui attribue au président Eltsine d’importantes prérogatives, limite les pouvoirs des « sujets » de la Fédération au profit de l’État fédéral et annonce une « hyper-présidentialisation » de la scène politique[40] ;
  • le faible enracinement des partis politiques naissants, ce qui explique leur volatilité d’une élection législative à la suivante. Les coalitions se font et se défont à Moscou, sans bénéficier d’une base sociale importante. Seul le PCFR aurait échappé à ce phénomène en mettant à profit les multiples organisations relais héritées de l’ère soviétique et capables de pallier les insuffisances de l’action étatique[41] ;
  • la confiscation des leviers du pouvoir économique, puis politique, par une nouvelle classe dominante, née de la mainmise sur les entreprises et le commerce privatisés. Certaines hypothèses vont même jusqu’à faire de l’alliance du président Eltsine avec la nouvelle « oligarchie financière » une clé de sa réélection[42] ;
  • la distribution anarchique du pouvoir de coercition, lorsque les gouverneurs de régions et exécutifs des républiques fédérées exerçaient leur pouvoir de coercition parallèlement à celui de l’État fédéral.

Tous ces facteurs nous permettent d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’ère Poutine ne représenterait pas une véritable transition d’une démocratie libérale à un système autoritaire, mais une réorganisation, voire une mise en ordre de marche d’un pouvoir oligarchique né avec la « thérapie de choc ». À ce titre, il est difficile de faire le procès du régime politique russe à partir d’une seule liste statique d’exigences. Seule une analyse de la dynamique politique de la Russie post-soviétique permet de mieux comprendre ce qui apparaît comme paradoxal.

À quoi sert la pression normative du Conseil de l’Europe ?

Toutefois, la transition autoritaire se présente sous la forme de la modernisation politique, avec deux leitmotiv apparents : la lutte contre l’oligarchie financière et la mise en place d’un État fort. Cette thèse est contestée par des analyses critiques selon lesquelles le système russe s’orienterait vers un clientélisme organisé : l’oligarchie financière serait ordonnée autour d’un système autocratique[43]. Il reste que la production du discours permet de légitimer l’évolution du régime politique dans son interaction avec les critiques formulées par les divers acteurs du Conseil de l’Europe. De plus, nombre de mesures symboliques accompagnant le discours sur la modernisation politique témoignent de l’influence normative qu’exercent les critères de démocratie libérale : on peut citer, à ce propos, l’ouverture des élections aux observateurs européens, le renoncement à amender la constitution pour préparer un troisième mandat présidentiel, la réforme des procédures pénale et civile, la loi de 2004 contre la discrimination raciale à l’embauche[44], le rapport produit en 2005 à l’adresse du Conseil de l’Europe pour justifier du respect des identités culturelles et nationales, le moratoire puis l’invalidation de la peine de mort, enfin la révision à la baisse des mesures d’exception dans la loi antiterroriste votée en première lecture en 2004, suite à la prise d’otages de Beslan.

Le dossier tchétchène : de l’intransigeance russe au leurre du nouveau statut

Il reste que le sujet sur lequel les autorités russes ne font aucune concession est celui du conflit tchétchène. La seconde guerre de Tchétchénie est marquée par une volonté éradicatrice de la part du Kremlin. L’armée russe parvient à ses fins par le biais de la destruction systématique de l’espace urbain tchétchène (la dévastation de Grozny), le déplacement massif des populations civiles (plus de deux cent mille déplacés) et leur retour sous condition, la consolidation de milices locales qui instaurent un régime de terreur[45].

Les résolutions de l’Assemblée parlementaire les plus nombreuses et les plus lourdes de conséquences portent sur la crise tchétchène. À leur tour, les arrêts les plus significatifs de la Cour européenne des droits de l’homme portent sur ce théâtre : arrêt Khachiev vs Russie et arrêt Akaïeva vs Russie[46].

Sur cette question, la Russie se livre à une ruse institutionnelle : en attribuant l’autonomie élargie au pouvoir vassal des Kadyrov, la population tchétchène est livrée à la terreur exercée par les milices loyalistes, tout en bénéficiant des effets économiques de la « reconstruction ». Les autorités russes peuvent, maintenant, mettre les pratiques et exactions en Tchétchénie sur le compte du nouveau pouvoir autonome.

