Antoine NIVIÈRE
Université Nancy 2, CERCLE - EA 4372
Mots-clés : Églises russes en Europe, statut juridique, Patriarcat de Moscou.
Texte intégral
Ces dernières années, la presse spécialisée, mais aussi grand public, tant en France qu’en Russie et au-delà de ces deux pays, s’est largement fait l’écho de plusieurs affaires judiciaires et politico-diplomatiques concernant la propriété des églises orthodoxes russes à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) et à Nice (Alpes-Maritimes) ainsi que la construction d’une nouvelle cathédrale orthodoxe russe à Paris. À Biarritz, en décembre 2005, le Patriarcat de Moscou a essayé, en vain, de prendre le contrôle de l’association cultuelle orthodoxe locale et, par ce biais, de son église qui relève de la juridiction de l’Archevêché russe en Europe occidentale du Patriarcat de Constantinople. L’affaire est aujourd’hui définitivement close sur le plan judiciaire[1]. À Nice, l’État russe a engagé, en février 2006, une procédure pour se faire reconnaître le titre de propriété sur la cathédrale Saint-Nicolas, la plus grande église orthodoxe russe en dehors de la Russie (à l’exception des abbatiales des monastères russes du mont Athos). Depuis 1923, cette église se trouve gérée par une association cultuelle orthodoxe locale qui, elle aussi, relève aujourd’hui de la juridiction du Patriarcat de Constantinople et se considère comme propriétaire de l’édifice. Le 19 janvier 2010, le TGI de Nice a décidé d’en attribuer la propriété à la Fédération de Russie, en estimant qu’elle était le successeur et continuateur de l’URSS et, par là, de l’Empire russe. L’association a fait appel, l’affaire suit son cours[2]. Toujours en janvier 2010, le gouvernement français a fait savoir qu’il avait choisi de vendre à l’État russe le terrain de l’ancien siège de Météo France, en plein cœur de la capitale, quai Branly, pour qu’y soit édifiée au profit du Patriarcat de Moscou une nouvelle cathédrale russe à Paris, l’ancienne, bâtie en 1861, relevant aujourd’hui, là encore, de l’obédience de Constantinople[3]. D’autres contestations de titres de propriétés ont été également engagées, dans les années 1990 - début des années 2000, cette fois en Allemagne et en Italie, toujours autour d’édifices cultuels orthodoxes russes édifiés, dans ces pays comme en France, avant la Révolution de 1917. Là, les différends opposaient le Patriarcat de Moscou et l’Église russe hors-frontières, une entité ecclésiale qui avait rompu avec le Patriarcat de Moscou au milieu des années 1920 et se présentait comme « la partie libre » de l’Église russe. Ces conflits juridiques ont toutefois été apaisés, sans pour autant entièrement disparaître, à la suite de l’acte de réunification signée, en mai 2007, à Moscou, entre les primats des deux Églises en présence du président russe, à l’époque Vladimir Poutine, en personne[4].
Tous ces événements ont donné lieu, durant la décennie écoulée, à une abondante polémique dans la presse et sur Internet, à un regain de tension entre les Patriarcats de Moscou et de Constantinople, à des conflits assez violents au sein des milieux émigrés russes et des communautés orthodoxes de France et d’Europe occidentale, à une cristallisation des esprits autour de la question de la sincérité ou non du revirement du pouvoir en Russie en matière de politique religieuse et du respect ou non de la séparation entre l’Église et l’État dans ce pays[5]. Mais surtout, ces affaires ecclésiastico-politico-judiciaires ont rappelé au grand public l’existence de ces édifices cultuels orthodoxes russes qui, pour la plupart, ont aujourd’hui une histoire plus que centenaire et s’inscrivent dans le paysage cultuel et culturel des différentes villes d’Europe centrale et occidentale où ces églises ont été bâties. Dans ces conditions, il nous a paru intéressant d’essayer de retracer la situation de ces lieux de culte, tant sur le plan canonique qu’administratif et juridique, telle qu’elle existait avant la révolution russe. D’autant plus que les dirigeants du Patriarcat de Moscou n’ont pas manqué de justifier leur volonté de récupérer ces édifices en ce référent à cet état antérieur[6].
Le Patriarcat de Moscou entend en effet « rétablir l’équité historique dans le but de rendre à la mère patrie ses trésors architecturaux et artistiques, construits par des artistes russes et avec l’argent du peuple », déclarait notamment lors d’un colloque organisé en avril 2001, à Moscou, sur le thème « Religion et diplomatie », celui qui était à l’époque le président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite de Smolensk Kirill (Gundjaev), devenu depuis patriarche. Soulignant que le Patriarcat de Moscou « agit aujourd’hui en étroite collaboration » avec le ministère russe des Affaires étrangères pour récupérer les églises à l’étranger, il mentionnait explicitement celles de Nice, Paris, Biarritz, Cannes, Florence, San Remo, et affirmait que « si une église orthodoxe à l’étranger appartenait à l’Église russe, et si cela est juridiquement prouvé, elle doit redevenir la propriété de notre Église. Si elle figurait autrefois sur les registres des propriétés de l’État, elle doit revenir à l’État[7] ».
Réalisé dans le cadre de l’axe de recherche « Religion et Nation » de l’Institut Est-Ouest auprès de l’ENS de Lyon, notre présent travail s’inscrit dans la mise en valeur des fonds slaves de l’ancien Centre Saint-Georges des Jésuites de Meudon, aujourd’hui conservés à la bibliothèque de l’ENS de Lyon, et plus particulièrement de l’exploitation de la série des Izvlečenija iz vsepoddanejšego otčeta ober-prokurora svjatejšego sinoda po vedomstvu pravoslavnogo ispovedanija [Extraits du rapport très dévoué du haut procureur du saint-synode concernant le département de la Confession orthodoxe] devenue, à partir de 1884, Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora svjatejšego sinoda po vedomstvu pravoslavnogo ispovedanija [Rapport très dévoué du haut procureur du saint-synode concernant le département de la Confession orthodoxe] (désormais Izvlečenija… ou Otčet…)[8].
À défaut d’être complète, la collection de la bibliothèque de Lyon offre cinquante-deux volumes, sur les soixante-cinq publiés au total entre 1836 et 1914, et constitue donc une base de documentation tout à fait exceptionnelle. Nous avions présenté lors de la première journée d’étude de l’axe de recherche « Religion et Nation » de l’Institut Est-Ouest auprès de l’ENS de Lyon, en juin 2009, une communication qui portait sur « Les rapports du haut procureur du saint-synode comme sources pour l’histoire religieuse et sociale de la Russie impériale[9] ». Pour cette 2e journée d’étude, nous nous proposons d’étudier, dans une approche historique, la situation juridique et administrative des églises orthodoxes russes à l’étranger, en nous basant sur les renseignements fournis à leur sujet dans les rapports du haut procureur du saint-synode.
Nous compléterons ces informations par une autre source importante, l’almanach publié sous le titre Bratskij ežegodnik par la Fraternité Saint-prince-Vladimir [Svjato-knjaz’-Vladimirskoe Bratstvo] qu’avait fondée, à Berlin, l’archiprêtre Aleksij Mal’cev, aumônier de l’ambassade de Russie auprès de la Cour impériale allemande. Le père Aleksij Mal’cev (1854-1915) était une personnalité remarquable, administrateur de talent, théologien, écrivain, éditeur, traducteur. On lui doit notamment la traduction en langue allemande des livres liturgiques orthodoxes, mais il publiait aussi une importante revue théologique et religieuse, Cerkovnaja Pravda, et surtout, il avait fondé cette Fraternité Saint-prince Vladimir, une association éducative et caritative dont le siège était auprès de l’église du cimetière russe de Tegel et qui, à son initiative, a construit et géré plusieurs églises orthodoxes dans différentes régions d’Allemagne[10]. En fait d’almanach annuel (ežegodnik), nous ne connaissons que deux éditions de l’ouvrage en question, d’ailleurs assez différentes l’une de l’autre, la première imprimée à Saint-Pétersbourg (le lieu d’édition indiqué sur la page de couverture est Petrograd) en 1906, et la deuxième (avec un titre légèrement différent), toujours à Saint-Pétersbourg, en 1911[11]. La première édition est particulièrement intéressante et précieuse, car elle comprend un descriptif historique de toutes les églises orthodoxes russes construites ou en cours de construction en dehors des frontières de l’Empire russe, à la date de sa parution (1906). La seconde édition, celle de 1911, est moins complète : elle reprend et complète la présentation historique des églises russes uniquement dans les empires d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, et se limite pour le reste à une liste exhaustive, mais non détaillée, des églises et de leur clergé dans les autres pays. Malheureusement, c’est seulement un exemplaire de cette 2e édition qui est disponible dans les fonds slaves de la bibliothèque de l’ENS de Lyon. Toutefois, nous avons pu consulter un exemplaire de la 1re édition qui est conservé dans le fonds de documentation du bulletin d’information SOP (Service orthodoxe de presse), à Paris.
Limites chronologiques et géographiques
Notre propos se limitera aux églises orthodoxes russes en Europe centrale et occidentale. La présence plus ou moins permanente de lieux de culte de l’Église orthodoxe russe en Europe commence avec l’établissement de liens fixes entre la cour de Russie et les grandes puissances occidentales. Si l’on fait exception de Stockholm, où les marchands russes établirent une église dès le début du xviie siècle, c’est au cours du xviiie siècle que des chapelles orthodoxes russes s’ouvrent dans les grandes capitales européennes, Berlin (1718), Londres (1721), Paris (1727), Vienne (1762)[12]. Les aumôniers ne sont pas présents en permanence, les chapelles ouvertes dans des appartements privés changent souvent d’adresse (tout comme les sièges des ambassades), les fréquents conflits militaires suspendent toute forme de représentations diplomatiques et religieuses pendant parfois plusieurs décennies d’affilée. La situation se stabilise après le traité de Vienne, les relations diplomatiques s’organisent de manière plus structurée et plus pérenne, les voyages à titre professionnel ou privé deviennent de plus en plus fréquents et se démocratisent dans le courant du xixe siècle, y compris pour les sujets du tsar, surtout après 1861. Des colonies russes se forment dans les grandes villes européennes, mais aussi dans des sites de villégiatures où les Russes aisés viennent se soigner ou prendre les eaux, en particulier en Allemagne, en France, en Italie et en Bohême. Cet accroissement quantitatif de la présence russe en Europe – qu’il ne faut toutefois pas surestimer, il ne s’agit que de quelques milliers de personnes – a pour conséquence, sur le plan religieux, la multiplication des lieux de culte orthodoxe à travers l’Europe durant la 2e moitié du xixe siècle et le début du xxe siècle, rendue d’autant plus visible qu’elle s’accompagne de la construction d’édifices cultuels qui reproduisent fidèlement l’aspect des églises russes traditionnelles avec coupoles, clochers en forme de pyramide octogonale (šatjor) et bulbes dorés. De ce fait, le paysage architectural de bien des pays de l’Europe occidentale s’est trouvé enrichi par une série d’édifices religieux qui aujourd’hui sont inscrits au patrimoine national de ces pays en tant que monuments historiques. C’est le cas, par exemple, en France, de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky (1861), à Paris, et de la cathédrale Saint-Nicolas (1912), à Nice, qui sont toutes les deux inscrites à l’Inventaire des monuments historiques.
Il ne s’agit pas pour nous ici de donner un aperçu historique exhaustif de ces églises russes construites en Europe entre 1850 et 1914, ni sur le plan architectural et artistique, ni sur le plan de la vie ecclésiale et socioculturelle des communautés religieuses qu’elles abritaient. De nombreux articles, brochures et livres ont été consacrés à la plupart d’entre elles et abordent largement ces aspects[13]. Nous nous limiterons à mettre en lumière le statut, souvent fluctuant et complexe, qu’ont eu ces églises dans la période qui nous intéresse, en essayant dans un premier temps de dégager quelques points forts qui permettraient d’établir une catégorisation systématique d’ordre général, et dans un deuxième en nous arrêtant plus particulièrement sur le cas de la cathédrale Saint-Nicolas-le-Thaumaturge, à Nice, qui aujourd’hui retient l’attention du public et des médias.
Statut général et classification des églises russes à l’étranger
Le statut officiel des églises à l’étranger avait été défini par un arrêté du Conseil d’État daté du 1er mai 1867 :
Les églises orthodoxes établies auprès de certaines ambassades, missions et consulats ainsi qu’auprès des palais des membres de la famille impériale à l’étranger relèvent de la gestion du ministère des Affaires étrangères, sous la protection et le contrôle direct de nos ambassadeurs auprès des Cours étrangères[14].
Le même arrêté prévoyait que les clercs de ces églises étaient nommés par le saint-synode, après consultation entre le haut procureur du synode et le ministère des Affaires étrangères, et qu’ils dépendaient sur le plan ecclésial de l’Administration diocésaine de Saint-Pétersbourg. Néanmoins, le Conseil d’État stipulait que, pour toutes les autres questions, ces mêmes clercs relevaient du ministère des Affaires étrangères dont ils percevaient leurs salaires[15]. De fait, ces églises et leurs ministres du culte avaient un régime particulier, les plaçant sous une double autorité de tutelle.
En 1867 figuraient au registre officiel les onze églises suivantes :
Toutes dépendaient du ministère des Affaires étrangères. La situation évolua par la suite assez rapidement. D’une part, après 1867, de nouvelles églises apparurent auprès d’autres représentations diplomatiques russes à l’étranger, tandis qu’une ancienne disparut, celle de Madrid (supprimée en 1882 à cause de restrictions budgétaires). Mais, surtout, de nouveaux lieux de culte furent créés sans être directement liées à la présence diplomatique russe, ni destinés aux personnels des légations. De ce fait, au début du xxe siècle, le cadre de 1867 se trouvait modifié profondément. À côté des églises de légation, de nouvelles catégories étaient apparues en fonction de l’origine et de l’affectation de ces nouvelles églises. Sur la base de ces différents critères, le rapport officiel du haut procureur du saint-synode pour les années 1908-1909 propose la classification suivante, en deux grands groupes, eux-mêmes subdivisés en sous-groupes.
D’un côté, le haut procureur, à l’époque Pjotr Petrovič Izvol’skij, distingue dans son rapport au tsar les églises relevant du ministère des Affaires étrangères (« podvedomstvennye »), qu’il subdivise en :
De l’autre côté, le haut procureur regroupe les églises dépendant entièrement de l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg, avec, d’une part celles qui étaient inscrites à l’inventaire officiel, ce qui donnait lieu à des prises en charge sur les crédits du saint-synode (« štatnye ») – Biarritz, Cannes, Menton, Nice, Pau et Prague –, et d’autre part celles qui n’y figuraient pas et n’avaient pas le droit à des subsides officiels (« neštatnye ») – Bad Ems, Bad Homburg, Bad Kissingen, Bad Nauheim, Hambourg et Herbersdorf en Silésie, Carlsbad, Franzensbad, Marienbad, Contrexéville, Davos, Merano. Et dans une troisième catégorie : « à part, sont considérées comme rattachées aux églises relevant du ministère les églises de Florence, Vevey, Potsdam et Darmstadt[19] ». Il s’agissait pourtant d’églises qui ne servaient pas comme chapelles consulaires et n’avaient pas été construites sur des crédits de l’État. Manquent dans cette description les églises des cimetières, pourtant citées plus loin dans le même rapport, celles des cimetières russes de Berlin-Tegel, de Vienne, de Nice et de Menton[20].
Pour être complet, il faudrait encore ajouter à cette liste officielle l’église de San Remo, dont la construction ne fut achevée en 1910, l’église-mémorial (« khram pamjatnik ») de Leipzig, élevée à la mémoire des soldats russes tombés à la bataille des Nations et consacrée en 1913, ainsi qu’à Bari l’église et hôtellerie pour pèlerins (« cerkov’s strannopriemnym domom ») relevant de la Société orthodoxe impériale de Palestine, dont la construction n’était pas entièrement achevée au début de la Première Guerre mondiale. Les projets d’églises à Davos et Vichy furent arrêtés à cause de la guerre. Les projets de nouvelles grandes églises russes à Berlin (église Saint-André) et Rome (église Sainte-Catherine) visant à remplacer les chapelles de légation, trop exiguës et confinées dans les locaux de l’ambassade, restèrent sur le papier pour la même raison. Par ailleurs, il existait quelques chapelles privées dans les résidences à l’étranger de certains grands seigneurs russes, mais dont la durée d’existence pouvait être assez fluctuante : ainsi, la princesse Barbara Butera-Radali, veuve du comte šuvalov, disposait d’une chapelle privée dans l’hôtel particulier qu’elle occupa, de 1864 à 1878, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris (avant cette date, la chapelle se trouvait dans son palais de Palerme, en Sicile) ; le prince Nikolaj Orlov, ministre plénipotentiaire auprès du roi des Belges, avait lui aussi sa chapelle privée à Bruxelles, entre 1862 et 1869, avant l’ouverture de l’église de l’ambassade ; enfin, les barons von Derwies possédaient, encore au début du xxe siècle, une chapelle privée dotée de son propre clergé, d’abord dans leur villa de Lugano, puis dans leur villa de Nice (aujourd’hui siège de la présidence de l’université de Nice Sophia-Antipolis). Ces lieux de culte privés ne sont pas mentionnés dans les rapports du haut procureur du saint-synode, mais ils sont répertoriés dans l’almanach du père Aleksij Mal’cev.
Au total, si nous appliquons la classification du haut procureur pour l’année 1908-1909, nous obtenons trente-huit églises russes en Europe centrale et occidentale, dont :
Comme on le voit, la classification établie dans le rapport du haut procureur du saint-synode se basait essentiellement sur le critère des sources du financement affecté à l’entretien des édifices religieux comme des ministres du culte. Si elle répond à la logique propre de l’administration civile, une telle classification n’en a pas moins le défaut, d’une part de ne pas prendre en compte tous les lieux de culte pour l’époque donnée, et surtout, d’autre part, de ne pas refléter ni la situation juridique ni la réalité sociologique et culturelle qui constituait le cadre de vie quotidien de ces édifices[21].
C’est pourquoi nous proposerions ici une autre classification, en quatre groupes distincts :
Si nous retenons ce classement, les chiffres correspondants sont alors les suivants :
Bien sûr, comme toute tentative de classification, cette proposition s’avère quelque peu subjective, en particulier certains lieux de cultes peuvent entrer dans l’un ou l’autre des critères retenus : par exemple, l’église de Copenhague est édifiée au départ pour les besoins de la famille impériale de Russie très liée à la maison royale du Danemark, mais elle sert aussi comme église pour les services diplomatiques. À l’inverse, nous avons compté Nice trois fois, puisqu’il y a trois lieux de culte distincts dans cette ville : l’ancienne église construite par la communauté locale ; la nouvelle, construite elle aussi par la communauté locale, mais sur un terrain lié à la famille impériale, comme nous le verrons plus loin ; enfin, la chapelle du cimetière russe de Caucade.
Statut juridique, canonique et patrimonial
Sur le plan juridique, la situation de ces églises paraît particulièrement complexe. Si nous nous rapportons au rapport du haut procureur pour 1908-1909, déjà cité, nous constatons que l’église de Biarritz est inscrite comme « relevant de l’Administration ecclésiastique de Saint-Pétersbourg », tout comme celles de Nice et de Cannes ; par contre, l’église de Paris est décrite comme « église d’ambassade, relevant du ministère des Affaires étrangères ». Pourtant, sur le plan religieux, toutes ces églises dépendaient directement de l’autorité canonique du métropolite de Saint-Pétersbourg, sauf dans la période entre 1907 et 1911 quand l’un des auxiliaires du métropolite de Saint-Pétersbourg, l’évêque de Cronstadt Vladimir (Putjata), fut personnellement chargé de l’administration des églises à l’étranger, avec résidence à Rome, où il assurait aussi la fonction de recteur de l’église russe de la ville. Sur le plan civil, la situation était tout autre : l’église de Paris et celle de Biarritz étaient inscrites au cadastre au nom de l’ambassade de Russie ; l’église de Cannes au nom du saint-synode de l’Église de Russie ; la cathédrale Saint-Nicolas de Nice au nom de l’empereur de Russie.
Par contre, la provenance des fonds ayant servi à l’achat des terrains et à la construction de ces mêmes églises étaient, le plus souvent, tout à fait différente du nom figurant au cadastre. Par exemple, pour l’église Saint-Alexandre-Nevsky à Paris, l’achat du terrain et le financement de la construction avaient été effectués pour l’essentiel grâce à des collectes en Russie et à des dons privés (de Russes, y compris de l’empereur Alexandre II et de membres de sa famille, mais aussi d’orthodoxes non russes). À Biarritz, il s’agissait exclusivement de dons privés. À Nice, le terrain sur lequel devait être bâtie la nouvelle église avait été mis à la disposition par l’empereur de Russie sur l’une de ses propriétés personnelles, tandis que le financement de la construction était entièrement assuré par des dons privés, y compris de l’empereur et de sa famille. L’entretien de l’église et du clergé qui la desservait variait aussi d’un lieu à l’autre : à Paris, l’église recevait une dotation du ministère des Affaires étrangères ; à Cannes, du saint-synode, mais, à partir de 1899, avec un complément de subvention provenant des caisses de l’État[22].