Face à cette transition, que font les parlementaires et experts du Conseil de l’Europe ? Ils procèdent à une analyse détaillée de la nouvelle constitution tchétchène mise en place en 2003, examinent les failles, les rapports de pouvoirs, les garanties octroyées, mais s’intéressent de moins en moins à la genèse du nouveau pouvoir et à la réalité des rapports de force politiques.

La question tchétchène pourra-t-elle toujours être le nœud de la relation Russie / Conseil de l’Europe ? Le théâtre tchétchène, aujourd’hui stabilisé par l’autonomie accordée au pouvoir des Kadyrov, permet actuellement aux autorités russes de se défausser sur ce dernier et sur ses propres milices. Mais on peut considérer qu’il est par définition distinct du domaine des réformes et transformations institutionnelles à Moscou. Certaines démocraties occidentales ont elles-mêmes connu ce contraste entre un espace public (métropolitain ou central) où sont respectés les droits fondamentaux et un espace (périphérique ou d’outre-mer) de non-droit soumis à l’arbitraire du pouvoir exécutif[47]. Aussi paradoxal que celui-ci puisse être, le processus évolutif des démocraties s’est souvent accompagné de processus d’exclusion de catégories de la société (ethniques, raciales, religieuses ou de genre) du champ des droits politiques fondamentaux.

Réactivité et capacité à communiquer sur les dossiers internes

Face aux critiques formulées au sein du Conseil de l’Europe, les interlocuteurs russes tentent d’intérioriser et de retourner les concepts et arguments utilisés par les démocraties libérales européennes. À titre d’exemple, Vladimir Poutine n’épargne pas les comparaisons avec les États occidentaux ayant connu des contraintes et menaces similaires : la législation russe antiterroriste est présentée comme étant moins contraignante que celle dont se sont dotés les grands pays européens, dont la Grande-Bretagne, et les États-Unis. Sans entrer dans le détail d’une critique du Patriot Act ou des lois antiterroristes de 2005 en Grande-Bretagne, les parlementaires russes soutiennent la comparaison et relativisent.

De même, les autorités russes parviennent à laisser aux commissions d’observation de l’Assemblée parlementaire l’image d’élections honnêtes dans leur processus de déroulement, même si des analyses plus fines constatent la pratique de réduction des listes électorales afin d’assurer la réalisation du quorum pour l’élection présidentielle. C’est la préparation en amont qui est vivement déplorée par les experts du Conseil de l’Europe : le monopole du clan présidentiel sur les médias et l’administration, ainsi que les conditions restrictives imposées aux partis politiques d’opposition[48].

Le pouvoir exécutif ne se contente pas de répondre, d’argumenter, de relativiser en maniant la comparaison avec les démocraties libérales européennes. Il donne des signes d’ouverture, là où la réforme en profondeur est encore impossible. Face aux nombreuses critiques qui ont déploré l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire, des avancées symboliques sont fortement médiatisées, d’autres plus timorées témoignent de la vulnérabilité aux pressions normatives. Nous pouvons citer deux avancées :

  • la décision de novembre 2009 de la Cour constitutionnelle qui considère la peine de mort comme contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique russe et fait référence à la CEDH pour l’interdire ;
  • la ratification, en janvier 2010, du protocole 14 en annexe à la CEDH, et qui prévoit la simplification de la procédure de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ce protocole ne pouvait entrer en vigueur sans être ratifié par l’ensemble des États membres.