Dans ces conditions d’apparent flou juridique et administratif quant à l’identité du propriétaire de l’édifice, une question importante est de savoir à qui revenait l’initiative de la création des églises. Souvent à l’État, quand il s’agit de l’ouverture des chapelles d’ambassade ou d’une église-mémorial (Leipzig) ; parfois à la famille impériale de Russie, dans le cas d’églises liées à des lieux de séjour de membres de la famille impériale ou à des sépultures de la maison des Romanov (Üröm, Wiesbaden, Darmstadt) ; rarement à l’Église en tant qu’institution, ainsi la construction de l’église de Biarritz est engagée par décision du saint-synode, datée du 3(12) janvier 1887, à la demande du métropolite Palladij de Saint-Pétersbourg qui a proposé de fonder cette église « aux frais de la colonie russe locale[23] ». Mais, le plus souvent, ce sont les clercs et laïcs orthodoxes russes installés déjà sur place qui prennent l’initiative de construire une église parce que le lieu de culte provisoire déjà existant dans une maison ou dans un appartement, qu’il s’agisse d’une chapelle d’ambassade ou d’une chapelle privée, ne suffit plus. C’est le cas pour la construction de l’église de Paris, dont l’idée revient au père Iosif Vasiljev, de l’église de Genève avec le père Afanasij Petrov, de l’église de Florence avec le père Vladimir Levickij.
Dans son rapport pour l’année 1857, concernant l’église de Paris, le haut procureur du saint-synode, à l’époque Aleksandr P. Tolstoj, écrit :
En raison de l’exiguïté de l’église se trouvant dans notre ambassade à Paris et que fréquentent non seulement les Russes mais aussi les Grecs, les Slaves, les Moldaves et Valaques qui séjournent dans cette ville, il est proposé de construire pour notre église un édifice suffisamment vaste. Le saint-synode a attribué à cette construction 50 000 roubles provenant de la partie restée non utilisée sur des sommes destinées à différents projets antérieurs de construction et il a remis au recteur de ladite église un livre pour enregistrer les recettes de dons privés[24].
Avec l’achèvement de la construction de l’église Saint-Alexandre-Nevsky, la chapelle d’ambassade fut fermée et la nouvelle église édifiée dans le quartier de la Plaine Monceau fit dorénavant fonction d’église d’ambassade, tout en servant également d’église paroissiale, non seulement pour les orthodoxes russes, mais aussi, conformément au souhait du père Iosif Vasiljev, pour les autres chrétiens orthodoxes de Paris appartenant à d’autres nationalités[25]. La même chose se produisit, presque simultanément, en Suisse. Il existait une modeste chapelle auprès de l’ambassade de Russie à Berne. Une église dans le style traditionnel russe est élevée, entre 1863 et 1866, à Genève, grâce à des quêtes et des dons recueillis par le prêtre de l’ambassade, le père Afanasij Petrov, auprès de membres de la famille impériale et de personnes privées. En 1866, la chapelle de Berne fut fermée[26]. Pareil à Florence, où le recteur de l’ancienne chapelle de l’ambassade russe auprès des grands-ducs de Toscane demanda, en 1880, l’autorisation de construire une église grâce à l’argent qu’il avait récolté à cet effet. Le synode donna son accord après avoir reçu un avis favorable du ministère des Affaires étrangères. Les travaux furent effectués sous le contrôle d’un Comité de construction placé sous l’autorité de l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg[27].
Parfois, l’initiative revenait aux fidèles eux-mêmes. À Vevey, c’est le comte Pjotr šuvalov qui prit l’initiative de construire une église en souvenir de sa fille morte en couches[28]. À Dresde, c’est la colonie russe locale, composée de plus de trois cents personnes dans les années 1860-1870, qui décida la construction de son propre lieu de culte pour remplacer l’ancienne chapelle en appartement. Le terrain fut offert par un commerçant russo-allemand et le financement de la construction fut assuré par des dons dont les trois quarts provenaient du conseiller d’État Semen Vikulin. À son ouverture en 1874, l’église fut reconnue par les autorités de Saxe comme « institution religieuse et caritative » de droit local (pia causa), mais en 1876 ce statut se trouva modifié du fait du rattachement de l’église au consulat de Russie[29]. En France, sur la Côte d’Azur, ce sont, là aussi, les fidèles qui se rassemblaient en associations pour mener à bien la construction d’un lieu de culte permanent, soit sous forme d’une paroisse informelle (association de fait) comme à Nice, soit en se constituant en fraternité (bratstvo) comme à Menton (Fraternité Sainte-Anastasie) et à Cannes (Fraternité Saint-archange-Michel). En Allemagne aussi, le père Aleksij Mal’cev utilise le cadre associatif fourni par la société caritative et éducative Fraternité Saint-prince-Vladimir pour fonder les églises de Berlin-Tegel (1894), Bad Homburg (1899), Bad-Kissingen (1901), Herbersdorf (1901), Hambourg (1901) et Bad Nauheim (1908). Pour s’assurer protection et source de financement, les fondateurs de ces églises avaient tendance à les placer sous la tutelle soit de l’ambassade soit d’un membre de la famille impériale (l’impératrice Aleksandra Feodorovna pour l’ancienne église à Nice, l’impératrice Marija Feodorovna pour la nouvelle, la grande-duchesse Anastasija Mikhajlovna à Menton, le grand-duc Mikhail Mikhajlovič à Cannes, le grand-duc Vladimir Aleksandrovič à Berlin, la grande-duchesse Marija Pavlovna à Contrexéville). Les transferts de propriété, réels ou fictifs, paraissent fréquents : le 22 janvier 1897, le grand-duc Mikhail Mikhajlovič qui exerçait son haut patronage sur la Fraternité Saint-archange-Michel chargée de gérer l’église de Cannes, demande que la propriété de cette église soit transférée au saint-synode et sa gestion prise en charge en conséquence par le synode, ce qui est accepté par décision de l’empereur Nicolas II, le 28 février 1897[30]. Enfin, mentionnons un cas particulier : à Contrexéville, ce sont les dirigeants (français) de la station thermale, la Société minérale des eaux, qui, tenant compte du nombre important de curistes venant de Russie dans les Vosges, mirent à la disposition de l’Administration diocésaine de Saint-Pétersbourg un terrain pour la construction d’une église dont le financement fut réalisé à partir de fonds recueillis grâce à des dons et souscriptions[31].
Titres de propriété et affectation
La solution apportée sur le plan juridique pour faire enregistrer les titres de propriété des églises russes changeait d’un pays à l’autre en fonction surtout de la législation locale en matière patrimoniale et religieuse et, accessoirement, de la provenance des fonds ayant permis l’achat du terrain et la construction. En Allemagne, le père Aleksij Mal’cev fit tout d’abord inscrire à son nom les églises qu’il avait construites, comme l’explique le rapport du haut procureur du saint-synode en 1908 :
Une place à part revient à la « Fraternité orthodoxe du saint prince Vladimir » auprès de l’église de Berlin. Créée grâce aux efforts du recteur de cette église, l’archiprêtre Mal’cev, avec le soutien du gouvernement allemand et de notre ambassade à Berlin, en quelques années d’existence elle a acquis sur le territoire allemand un patrimoine immobilier substantiel, dans lequel entrent aussi plusieurs églises. Du fait que, selon la législation locale, des biens immobiliers ne peuvent appartenir qu’à des personnes physiques, et à des personnes morales uniquement si elles sont reconnues comme telles selon la procédure établie par la loi, tous les biens acquis pour la fraternité par ses propres moyens ou par suite de dons en sa faveur, ont été inscrits dans les actes d’achat et dans les registres du cadastre comme étant la propriété personnelle de l’archiprêtre Mal’cev. Bien que ce dernier ait introduit dans son testament un article spécial par lequel il abandonne, en son nom et au nom de ses héritiers naturels, toute prétention de propriété personnelle sur ces biens, en les reconnaissant comme propriété du recteur de l’église et devant donc après lui passer à ses successeurs en cette fonction, néanmoins pour éviter toute situation fâcheuse, il a été engagé une procédure pour faire reconnaître la Fraternité comme personne morale avec le droit de posséder en son nom des biens immobiliers en Allemagne. Actuellement, il ne reste plus qu’à terminer les dernières formalités requises par la loi et ces biens, évalués à plusieurs centaines de milliers de marks, deviendront officiellement la propriété de l’Église orthodoxe[32].
En Suisse, la solution trouvée fut tout autre. Comme les autorités du canton genevois reconnaissaient librement toutes les formes de croyances et de cultes, un terrain put être accordé à la communauté orthodoxe russe locale par la municipalité de Genève pour une durée de trente ans afin d’y bâtir une église. Dans ce dessein, on procéda, en 1864, à la mise en place d’une fondation privée, la Fondation de la Chapelle russe à Genève, chargée de « pourvoir aux frais du culte grec pour les personnes en séjour ou en passage dans le canton de Genève qui professent ledit culte[33] ». Le financement de la construction fut réalisé en s’inspirant de ce qui avait été fait pour l’église de Paris, cinq ans auparavant, en organisant une collecte de fonds privés grâce à des quêtes et souscriptions en Russie et ailleurs. « Une fois expirée la période de trente ans […], une importante question juridique surgit. Il s’avéra que l’église se trouvait, depuis des années, à la charge de la représentation diplomatique russe à Berne », note l’historien de l’église de Genève, Ivan Grézine[34]. En conséquence, l’ambassade de Russie demanda, en 1893, que l’ancienne association fût remplacée dans ses droits de propriété et de gestion de l’église par la mission diplomatique russe, d’autant plus que l’église était considérée, depuis l’origine, comme la chapelle de la légation. Cette demande fut toutefois refusée par les autorités cantonales qui estimèrent : premièrement, qu’il était dangereux qu’un gouvernement étranger fût propriétaire dans le canton ; deuxièmement, qu’on ne pouvait pas accorder ce droit au gouvernement russe alors que lui-même ne permettait pas à des étrangers d’être propriétaires en Russie ; troisièmement, que l’ambassade de Russie ne pouvait fournir aucune preuve d’acquisition et de possession sur ladite église ; quatrièmement, qu’une loi de 1849 ne permettait pas à un gouvernement étranger de posséder des biens immeubles à Genève. Il fut donc décidé que l’église russe de Genève, indépendamment de sa situation de fait, « constituait, en droit, une propriété privée, dont l’État [russe] n’avait pas le droit de disposer[35] » et la fondation initiale fut transformée en une société libre, « sur les mêmes bases que les associations formées par les autres églises libres », sans que la destination de l’église n’en fût modifiée[36].
En France, la situation se présentait là encore sous un tout autre aspect : au xixe siècle, seuls les cultes catholique, protestant et israélite étaient reconnus (conformément au Concordat de 1803, resté en vigueur jusqu’à la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905). En conséquence, seules les communautés de ces trois cultes reconnus pouvaient alors être propriétaires d’un lieu de culte. Les orthodoxes, au demeurant très peu présents sur le territoire français, étaient pour leur part considérés comme membres d’une « confession tolérée » qui n’avait donc pas de statut officiel ni de personnalité morale et ne pouvait pas s’organiser en paroisse en tant que telle. Contrairement à ce qui sera fait à Genève, la nouvelle église russe édifiée à Paris entre 1857 et 1861 ne pouvait donc pas être reconnue comme une association cultuelle ou paroisse, ni faire établir les titres de propriété à son nom. « Lors de l’achat du terrain du chemin de la Croix-du-Roule, il fallait trouver une solution acceptable à un problème fort compliqué : qui signerait le contrat notarial ? », fait remarquer Nicolas Ross, auteur d’une histoire de l’église Saint-Alexandre-Nevsky à Paris[37]. Inscrire la nouvelle église russe sous le nom de son constructeur et premier recteur, le père Iosif Vasiljev, comme le fit un peu plus tard le père Aleksij Mal’cev en Allemagne, posait des objections, notamment en matière de droit de succession (le père Mal’cev était célibataire, alors que le père Vasiljev était marié avec des enfants). « Finalement, on décida de signer le contrat au nom de l’ambassade de Russie à Paris. Mais l’État russe, qui n’avait pas participé financièrement à l’achat du terrain et à l’édification du lieu de culte, ne s’en considéra pas propriétaire[38] », poursuit Nicolas Ross qui ajoute :
Cette non-participation des autorités russes apparaît clairement du fait que le père Joseph Vassiliev dirigea lui-même la construction de l’édifice, valida personnellement les plans et les devis et signa en son nom propre le contrat de construction et de fournitures. C’est donc bien la communauté orthodoxe de Paris, en la personne de son prêtre, qui, dès l’origine, prit elle-même en charge son lieu de culte[39].
La solution retenue pour l’église de Paris fut reprise plus tard lors de l’acquisition des terrains où devaient s’élever les églises de Biarritz et de Cannes parce qu’elle correspondait le mieux au cadre juridique propre à la France.
Des églises sans paroisse, mais avec des paroissiens
L’aspect extérieur, visible, de ces églises pouvait être très variable : certains lieux de culte étaient situées dans des maisons ou appartements aménagés pour les besoins de célébrations liturgiques (omovaja cerkov’), c’était notamment le cas de nombreuses chapelles d’ambassade, comme celle de Paris (jusqu’en 1861) ou celle de Berlin (jusqu’à la Première Guerre mondiale) ; d’autres étaient constitués d’un édifice à part, construit généralement dans le style religieux russe en vogue à l’époque (temple classique au début du xixe siècle, style néo-byzantin au milieu du siècle, style néo-russe à la fin du siècle, mélange néo-russe et art nouveau au début du xxe), c’est surtout le cas pour les églises palatiales ou nécropoles ainsi que pour les églises bâties dans les lieux de villégiatures et de cures. Le rythme de la vie liturgique et pastorale de ces églises était tout aussi variable. Le clergé était en nombre réduit (généralement un prêtre et un chantre, seules les églises de Paris, Berlin et Rome avaient droit à deux prêtres avec, pour Paris, Nice et Londres un diacre en plus). Certaines églises n’avaient pas de célébrations liturgiques régulières ni de clergé à demeure en permanence. Elles étaient rattachées à une église plus importante, située plus ou moins à proximité : ainsi, les églises de Marienbad et Franzensbad étaient rattachées d’abord à celle de Weimar, puis à celle de Dresde ; l’église de Vevey était rattachée à celle de Genève ; l’église de Biarritz à celle de Pau ; l’église de Menton à celle de Nice, jusqu’à 1903 ; l’église de San Remo également à Nice. Dans bien des cas, les célébrations n’avaient lieu qu’au moment de la saison des cures et des villégiatures. La situation variait d’un endroit à l’autre : à Mérano et à Biarritz, les églises n’étaient ouvertes que durant les mois d’été ; à l’inverse, sur la Côte d’Azur, c’était durant l’arrière-saison (en été, l’église était fermée faute de fidèles) ; enfin, à Davos, le prêtre ne venait qu’en hiver.
Sur le plan ecclésial, nous l’avons vu, les églises relevaient officiellement de l’autorité canonique du métropolite de Saint-Pétersbourg. Même si elles n’avaient pas le statut d’église paroissiale, dans les faits la plupart d’entre elles remplissait cette fonction, y compris les églises d’ambassade, surtout là où, comme à Paris et Genève, elles n’avaient pas été construites grâce à des fonds de l’État et n’étaient pas installées dans les locaux de la représentation diplomatique. C’est ce que note clairement le haut procureur dans son rapport au tsar en 1908-1909 :
Par nature, toutes ces églises sont des églises paroissiales, même si, à part quelques rares exceptions, elles n’ont pas de paroisses permanentes : par endroits à cause des changements fréquents au sein de la population orthodoxe locale ; dans d’autres à cause de la dépendance de la venue des orthodoxes russes en villégiature durant la saison des cures, qui ne dure pas plus de trois mois durant lesquels les églises sont ouvertes, ces dernières restant fermées le reste de l’année[40].
Dans le même rapport, le haut procureur précise même que, dans certains cas, il existe auprès de ces églises une structure d’organisation administrative qui correspond, sous une forme ou sous une autre, à celle qui existait pour les paroisses en Russie :
Dans certaines églises, il existe des institutions spéciales identiques à celles qui existent auprès des églises en Russie, à savoir des conseils paroissiaux, des conseils de curatelle, des comités d’entretien ou des fraternités[41].
C’était le cas, en Allemagne, pour les églises relevant de la Fraternité Saint-prince-Vladimir et, en France, pour les églises de Cannes et Menton, mais surtout pour l’église de Nice. Cette dernière, sans être constituée en paroisse en tant que telle (nous avons vu que la législation en vigueur en France à la fin du xixe siècle ne le permettait pas aux orthodoxes), disposait en effet d’un système d’administration particulier, associant notamment aux membres du clergé local, pour la gestion administrative et matérielle, des laïcs élus (ce qui n’était pas le cas en Russie, et n’y fut introduit qu’avec les réformes diocésaines et paroissiales adoptées par le concile de Moscou de 1918). Cette situation exceptionnelle, qui avait valeur quelque peu expérimentale, est ainsi décrite par le père Aleksij Mal’cev dans son Bratskij ežegodnik :
L’église de Nice se trouve sous l’autorité de l’administration diocésaine de Saint-Pétersbourg et bénéficie pour sa bonne ordonnance de l’appui de l’ambassadeur de l’empereur de Russie à Paris. Les affaires ecclésiales sont administrées par : le clergé, le consul de Russie à Nice [mais uniquement s’il est de confession orthodoxe, précise par ailleurs l’art. 1 du règlement de l’église], le marguillier et un représentant de la communauté qui tous deux sont élus pour trois ans parmi les orthodoxes russes vivant à Nice, conformément au décret impérial du 18 novembre 1895 concernant l’administration de l’église orthodoxe de Nice[42].
Le même ouvrage reproduit in extenso les 29 articles dudit règlement de 1895, d’ailleurs signé et approuvé par le haut procureur du saint-synode de l’époque, Konstantin Pobedonoscev. Il ressort notamment de ce règlement (consacré surtout aux modalités d’élection et à la nature des fonctions du marguillier ainsi qu’à la gestion et la tenue des livres comptables) que l’entretien des lieux de culte de l’église de Nice était financé principalement par les produits de la vente des cierges et autres, les quêtes et dons des fidèles et, éventuellement, les pourcentages des placements effectués sur les comptes bancaires du saint-synode, même si des subventions pouvaient aussi être versées. Il est encore à noter que ce règlement s’appliquait à l’église de Nice depuis 1895 et donc qu’il était antérieur à la construction de la cathédrale Saint-Nicolas sur un terrain inscrit au cadastre sous le nom de l’empereur de Russie.
Un cas particulier : la cathédrale Saint-Nicolas à Nice[43]
La situation patrimoniale et juridique de la cathédrale russe Saint-Nicolas de Nice, comme nous l’avons rappelé en introduction, est le centre d’un litige aujourd’hui porté devant les tribunaux et où l’histoire politique, l’histoire religieuse et l’histoire du droit jouent un grand rôle[44]. D’où l’intérêt de regarder comment était définie la situation patrimoniale et juridique de ce lieu de culte dans les publications officielles et semi-officielles parues avant la Révolution russe.
Dans les rapports des différents hauts procureurs du saint-synode nous ne trouvons pratiquement pas de mention de l’église de Nice, avant le début du xxe siècle. Dans son rapport pour l’année 1903, le haut procureur Konstantin Pobedonoscev rappelle qu’il existait déjà une première église, ouverte dans le centre de Nice, rue Longchamp, à la demande de la communauté russe locale et avec l’appui des membres de la famille impériale de Russie qui venaient fréquemment se reposer sur la Côte d’Azur. Inaugurée en 1859, cette église construite à l’aide de dons privés sur un terrain acquis personnellement par le comte Stackelberg s’avérait trop exiguë quarante ans plus tard :
Une première église orthodoxe russe a été construite à Nice, en 1859, à l’initiative de l’impératrice Aleksandra Feodorovna, l’épouse de l’empereur Nikolaj Ier. À l’époque, cette église répondait tout à fait aux besoins de la petite colonie russe de Nice. Mais, depuis environ quinze ans, cette église ne peut plus accueillir tous les fidèles et, lors des grandes fêtes, elle ne peut même pas contenir les 2/3 des paroissiens. La construction d’une nouvelle église est devenue une nécessité criante[45].