Ces réponses inscrites dans l’ordre juridique russe témoignent-elles de la perméabilité du pouvoir exécutif aux cadres normatifs européens en l’absence de mesures contraignantes mises en œuvre par le Conseil de l’Europe ? Reflètent-elles du moins l’existence d’un soft power exercé par les cadres idéologiques et juridiques de l’Europe « libérale » ? Cette perméabilité semble s’exprimer à travers les rivalités politiques au sein du parti au pouvoir. Du moins, nombre d’analyses semblent mettre en évidence la divergence entre le discours sécuritaire de Vladimir Poutine et le revirement « libéral » de Dimitri Medvedev dont l’on retient notamment la critique des conditions de détention, la stigmatisation du déficit démocratique[49], le refus d’une réhabilitation du passé stalinien et le veto opposé à une loi restreignant la liberté de manifester. Or, quelles que soient les spéculations journalistiques au sujet d’une rivalité Poutine/Medvedev pour l’échéance présidentielle de 2012, on ne peut réduire la résurgence du discours de type « libéral » à une seule rivalité de personnes. Celle-ci ne peut que faire écho aux débats qu’a réussi à introduire la participation de la Russie aux activités du Conseil de l’Europe. Cela donne-t-il pour autant raison à ceux qui ont fondé l’admission de la candidature russe à la promesse d’une transition réussie vers la démocratie ?

C’est dire que l’enjeu de l’expansion des « valeurs de la démocratie » en Russie ne peut donc se réduire à la question de savoir si elles sont étrangères ou non à la culture russe. Ce discours particulariste binaire, qui a également existé dans les pays en développement, masque, dans les faits, un rapport complexe entre un système de valeurs et d’exigences transposables et convertibles dans des systèmes politiques « non occidentaux », d’une part, et un processus de transition post-communiste d’une grande complexité qu’a connu la Russie, d’autre part. Si les acteurs politiques russes ne se contentent pas d’une approche de type confrontationnelle avec les exigences du Conseil de l’Europe, cela signifie qu’il n’existe pas de consensus de type « civilisationnel » à rejeter le cadre normatif qu’il a élaboré. La question réside simplement dans le fait qu’une approche strictement « légale » ou juridicisante de la transition russe vers la démocratie est lacunaire et défaillante, et qu’une analyse sociopolitique du processus de transition à la démocratie libérale et de ses effets pervers permet seule de comprendre la voie que peut emprunter une transition politique spécifique qui, à la différence des PECO, n’a pas admis la tutelle des institutions européennes et le dictat des livres blancs.


[1] Cette opposition binaire est simplificatrice dans la mesure où les sociaux-démocrates, pourtant alliés aux mécanismes de ladite démocratie libérale, se revendiquent également des références théoriques au marxisme. Il reste qu’en 1949, nous voyons apparaître deux définitions symétriquement opposées de la démocratie : l’une qui en fait l’équivalent du pluralisme et de l’État de droit, et l’autre qui met l’accent sur le pouvoir ouvrier-paysan. L’approche marxiste telle que transfigurée par la IIIe Internationale de l’époque revendique cette dernière définition plus proche du sens littéral de la « démocratie » entendue comme le pouvoir des classes exploitées.

[2] La Finlande, bien que n’étant pas membre du bloc soviétique, était liée à l’Union soviétique par un traité d’amitié et s’abstenait de toute adhésion aux organisations excluant les pays « communistes » ou dotées d’une dynamique d’opposition à ces derniers.

[3] Voir La Cour européenne des droits de l’homme en faits et chiffres (1998-2008), Cour européenne des droits de l’homme, 2009, www.echr.coe.int.

[4] Deux conditions sont souvent énumérées : le caractère européen de l’État et le respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, ce qui a fait débat au sujet de l’admission des États du Sud-Caucase au Conseil de l’Europe.

[5] Alexandre-Charles Kiss, « L'admission des États comme membres du Conseil de l’Europe », Annuaire français de droit international, vol. 9, 1963, p. 695-708.

[6] Fréderic Sudre, La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, Paris, PUF, 2008.

[7] La Charte européenne de l’autonomie locale, conclue en octobre 1985, est entrée en vigueur le 1er septembre 1988. En vertu de ses dispositions, les États qui l’ont ratifiée doivent reconnaître constitutionnellement le principe de l’autonomie administrative et financière des collectivités locales, mettre en œuvre les dispositions législatives propres à garantir cette autonomie et à limiter le contrôle administratif de l’État central.

[8] Jean-François Flauss, « Les conditions d’admission des pays d’Europe centrale et orientale au sein du Conseil de l’Europe », European Journal of International Law, n° 5, 1994, p. 401-422.

[9] La note fortement dissonante est représentée par les événements de septembre-octobre 1993, lorsque le président Eltsine ordonne de donner l’assaut au Congrès des députés et le dissout, afin de faire adopter la nouvelle constitution à l’issue d’un référendum.

[10] Ci-contre un extrait du discours sceptique de M. Gricius pour la délégation lituanienne qui a pourtant donné un accord réservé à la décision d’admettre la Russie : « Malheureusement, l’approche adoptée par la Russie pour tenter de régler le délicat problème posé par les récents événements en Tchétchénie nous donne à penser que la Russie n’est pas encore prête à adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme, dont les dispositions sont contraignantes pour tous les pays membres du Conseil de l’Europe. La situation des droits de l’homme telle qu’elle a été présentée au cours de ce débat rend notre décision encore plus délicate à prendre. Je dois dire qu’en tant que délégué lituanien, ce point me pose un problème particulier, notamment parce que l’histoire de mon pays a été très intimement mêlée à celle de la Russie. Ces cinquante dernières années, nous avons vécu sous un régime totalitaire où les apparatchiks – pas le peuple russe, bien sûr – jouaient le rôle de “Big Brother”. » (Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 25 janvier 1996.)

[11] La présente recommandation ne s’attarde pas sur une description détaillée de la guerre de Tchétchénie. Pour davantage d’informations sur les effets humanitaires de cette dernière, voir Tchétchénie, crimes contre l’humanité, un an de crimes impunis, Paris, Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, octobre 2000.

[12] « L’Assemblée rappelle que la Fédération de Russie a violé et continue de violer certaines de ses obligations les plus importantes, aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment l’article 2 (droit à la vie), et du droit humanitaire international ainsi que les engagements qu’elle a souscrits en adhérant au Conseil de l’Europe. En particulier, l’Assemblée déplore les actes suivants commis par des troupes de la Fédération de Russie en République tchétchène : la destruction totale et gratuite de la ville de Grozny, l’exemple le plus frappant d’une action militaire aveugle et disproportionnée qui a coûté la vie à des centaines, voire des milliers, de civils ; la poursuite des attaques contre la population civile, allant du recours aux bombardements aériens et à d’autres armes lourdes dans des zones à forte densité de population jusqu’à la perpétration de crimes de guerre, y compris des meurtres et des viols de civils, par les troupes fédérales ; les viols – arme de guerre cruelle – commis sur des femmes et des jeunes filles tchétchènes ; l’arrestation et la détention arbitraires dont feraient l’objet des non-combattants et les mauvais traitements qui leur seraient ensuite infligés pendant leur détention ; la poursuite de l’utilisation de jeunes conscrits dans la campagne militaire en République tchétchène. » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, recommandation 1456, 2000, http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta00/FREC1456.htm.)

[13] Le retrait grec fait suite au coup d’État du colonel Papadopoulos, tout comme la suspension de la Turquie fait suite à celui du général Evrin. L’initiative revient, dans ces cas, aux pays les moins engagés dans la guerre froide, notamment à la Suède, alors que les pays membres de l’OTAN sont avant tout soucieux du soutien de ces deux pays face au bloc soviétique (Jean-Louis Burban, Le Conseil de l’Europe, Paris, PUF, 1996).

[14] Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard. American Primacy and its Geostrategic Imperatives, New York, Basic Books, 1997.

[15] Selon les chiffres de 2005, des pays comme la Grèce, la Bulgarie, la Finlande, la République tchèque et la Slovaquie dépendent à plus de 80 % de l’importation du gaz naturel en provenance de la Russie. Voir US Department of Energy, Energy Information Administration, Country analysis brief: Russia, avril 2007, table 4, p. 10.