Konstantin Pobedonoscev relate ensuite la préparation du projet entièrement dirigé par le clergé local et des membres de la colonie russe de Nice, avec le soutien de personnalités de la maison des Romanov, dont l’impératrice douairière et son fils, l’empereur Nikolaj II :
Avec l’autorisation du saint-synode, le clergé de cette église a commencé à rassembler des fonds pour la construction d’un nouvel édifice. Il a récolté jusqu’à 80 000 francs, mais avec des moyens aussi limités il n’était pas possible d’engager la construction de la nouvelle église. En 1898, répondant à la demande de quelques membres de la colonie russe de Nice, Sa Majesté Impériale l’impératrice Marija Feodorovna a daigné prendre sous son patronage la construction de la nouvelle église. La même année, Votre Majesté Impériale a daigné offrir pour la construction de l’église 45 000 roubles (120 000 francs). Des dons d’autres membres de la famille impériale se sont ajoutés aux généreuses donations de Votre Majesté Impériale. Ces dons ont permis de commencer la construction de l’église. Conformément au souhait de l’Auguste Protectrice, en 1900, un comité chargé de s’occuper de la collecte des dons et de la construction de la nouvelle église a été créé. À la tête de ce comité se trouve le prince Georgij Maksimovič Romanovskij, duc de Leuchtenberg[46].
Après avoir pensé, dans un premier temps, construire la nouvelle église sur l’emplacement de la première, on fit l’acquisition d’un nouveau terrain, comme le rapporte, en 1901, Konstantin Pobedonoscev :
Le 29 juin 1901 a été émis l’accord de Votre Majesté Impériale pour que soit enregistrée [zakreplen] au nom du saint-synode une parcelle de terrain à Nice, achetée pour la construction au prix de 128 776 francs 90, d’une surface de 183 967 pieds2 [environ 21 200 m2][47].
Comme nous le voyons, ce premier terrain fut acquis et enregistré au nom du saint-synode. Un projet architectural (celui repris ensuite pour l’actuelle cathédrale) fut établi par l’architecte M. T. Preobraženskij[48], mais rapidement l’emplacement s’avéra inadapté, le sous-sol n’étant pas assez solide pour les fondations d’un édifice monumental. C’est alors que le Comité de construction s’adressa une nouvelle fois à l’impératrice douairière. Cette dernière intervint auprès de l’empereur qui accepta que l’on construise la nouvelle église sur une partie du parc de la Villa Bermond, une propriété qu’avait achetée sur ses deniers personnels, en novembre 1865, l’empereur Aleksandr II pour pérenniser la mémoire de son fils aîné, le tsarévitch Nikolaj Aleksandrovič, mort de la tuberculose le 24 avril 1865 dans la Villa Saint-Étienne, louée par M. Bermond à la famille impériale durant la convalescence du prince héritier à Nice. Le haut procureur mentionne ce changement de site sans donner de plus amples explications :
Il a été décidé de construire la nouvelle église sur le terrain appartenant à la chapelle érigée à la mémoire du tsarévitch Nikolaj Aleksandrovič, dans le jardin de la villa où il y a trente-huit ans mourut le tsarévitch. Le projet de construction a été dessiné par le membre de l’Académie impériale d’architecture Preobraženskij. Le projet est composé dans le style des églises moscovites des xvie-xviie siècles, la meilleure période dans l’histoire de notre architecture orthodoxe. La fondation de la nouvelle église russe orthodoxe de Nice a eu lieu le 12(25) avril 1903. L’église est placée sous la dédicace de saint Nicolas et de sainte Alexandra[49].
En effet, sur l’emplacement de la Villa Bermond avait été édifiée, en 1867-1868, une chapelle commémorative, dans le style byzantin. C’est sur une partie du terrain à proximité de cette chapelle que commença la construction de l’église, suivant le projet de M. T. Preobraženskij. Le terrain attenant à la future église fut encore agrandi grâce à l’acquisition d’une parcelle mitoyenne qui fut inscrite au nom du saint-synode, comme l’indique le haut procureur dans son rapport en 1904 :
Le 4 juillet 1903 a été émis l’accord de Votre Majesté Impériale pour que soit enregistrée au nom du saint-synode la parcelle de terrain se trouvant à Nice, d’une surface de 1 050 m2, et attribuée par M. Gué, à titre gratuit, à l’usage de la nouvelle église en construction à Nice[50].
La pose solennelle de la première pierre eut lieu le 25 avril 1903, jour anniversaire de la mort du tsarévitch. Les travaux commencés dans la foulée furent toutefois interrompus, en 1906, pour des raisons que personne – ni les rapports des hauts procureurs ni d’autres sources – ne mentionne ni n’explique clairement. Ils ne reprirent que deux ans plus tard grâce à l’intervention directe du tsar qui fit un don conséquent permettant de relancer le chantier. Toutefois, Nikolaj II éprouva à ce moment le besoin de clarifier la situation juridique de l’église en construction, peut être à cause de la situation conflictuelle qui venait de marquer la France en matière de législation religieuse et compte tenu de l’absence de toute personnalité juridique civile pour les lieux de culte orthodoxe dans ce pays. Le tsar fit procéder à deux actes. Le premier, publié sous forme de décret impérial en date du 20 décembre 1908, confia la gestion de la propriété impériale de la Villa Bermond au Cabinet impérial[51]. Fort de cet acte, le 9 janvier 1909, le consul impérial de Russie à Nice, Sergej Kanšin, agissant en qualité de mandataire du baron Frederikz, chef du Cabinet impérial chargé de l’administration des biens personnels de l’empereur[52], donna à bail emphytéotique à l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg, pour une durée de 99 ans à compter du 1er janvier 1909, la partie du parc de la Villa Bermond sur laquelle les travaux de la cathédrale avaient d’ores et déjà débuté[53].
Dès 1908, le Comité de construction fut transformé en une « Commission instituée sous le haut patronage de Sa Majesté Impériale », avec d’abord pour premier président l’ambassadeur de Russie à Paris, Aleksandr Ivanovič Nelidov, remplacé dès l’année suivante par le prince Sergej Mikhajlovič Golicyn, écuyer, puis grand veneur de la Cour impériale, entré déjà dans la Commision de construction en 1903, et qui en avait été d’abord le vice-président. De fait, la Commission de construction était un organisme de personnalités bénévoles – même si certaines occupaient des fonctions élevées à la Cour impériale – personnellement liées et dévouées à l’église de Nice, et non une émanation d’un quelconque organisme officiel ou ministère. Dans son rapport pour les années 1908-1909, le haut procureur Pjotr Izvol’skij souligne que c’est grâce à des dons de différents membres de la famille impériale et de personnes privées ainsi qu’aux efforts de l’administration ecclésiale locale qu’un capital d’une valeur de 500 000 francs put être constitué pour financer les travaux. Au moment de la transformation du Comité de construction en Commission, en 1908, le Cabinet impérial versa aussi en complément une somme de 700 000 francs avec la condition que le gros œuvre extérieur fût achevé d’ici un an et demi, c’est-à-dire en 1911[54]. Cette information est confirmée par Sergej Golicyn qui souligne que la transformation du Comité en Commission s’accompagna d’un don du tsar de 700 000 francs auquel s’ajouta une subvention de 10 000 francs, versée à partir des crédits du ministère de la Cour et des Domaines de la Couronne :
[La Commission] eut le bonheur de se voir octroyer de Son Auguste Majesté une assignation de 700 000 francs. […] En outre, le ministère de la Cour impériale octroya 10 000 francs supplémentaires pour transformer le jardin autour du nouveau temple[55].
Selon S. M. Golitsyne, la somme totale dépensée pour la construction de la cathédrale s’éleva à 1 200 000 francs[56]. D’après l’archiprêtre Sergej Ljubimov, recteur de l’église de Nice, la part la plus importante des dons (terrain et construction) revint à l’Empereur, les paroissiens entrant selon lui pour un quart dans le capital de construction, et il désigne la cathédrale comme « un don [dar] de la monarchie aux orthodoxes qui viennent à Nice[57] ». Sergej Golicyn est plus précis, il indique que l’empereur versa sur sa cassette personnelle 700 000 francs, auxquels s’ajoutent les 10 000 francs venant du ministère de la Cour, l’impératrice Marija Fedorovna donna 3 000 francs et la grande-duchesse Marija Aleksandrovna 1 000 francs, le prince Golicyn lui-même 143 000 francs et d’autres personnes 67 000 francs ; mais ailleurs, S. M. Golicyn déclare avoir versé 350 000 francs au total[58]. De nombreux dons privés servirent aussi à l’aménagement intérieur de l’église (fresques, iconostase) et à l’achat des icônes et objets de culte. Comme on le voit, la part de l’État dans le financement total s’avéra relativement modique.
Dans son rapport pour l’année 1912, le haut procureur Vladimir Karlovič Sabler présente parmi les « événements marquants » de l’année écoulée « la consécration, en décembre 1912, de la cathédrale orthodoxe construite à Nice près du lieu de décès du tsarévitch Nikolaj Aleksandrovič et grâce aux largesses de Votre Majesté Impériale ».
Suivant la décision du saint-synode, approuvée par Sa Majesté Impériale le 5 novembre 1912, la consécration de ladite église a été célébrée par le premier auxiliaire du diocèse de Moscou, l’évêque Trifon de Dmitrov. Pour participer à cette cérémonie solennelle avait été envoyée à Nice avec l’évêque Trifon une partie de la chapelle synodale de Moscou[59].
La consécration de l’église eut lieu solennellement le 4(17) décembre 1912.
Il est important de constater que, même si elle a été construite sur un terrain appartenant à l’empereur et dont la gestion avait été confiée au Cabinet impérial qui était rattaché au ministère de la Cour et des Domaines, la nouvelle église de Nice n’avait pas été pour autant bâtie pour les besoins de la famille impériale et, par conséquent, elle n’était pas une église palatiale. Premièrement elle n’est nulle part désignée comme telle dans les rapports du haut procureur du saint-synode pas plus que dans les almanachs officiels, deuxièmement, si tel avait été le cas, cette église aurait été desservie, comme prescrit par le Code complet des lois de l’Empire, par une catégorie spéciale au sein du clergé de l’Église orthodoxe russe, le clergé palatiale (pridvornoe dukhovenstvo), qui était exempté de l’autorité épiscopale diocésaine[60]. Il apparaît pourtant dans tous les documents officiels que la cathédrale de Nice, comme les autres églises russes de cette ville, relevait de l’autorité canonique du métropolite de Saint-Pétersbourg et était administrée par l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg.