[16] À ce titre, il suffit de rapporter les propos d’un parlementaire polonais (M. Wojcik) lors de la séance de l’Assemblée du 6 avril 2000 : « Il faut retirer son droit de vote à la délégation russe et demander au Comité des ministres de suspendre l’appartenance de la Fédération au Conseil de l’Europe. Les délégués reprochent à leurs gouvernements de ne pas saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Mais que font-ils, quant à eux ? Ce sont parfois les mêmes qui recommandent la modération vis-à-vis de la Russie et qui réclament des sanctions contre l’Ukraine, alors que personne n’a encore été ni violé ni tué en Ukraine ! Ils se donnent ainsi bonne conscience. Combien faudra-t-il encore de meurtres et de viols avant que l’on ne prenne au sérieux les droits de l’homme ? »

[17] Michèle Henry, Tchétchénie, la réaction du Conseil de l’Europe face à la Russie, Paris, L’Harmattan, 2004.

[18] Le rapport de 2009 insiste davantage sur la place relative des arrêts prononcés à l’encontre de la Russie qui, avec 219 arrêts, occupe la seconde place après la Turquie.

[19La Cour européenne des droits de l’homme en faits et chiffres (1998-2008), op. cit.

[20] Voir Marie Mendras, Russie, l’envers du pouvoir, Paris, Odile Jacob, 2008. Dans son analyse du processus de centralisation, l’auteure montre qu’il est approuvé par les exécutifs régionaux, dont les dirigeants s’alignent sur la politique présidentielle et rallient essentiellement le parti Russie unie afin d’assurer leur propre reconduction.

[21] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission pour le respect des engagements des États membres du Conseil de l’Europe, Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie, document 10568, http://assembly.coe.int.

[22] Amnesty International, Droits humains en Russie, Paris, Éditions Autrement, 2010. Le rapport cité évoque le cas de Stanislav Dimitrievski, président de l’Association d’amitié russo-tchétchène, condamné à la prison en vertu de cette loi.

[23] Nadine Marie-Schwartzenberg, « Le procès équitable dans l’espace normatif russe », Politique internationale, n° 95, 2002, p. 297-313. La situation antérieure ne prévoyait que deux niveaux : la première instance et la cassation, le statut de celle-ci demeurant confus car le juge de cassation s’érigeait parfois en juge du fond.

[24] Anne Gazier, « Les citoyens et la justice en Russie : du divorce à la réconciliation », dans Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie, Désordres, Paris, PUF, 1997, p. 254-264.

[25] Marie Mendras, Russie, l’envers du pouvoir, op. cit., chap. 5, p. 209.

[26] Jean-Pierre Massias, « La Russie et le Conseil de l’Europe : dix ans pour rien ? », Russie.Nei.Visions, n° 15, janvier 2007, Institut français des relations internationales, www.ifri.org.

[27] Voir Pierre et Marie Lavigne, Regards sur la constitution soviétique, Paris, Économica, 1979.

[28] Voir Ghassan Salamé (dir.), Démocraties sans démocrates. Les expériences d’ouverture dans les mondes arabe et musulman, Paris, Fayard, 1994.

[29] Denis Paillard, « Les nationalistes, les communistes et le phénomène patriotique », dans Véronique Garros (dir.), Russie post-soviétique : la fatigue de l’histoire, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995, p. 135.

[30] Naomi Klein, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism, New-York, Penguin Books, 2007.

[31] Le texte constitutionnel attribue les prérogatives stratégiques telles que la sécurité et la justice au pouvoir fédéral, et cela est perçu par certaines analyses comme une précaution de la présidence Eltsine afin d’éviter les frondes de pouvoirs locaux dissidents. Voir Jean Radvanyi, « La fronde des régions dans la Fédération de Russie », dans Véronique Garros (dir.), Russie post-soviétique : la fatigue de l’histoire, op. cit., p. 105.

[32] Jean-Pierre Raviot, « Le triomphe de l’ordre établi », Courrier des pays de l’Est, n° 1004, 2000, p. 4-27.

[33] La Russie retrouve, en 2008, le PIB de 1990, avec un taux de croissance moyen de 7 % sur la décennie. Voir Sophie Boutiller, Irina Peaucelle et Dimitri Uzinidis, L’Économie russe depuis 1990, Bruxelles, De Boeck, 2010.

[34] Voir Jean Radvanyi, La Nouvelle Russie, Paris, Armand Colin, 2004.

[35] Voir Khaldûn Hasan Al Naqîb, Al-Dawla al-Tasallutiyya fi al-Mashriq al-‘Arabi al-Mu’âsir [L’État autoritaire dans le Machrek arabe contemporain], Beyrouth, Center for Arab Unity Studies, 1989.

[36] Marie Mendras, Russie, l’envers du pouvoir, op. cit., chap. 6, p. 219.

[37] Voir Levada Center, www.levada.ru.

[38] Relatons les propos de Marlène Laruelle à ce sujet : « L’objectif est donc d’imposer une suprématie ethnique, linguistique et religieuse russo-orthodoxe à l’ensemble de la Fédération, ressentie comme trop multinationale et laïque. À ce titre, Rodina se refuse à une immigration massive de travailleurs non russes venus d’ex-URSS ou de l’étranger et souhaite des mesures réduisant leur accès au marché du travail : les peuples du Caucase ou d’Asie centrale (sans même parler de la sinophobie régnante) sont accusés de voler le travail des Russes et de contribuer au développement des réseaux mafieux et de la criminalité dans le pays. » (Marlène Laruelle, « Rodina, les mouvances nationalistes russes du loyalisme à l’opposition », www.ceri-sciencespo.fr, mai 2006.)

[39] Voir Archie Brown, Contemporary Russian Politics, Oxford, Oxford University Press, 2001.

[40] Voir Georges Breslauer, « Eltsine as a Patriarch », dans Archie Brown, Contemporary Russian Politics, op. cit.

[41] Ivan Kurilla, « Civil Society without the NGOs: The Communist Party as a Civil Society Substitute », Demokratizatsaia, juin 2002, p. 392-400.

[42] Voir Alena Ledeneva, Russia’s Economy of Favours: Bat, Networking and Informal Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.

[43] Il s’agit des thèses de Marie Mendras et d’Anna Politkovskaia. Voir : Marie Mendras, Russie, l’envers du pouvoir, op. cit. ; Anna Politkovskaia, La Russie selon Poutine, traduction de Valérie Dariot, Paris, Buchet-Chastel, 2005.

[44] Cette loi apparaît comme une réponse à un phénomène courant de discrimination à l’encontre des populations d’origine caucasienne. De plus, le Rapport 2008 d’Amnesty International dénonce la récurrence de crimes racistes impunis et l’attitude répressive du pouvoir à l’égard des associations de lutte contre le racisme. D’autres sujets liés à la discrimination à l’encontre des minorités sont l’objet de préoccupation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

[45] Isabelle Astigarraga, Tchétchénie, un peuple sacrifié, Paris, L’Harmattan, 2000.

[46] Les condamnations portent essentiellement sur la disparition de civils en Tchétchénie, ainsi que sur les opérations de l’armée russe à l’encontre des populations civiles.

[47] On peut se référer aux exactions de l’armée française dans les départements d’Algérie, entre 1945 et 1962, les chiffres s’élevant à un peu moins d’un million et demi de victimes ; dans une moindre mesure, à celles de la Grande-Bretagne en Irlande du Nord ; au processus d’asservissement puis d’exclusion des Noirs et d’extermination des populations autochtones aux États-Unis ; etc. Voir : Mohamed Harbi et Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie (1954-2004) : la fin de l’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004 ; Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, 2001.

[48] Mikhail Sokolov, « Le vote confisqué en Russie : étude des élections régionales de 2007 », Les Cahiers de la Russie, n° 5, 2007, p. 2-45.

[49] Référence à un entretien accordé à Novaïa Gazeta le 15 avril 2009. 

 

Pour citer cet article

Fouad Nohra. «Le système politique russe face aux exigences du Conseil de l’Europe». In : Maryline Dupont-Dobrzynski et Garik Galstyan (dir.) Les influences du modèles de gouvernance de l’Union européenne sur les PECO et la CEI. Lyon : ENS de Lyon, mis en ligne le 15 juillet 2011. URL : http://institut-est-ouest.ens-lyon.fr/spip.php?article350