Néanmoins, si elle n’était pas une église palatiale, la cathédrale de Nice n’était pas pour autant une église de légation diplomatique. Elle n’avait pas été fondée pour les besoins du personnel du consulat de Russie à Nice, pas plus qu’elle n’avait été bâtie sur le terrain d’une mission diplomatique ou avec de l’argent de l’État russe, ni rattachée directement d’une manière ou d’une autre à l’ambassade de Russie à Paris[61]. Dans aucun document officiel l’église de Nice n’est mentionnée comme « podvedomstvennaja », c’est-à-dire « relevant du ministère des Affaires étrangères », ce qui aurait alors impliqué que son clergé était rattaché, sur le plan juridique et administratif , au ministère des Affaires étrangères et, seulement sur le plan religieux, au métropolite de Saint-Pétersbourg. Ce qui pourtant n’était pas le cas, puisqu’elle dépendait entièrement de l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg, situation qui perdura jusqu’à la révolution de 1917. Ainsi, n’étant ni église palatiale ni église auprès d’une mission diplomatique, la cathédrale de Nice faisait figure de facto d’église paroissiale, même si elle n’en avait pas le statut aux yeux de la législation française de l’époque.
En conclusion, il ressort des différents exemples étudiés que la situation juridique et administrative des églises russes à l’étranger, entre les années 1850 et 1917, paraît très fluctuante et parfois assez floue. Les transferts de propriété, réels ou fictifs, semblent fréquents, l’inscription au cadastre tout comme la rédaction des titres de propriété apparaissent souvent fictives, les autorités consulaires servant dans bien des cas de prête-nom afin d’assurer une protection aux biens immobiliers cultuels russes dans les pays où les institutions ecclésiales orthodoxes n’avaient pas obtenu de reconnaissance juridique ni la personnalité morale. Il est aussi à noter que la diplomatie impériale se montrait peu encline à soutenir les projets de construction d’églises russes à l’étranger, car ses responsables craignaient les réactions qu’auraient pu susciter, notamment dans les pays catholiques, une présence orthodoxe trop ostentatoire. Mais, par-dessus tout, et de manière plus terre-à-terre, les diplomates russes se méfiaient des implications que pouvaient avoir pour le budget de leur ministère une multiplication de lieux de culte, sans la garantie préalable qu’une communauté paroissiale bien installée localement soit capable d’assurer, en toute autonomie financière, la gestion et l’entretien des édifices ainsi que la rémunération des serviteurs du culte.
Ces considérations sont d’ailleurs très clairement exprimées dans cet extrait du rapport du chef du département de la Confession orthodoxe (le « Vedomstvo pravoslavnogo ispovedanija », titre officiel des services de l’appareil d’État chapeautant l’Église d’État dans l’Empire des tsars) et haut procureur du saint-synode qui lui, pourtant, adoptait une ligne bien moins réticente en la matière que celle de ses collègues fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères :
Malgré l’ouverture de quelques églises orthodoxes, on ne peut pas parler d’une abondance d’églises russes sur le territoire européen. Au contraire, l’insuffisance du nombre d’églises est démontrée par les demandes qui arrivent sans cesse pour autoriser la construction d’église pour des Russes vivant dans tel ou tel endroit et qui sont privés d’un réconfort indispensable quand on est à l’étranger : avoir son propre sanctuaire orthodoxe en terre hétérodoxe. C’est ainsi qu’ont été déposées des demandes de constructions d’églises à Berlin, Rome, La Haye (où l’on a besoin d’églises plus grandes que celles qui existent actuellement dans des maisons), Munich, Milan, Naples et dans quelques autres villes. Il convient de remarquer de surcroît qu’il est beaucoup plus difficile de satisfaire de pareilles demandes à l’étranger que dans les frontières de notre patrie. Nos frères dans la foi et dans l’esprit [po vere i po dukhu], entourés par des gens d’autres confessions chrétiennes ou d’autres religions, voire sans religion du tout, sont toujours partout très minoritaires par rapport à ces derniers, ils ne sont pas suffisamment soudés à l’étranger pour satisfaire leurs besoins religieux, c’est-à-dire pour, après avoir installé une église, en assurer la gestion ainsi que l’entretien du clergé y célébrant. Dans ces conditions, il convient de respecter en matière de construction d’église une prudence raisonnable, c’est-à-dire de conditionner l’autorisation de construire de nouvelles églises à la présence de fonds suffisants tant pour la construction elle-même que pour l’entretien ultérieur de l’église et de son clergé, si des subventions de l’État ne sont pas prévues à cet effet[62].
Plusieurs points retiennent l’attention dans cette analyse donnée par le haut procureur du saint-synode à la veille de la Première Guerre mondiale :
Par comparaison, il est intéressant de constater que l’administration impériale russe, alors que la confession orthodoxe était reconnue comme religion officielle et que l’Église n’était pas séparée de l’État, appliquait une politique plutôt réservée et prudente en matière de présence religieuse à l’étranger, en général, et de construction d’édifices cultuels, en particulier. À l’inverse, aujourd’hui, la Fédération de Russie qui, selon sa Constitution, se définit comme un État laïque (art. 14.1), où toutes les communautés religieuses sont reconnues comme égales entre elles et séparées de l’État (art. 14.2), n’hésite pas à conduire une politique nettement engagée au profit d’une dénomination religieuse en particulier et de ses structures institutionnelles à l’étranger, avec des objectifs qui paraissent loin d’être uniquement d’ordre cultuel et spirituel[63].
Allemagne :
Bad Ems, église Sainte-Alexandra (1876)
Baden-Baden, église de la Transfiguration (1882)
Bad Homburg, église de Tous-les-Saints (1899)
Bad Kissingen, église Saint-Serge-de-Radonège (1901)
Bad Nauheim, église Saint-Innocent et Saint-Séraphim (1905)
Berlin, église Saint-Vladimir (1837)
Berlin, église Saints-Constantin-et-Hélène (cimetière de Tegel) (1894)
Cobourg-Gotha, église Saint-Alexandre-Nevsky (1895)
Darmstadt, église Sainte-Marie-Madeleine (1899)
Dresde, église Saint-Siméon (1874)
Hambourg, église Saint-Nicolas (1901)
Herbersdorf (aujourd’hui Sokolovsko), église Saint-Michel (1901)
Karlsruhe, église de l’Exaltation de la Croix (1865)
Leipzig, église Saint-Alexis (1913)
Potsdam, église Saint-Alexandre-Nevsky (1829)
Stuttgart, église Saint-Nicolas (1895)
Stuttgart-Rotenberg, église Sainte-Catherine (1824)
Weimar, église Sainte-Marie-Madeleine (1862)
Wiesbaden, église Sainte Élisabeth (1855)
Autriche :
Vienne, église Saint-Nicolas (1899)
Vienne, église Saint-Lazare (cimetière) (1895)
Belgique :
Bruxelles, église Saint-Nicolas (1876)
Danemark :
Copenhague, église Saint-Alexandre-Nevsky (1883)
France :
Biarritz, église de la Protection-de-la-Mère-de-Dieu et Saint-Alexandre-Nevsky (1892)
Contrexéville, église Saint-Vladimir (1909)
Menton, église Sainte-Alexandra (cimetière) (1886)
Menton, église Notre-Dame-des-Affligés (1892)
Nice, église Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra (1859)
Nice, église Saint-Nicolas (cimetière) (1867)
Nice, cathédrale Saint-Nicolas (1912)
Paris, église de la Sainte-Trinité et Saint-Alexandre-Nevsky (1861)
Pau, église Saint-Alexandre-Nevsky (1861)
Grande-Bretagne :
Londres, église de la Dormition (1866)
Hongrie :
Üröm, église Sainte-Alexandra (1802)
Italie :
Bari, église Saint-Nicolas (construction interrompue en 1914)
Rome, église Saint-Nicolas (1836)
Florence, église de la Nativité (1902)
Mérano, église Saint-Nicolas (1897)
San Remo, église du Christ-Sauveur et Saint-Séraphin (1913)
San Remo, église Saint-Nicolas (cimetière) (1908)
Pays-Bas :
La Haye, église Sainte-Marie-Madeleine (1837)
République tchèque :
Franzensbad (Frantiskovy Lazne), église Sainte-Olga (1867 et 1897)
Karlsbad (Karlovy Vary), église Saints-Pierre-et-Paul (1897)
Marienbad (Marianske Lazne), église Saint-Vladimir (1902)
Prague, église Saint-Nicolas (1874)
Prague, église du cimetière
Suède :
Stockholm, église de la Transfiguration (1907, mais la première église remonte à 1617)
Suisse :
Davos, église Saint-Pantéléïmon (1909)
Genève, église de l’Exaltation de la Croix (1866)
Vevey, église Sainte-Barbara (1878)
Situation juridique, administrative et canonique
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Izvlečenija iz vsepoddanejšego otčeta ober-prokurora svjatejšego sinoda po vedomstvu pravoslavnogo ispovedanija za 1837 g., Saint-Pétersbourg, Sinod. Tipogr., 1838. 252 p. + IV p.
… za 1838 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1839, 110 p. + 132 p. + IV p.
… za 1841 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1842, 102 p. + 98 p. + IV p.
… za 1842 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1843, 116 p. + 98 p. + IV p.
… za 1843 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1844, 112 p. + 98 p. + IV p.
… za 1844 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1845, 272 p. + 68 p. + IV p.
… za 1847 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1848, 98 p. + 106 + IV p.
… za 1848 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1849, 102 p. + 106 + IV p.
… za 1849 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1850, 98 p. + 106 p. + IV p.
… za 1850 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1851, 110 p. + 108 p. + IV p.
… za 1851 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1852, 110 p. + 110 p. + IV p.
… za 1852 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1853, 107 p. + 110 p. + IV p.
… za 1853 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1854, 104 p. + 110 p. + IV p.
… za 1854 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1855, 100 p. + 110 p. + IV p.
… za 1855 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1856, 106 p. + 110 p. + IV p.
… za 1856 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1857, 110 p. + 110 p. + IV p.
… za 1857 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1859, 130 p. + IV p. + 110 p.
… za 1858 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1860, 86 p. + 140 p.
… za 1860 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1862, 272 p. + 68 p.
… za 1866 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1867, 164 p. + 128 p.
… za 1869 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1870, 284 p. + 132 p.
… za 1870 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1871, 282 p. + 126 p.
… za 1871 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1872, 240 p. + 126 p.
… za 1872 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1873, 238 p. + 124 p.
… za 1873 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1874, 244 p. + 126 p.
… za 1874 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1876, 206 p. + 126 p.
… za 1875 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1876, 284 p. + 126 p.
… za 1876 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1877, 292 p. + 126 p.
… za 1877 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1878, 296 p. + 126 p.
… za 1878 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1879, 290 p. + 126 p.
… za 1879 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1881, 278 p. + 126 p.
… za 1881 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1883, 194 p. + 126 p.
… za 1883 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1885, 422 p. + 128 p.
Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora svjatejšego sinoda K. Pobedonosceva po vedomstvu pravoslavnogo ispovedanija za 1884 g., Saint-Pétersbourg, Sinod. Tipogr., 1886, 362 p. + 128 p.
… za 1885 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1887, 292 p. + 128 p.
… za 1886 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1888, 238 p. + 130 p.
… za 1887 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1889, 290 p. + 124 p.
… za 1888-1889 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1891, 472 p. + 214 p.
… za 1890-1891 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1893, 512 p. + 236 p.
… za 1892-1893 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1895, 602 p. + 158 p.
… za 1894-1895 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1898, 430 p. + 160 p.
… za 1896-1897 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1899, 280 p. + 84 p.
… za 1898 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1901, 224 p. + 68 p.
… za 1899 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1902, 272 p. + 68 p.
… za 1900 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1903, 388 p. + 84 p.
… za 1901 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1905, 338 p. + 74 p.
Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora svjatejšego sinoda po vedomstvu pravoslavnogo ispovedanija za 1902 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1905, 322 p. + 84 p.
… za 1903-1904 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1909, 342 p. + 160 p.
… za 1905-1907 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1910, 304 p. + 258 p.
… za 1908-1909 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1911, 664 p. + 26 p.
… za 1910 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1911, 338 p. + 132 p.
… za 1911-1912 g., Saint-Pétersbourg, sinod. Tipogr., 1913, 336 p. + 230 p.
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[1] « Peredača russkogo khrama v Biarrice Konstantinopol’skomu patriarkhatu sostojalas’ », Interfax-religija, 28 février 2006. Voir aussi « France : nullité de l’assemblée qui avait pris la décision de faire passer la paroisse de Biarritz sous la juridiction du Patriarcat de Moscou », SOP (Service orthodoxe de presse) [Courbevoie], mars 2006, n° 304, p. 10 ; « La cour d’appel de Pau a confirmé la décision du TGI de Bayonne concernant la paroisse orthodoxe de Biarritz », SOP, n° 326, p. 14 ; « France : la Cour de cassation a débouté le Patriarcat de Moscou concernant la paroisse orthodoxe de Biarritz », SOP, novembre 2009, n° 342, p. 17.
[2] Il n’est pas possible ici de dresser la liste complète de tous ces articles, nous n’en donnons ici que quelques références : « La guerre des clochers », Le Point, 2 mars 2006, n° 746 ; Philippe Fiammet, « Église russe : le bras de fer avec Moscou se poursuit », Nice-Matin, 22 août 2006 ; V. Lupan, « Konflikt meždu Russkoj Pravoslavnoj Cerkovju i Konstantinopol’skim Patriarkhatom uglubljaetsja », Russkaja Mysl’ [Paris], n° 7, 24 février-2 mars 2006, p. 11-12 ; « Sobornaja inventarizacija. Rossija khočet vernut’ imuščestvo na Lazurovom beregu », Kommersant [Moscou], 10 avril 2006, n° 3393 ; Oleg ševcov, « U russkikh v Nicce khotjat otobrat’ ikh cerkov’ », Izvestia, 12 janvier 2009 ; « La cathédrale orthodoxe de Nice devant la justice », La Croix [Paris], 3 novembre 2009 ; Il’ja Arkhipov, « Nicca v rukakh. Rossii vernuli odin iz glavnykh russkikh èmigranckikh khramov – Svjato-Nikolaevskij sobor v Nicce », Russkij Newsweek [Moscou], 24 janvier 2010 ; Jérôme Cordelier et Madeleine Vatel, « Le Kremlin n’a pas renoncé à récupérer l’église russe », Nice-Matin, 22 mai 2009 ; Zoja Svetova, « Khoždenie za tri morja », Novoe Vremja [Moscou], n° 2, 25 janvier 2010. Voir aussi : « Nice : l’État russe revendique la propriété de la cathédrale Saint-Nicolas », SOP, mars 2006, n° 306, p. 7 ; « Nice : l’État russe obtient la propriété de la cathédrale Saint-Nicolas », SOP, février 2010, n° 345, p. 5.
[3] « Paris : l’État russe achète un terrain pour y construire une cathédrale », SOP, mars 2010, n° 346, p. 9. ; « Sobor ili mečet? », Russkaja Mysl’, n° 5, 5-11 février 2010, p. 30.
[4] Il existe une abondante littérature sur cet événement, nous renvoyons à « Moscou : rétablissement de la communion entre l’Église russe hors-frontières et le Patriarcat de Moscou », SOP, juin 2007, n° 319, p. 2-3.
[5] Voir Pierre Smolar, « L’Église russe en quête d’influence », Le Monde, 5 février 2009. Voir aussi : Gerd Stricker, « Kommentar zum Vortrag des Metropoliten », Glaube in der Zweiten Welt (G2W) [Zurich], 2002, n° 3, p. 25 ; A. Soldatov, « široko šagaet russkaja cerkov’ », Novaja Gazeta [Moscou], 19 février 2010 ; Andrej Mel’nikov, « “Dlinnaja ruka Moskvy”: RPC obvinjajut v posobničestve imperskim ambicijam Kremlja », Nezavisimaja gazeta – Religija [Moscou], 3 février 2010. Voir surtout le tout récent article, très bien informé, de Vincent Jauvert, « France-Russie : Opération cathédrale », Le Nouvel Observateur, n° 2377, 27 mai - 2 juin 2010, p. 36-40.
[6] « Moscou : un colloque sur “Religion et diplomatie” en Russie », SOP, juin 2001, n° 259 , p. 11, et aussi « Zurich : la politique extérieure du Patriarcat de Moscou vue par Glaube in der Zweiten Welt », SOP, juin 2002, n° 269, p. 7.
[7] Métropolite Kirill Smolenskij i Kalinigradskij, « Religija i Diplomatija. Vzaimodejstvie Otdela vnešnikh cerkovnykh svjazej Moskovskogo Patriarkhata s Ministerstvom Inostrannykh Del Rossii », Cerkov’ i Vremja (revue du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, 2001, n° 3, p. 75.
[8] Voir les références complètes de la série en Annexe.
[9] Antoine Nivière, « Les rapports du haut procureur du saint-synode comme sources pour l’histoire religieuse et sociale de la Russie impériale », communication à la journée d’étude « Religion et nation », Institut Est-Ouest, ENS de Lyon, 8 juin 2009, publication en ligne à venir sur le site Internet de l’Institut Est-Ouest : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr.
[10] Voir le recueil d’articles et de souvenirs consacré à la vie et l’activité du père A. Mal’cev, Cerkovnaja Pravda. Zaključitel’nyj nomer, posvjaščennyj pamjati o. protoiereja A.P. Mal’ceva, Moscou, 1916.
[11] [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij ežegodnik. Pravoslavnye cerkvi i russkie učreždenija za graniceju. Spravočnaja knižka s kalendarem na 1906 god., Izd. Berlinskogo Svjato-Knjaz’-Vladimirskago Bratstva. Petrograd, 1906 ; [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij vremennik. Pravoslavnye cerkvi i russkie učreždenija za graniceju (Avstro-Vengrija, Germanija i švecija). Izd. Berlinskogo Svjato-Knjaz’-Vladimirskago Bratstva. Petrograd, 1911.
[12] La première mention d’un prêtre orthodoxe russe à Paris est celle du père Daniel Jakovlev, détaché auprès de l’ambassade en 1727. Plus tard, en 1740, l’ambassadeur Antioche Kantemir demande à Saint-Pétersbourg d’envoyer un nouvel aumônier qui n’arrivera qu’en 1742 (voir [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij ežegodnik, op. cit., p. 252 et suiv.).
[13] Nous ne citons ici, pour mémoire, que quelques-uns de ces ouvrages, parmi les plus récents : sur l’église de Stockholm (pour la période avant la révolution uniquement), voir Pjotr Rumjancev, Iz prošlogo russkoj pravoslavnoj cerkvi v Stokgol’me, Berlin, 1910 ; sur l’église de Paris, voir Nicolas Ross, Saint-Alexandre-sur-Seine. L’église russe de Paris et ses fidèles des origines à 1917. Paris, Cerf / Institut d’études slaves, 2005 ; sur la cathédrale de Nice, voir Alexis Obolensky, Luc Svetchine et Pierre-Antoine Gatier, Les Églises russes à Nice, Nice, Éditions Honoré Clair, 2010 ; sur les églises de Genève et Vevey, voir Ivan Grézine, Les Orthodoxes russes en Suisse romande. Essai d’histoire (1817-1917), Genève, Éditions Nemo, 1999 ; sur les églises d’Italie, voir Mikhail Talalaj, Cerkov’ Roždestva Khristova vo Florencii, Florence, 1993 (2e édition 2000), et Russkaja cerkov’ v San Remo. Istoriko-khudožestvennyj putevoditel’, San Remo, 1994 ; pour une présentation d’ensemble, voir aussi Vladimir Čerkasov-Georgievskij, Russkij khram na čužbine. Moscou, Palomnik, 2003, ainsi que Viktor Antonov et Aleksandr Kobak, Russkie khramy i obiteli v Evrope, Saint-Pétersbourg, Liki Rossii, 2005.
[14] Sobranie uzakonenij 1867 g. [Saint-Pétersbourg], n° 46, p. 44, cité dans [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij vremennik., op. cit., p. 1.
[15] Ibid., p. 1.
[16] Ibid.
[17] Dans cette liste s’ajoutent aux églises d’ambassade celle auprès de l’ambassade de Russie à Constantinople, et à celles auprès des missions diplomatiques les églises russes d’Athènes et de Bucarest, qui n’entrent pas dans le cadre géographique de notre étude. Notons aussi que le haut procureur oublie l’église russe de Sofia, construite sur un terrain du ministère des Affaires étrangères.
[18] Le haut procureur oublie l’église nécropole de Stuttgart-Rotenberg, où reposait la grande-duchesse Ekaterina Pavlovna, épouse du roi de Württemberg, ainsi que celle de Weimar où reposait la grande-duchesse Marija Pavlovna, épouse du prince de Saxe-Weimar.
[19] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1908-1909 gg., Saint-Pétersbourg, 1911, p. 425-426. L’église de Darmstadt, construite spécialement par Nikolaj II dans la ville de naissance de son épouse, l’impératrice Aleksandra Feodorovna, née princesse Alix de Hesse-Darmstadt, était une église relevant de la Cour impériale, mais en 1904 sa gestion fut transférée au ministère des Affaires étrangères.
[20] Ibid., p. 430-431.
[21] Dans l’annuaire du clergé des églises orthodoxes russes à l’étranger pour l’année 1914 (dernière parution avant la révolution), dont la copie est accessible sur Internet (www.petergen.com/bovkalo/sp/zagran1914.html [consulté le 27 mai 2010]), est reproduite une liste qui classe, pour sa part, les églises russes à l’étranger en cinq catégories et ne recoupe que partiellement le précédent classement du haut procureur du saint-synode, à savoir pour l’Europe centrale et occidentale : « 1) églises d’ambassade (Berlin, Londres, Paris, Rome, Vienne) ; 2) églises se trouvant auprès des missions diplomatiques (Genève, Stockholm, Copenhague, La Haye, Bruxelles, Dresde) ; 3) églises auprès des Cours et Palais à l’étranger (Cobourg, Stuttgart, Schwering, Baden-Baden, Karlsruhe ; 4) églises auprès de cimetières (Wiesbaden) ; 5) églises se trouvant sous l’autorité diocésaine de Saint-Pétersbourg (Florence, Nice, Menton, Pau et Biarritz, Merano, Prague) ». Dans cette liste, au demeurant très incomplète, l’église de Nice et son clergé relèvent de la 5e catégorie, au même titre que les églises de Menton, Pau et Biarritz (France), Florence et Merano (Italie), Prague (Empire austro-hongrois), mais aussi « la chapelle dans la propriété des héritiers von Derwiez, à Nice », autant de lieu de culte qui n’étaient donc pas directement rattachées à l’État russe ou à la maison impériale, mais à l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg.
[22] Conformément à un arrêt du Conseil d’État du 1er mai 1898, approuvé par l’empereur Nikolaj II, il fut décidé d’allouer, à compter du 1er janvier 1899, une subvention annuelle de 5 500 roubles pendant dix ans pour l’entretien de l’église et du clergé de Cannes (voir Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1898 g., Saint-Pétersbourg, 1901, p. 127). Cette mesure fut reconduite sans limitation dans le temps en 1912 (voir Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1911-1912 gg., Saint-Pétersbourg, 1913).
[23] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1887 g., Saint-Pétersbourg, 1889, p. 91.
[24] Izvlečenija iz vsepoddanejšego otčeta ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1857 g., Saint-Pétersbourg, 1858, p. 43.
[25] L’affectation au culte orthodoxe de l’église de la rue Jean de Beauvais, à Paris, pour les besoins de la communauté roumaine, ne date que de 1889, et l’ouverture de l’église grecque Saint-Étienne, rue Georges Bizet, n’eut lieu qu’en 1895.
[26] Izvlečenija iz vsepoddanejšego otčeta ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1866 g., Saint-Pétersbourg, 1867, p. 145-146.
[27] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1886 g., Saint-Pétersbourg, 1888, p. 28.
[28] [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij ežegodnik, op. cit., p. 55.
[29] Ibid., p. 108.
[30] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1896-1897 gg., Saint-Pétersbourg, 1899, p. 157.
[31] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1908-1909 gg., Saint-Pétersbourg, 1911, p. 427. Le texte du contrat est reproduit dans [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij vremennik, op. cit., p. 427-428.
[32] Ibid., p. 430.
[33] D’après le compte-rendu de la séance du Grand Conseil du 23 mai 1863 (dans Mémorial des séances du Grand Conseil du 18 mai au 21 octobre 1863, Genève, 1863, vol. 2, p. 1443), cité par Ivan Grézine, Les Orthodoxes russes en Suisse romande, op. cit., p. 56.
[34] Ibid., p. 58.
[35] Ibid., p. 69.
[36] Ibid., p. 70.
[37] Nicolas Ross, Saint-Alexandre-sur-Seine, op. cit., p. 146.
[38] Ibid., p. 147.
[39] Ibid., p. 147.
[40] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1908-1909 gg., Saint-Pétersbourg, 1911, p. 426.
[41] Ibid., p 430.
[42] Voir [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij ežegodnik, op. cit., p. 231.
[43] Nous remercions notre collègue, M. Alexis Obolensky, ancien maître de conférences à l’université de Nice, qui a mis à notre disposition la documentation bibliographique sur la construction de la cathédrale de Nice.
[44] Le litige concernant les titres de propriété de la cathédrale Saint-Nicolas est particulièrement complexe tant du point de vue juridique qu’historique, néanmoins les thèses défendues par les deux parties peuvent être résumées, très schématiquement, de la façon suivante. La Fédération de Russie affirme que le terrain sur lequel a été bâtie la cathédrale russe de Nice appartenait à l’État russe : soit parce que dès son achat par Aleksandr II, en 1865, il s’agissait d’un bien de la Couronne ; soit parce qu’en 1908, le tsar Nikolaj II en a transféré la propriété au Cabinet impérial. En 1909, le Cabinet impérial a conclu avec l’Administration diocésaine de Saint-Pétersbourg un bail emphytéotique de 99 ans au profit de la communauté orthodoxe locale. Se présentant comme héritier et continuateur de l’Empire russe, la Fédération de Russie considère que, ce bail étant arrivé à expiration en 2008, elle doit être reconnue propriétaire de l’édifice. À l’inverse, l’association cultuelle soutient que le terrain était la propriété privée des tsars de Russie depuis son achat par l’empereur Aleksandr II qui avait émis « le désir personnel » d’en faire l’acquisition (selon les termes de l’acte notarial d’achat de 1865). Elle affirme qu’elle n’est pas preneuse du bail de 1909 qui implique l’Administration ecclésiastique diocésaine de Saint-Pétersbourg, elle-même supprimée par les effets du décret de séparation de l’Église et de l’État publié par le gouvernement bolchevique en date du 20 janvier 1918. Elle souligne, enfin, que depuis sa création en 1923 en tant qu’association de droit français, elle s’est comportée en propriétaire des lieux de façon publique et paisible, sans que d’éventuels héritiers du tsar ni l’État soviétique ne manifestent la moindre prétention sur la cathédrale qu’elle a entièrement gérée et entretenue, ce qui lui permet de faire valoir l’effet de la prescription acquisitive. Le juge du TGI de Nice, dans son arrêt du 20 janvier 2010, a rappelé que la prescription acquisitive ne pouvait être appliquée dans le cas d’un bail emphytéotique. Il a aussi considéré qu’il était difficile de déterminer si le terrain était un bien privé de l’Empereur ou un bien de l’État, tout en estimant qu’un « faisceau de présomptions » laissait plutôt entendre qu’il s’agissait d’une propriété d’État, dans la mesure où les actes notariés de 1865 et de 1909 avaient été signés par des diplomates russes en poste en France au nom de l’empereur de Russie, désigné dans ces actes en sa qualité de souverain (« S. M. I. l’Empereur et Autocrate de Russie ») et non pas comme une personne privée (voir Extrait des minutes du TGI de Nice, R. G. 06/06437, minutes 10/00029, 2e Chambre civile, 20 janvier 2010). Découle de ces interprétations une série de questions fort intéressantes tant pour les historiens de la Russie prérévolutionnaire (le lien entre la personne du monarque et l’État dans la Russie impériale, la nature des biens du monarque et de la Couronne, les relations entre l’Église, l’État, le tsar, etc.) que pour les spécialistes de droit international (notamment l’existence ou non d’une continuité juridique entre la Fédération de Russie et l’Empire russe, laquelle ne peut passer que par l’URSS) qu’il n’est pas possible d’examiner dans le cadre de cette communication.
[45] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1903 g., Saint-Pétersbourg, 1909, p. 155.
[46] Ibid., p. 156-157.
[47] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1901 g., Saint-Pétersbourg, 1905, p. 210. Voir aussi [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij vremennik., op. cit., p. 387.
[48] Professeur d’architecture à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, M. T. Preobraženskij est aussi l’auteur des projets des églises russes de Florence et de Buenos Aires ainsi que de la cathédrale de Tallinn et de nombreuses autres églises en Russie.
[49] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1903-1904 gg., Saint-Pétersbourg, 1909, p. 156-157.
[50] Ibid., p. 157.
[51] Le décret daté du 20 décembre 1908 portant sur le terrain de la Villa Bermond stipulait que « Notre Cabinet doit être considéré comme propriétaire effectif dudit domaine et il ne sera considéré que comme tel dans tous les actes publics ou privés », et plus loin que « la propriété du terrain de la Villa Bermond à Nice […] figurera désormais au nom de Notre Cabinet […] ». De l’avis de certains spécialistes, ce décret n’était pas, aux yeux de la législation russe, un acte de vente ou d’acquisition, puisque – contrairement au droit civil russe de l’époque – il n’indiquait aucun prix de vente, ni n’attestait d’un échange de bien immobilier ou d’une donation, ce qui aurait exigé le versement d’un nouvel acquêt (voir Konstantin Pobedonoscev, Kurs graždandskago prava. 1-aja čast’, Saint-Pétersbourg, Sinodal’naja typografija, 1896, p. 427 et 433), mais il s’agissait d’un simple transfert de type fiduciaire afin de faciliter la gestion de la propriété par le Cabinet impérial au nom du tsar.
[52] Il est difficile de trancher quant à la nature exacte du Cabinet impérial, organe de gestion des domaines et biens personnels de l’empereur et de sa famille, mais aussi de la Couronne et, par là même, organe d’État, même si des ouvrages de droit administratif d’avant la révolution ainsi que des études plus récentes semblent plutôt pencher pour la première explication : « Le Cabinet de Sa Majesté l’Empereur concentrait la gestion de tout ce qui avait trait à la maison impériale […]. Le Cabinet de Sa Majesté l’Empereur a pour tâche de gérer les questions concernant en partie tout le département de la Cour et en partie toute une série de questions spéciales ; relèvent de la première catégorie les dossiers des serviteurs de la Cour ainsi que les affaires en matières administratives, financières et comptables […]. Ainsi, la fonction principale du Cabinet consiste à administrer la propriété de la Famille impériale » ; et plus loin, au sujet du ministère de la Cour, dont le Cabinet impérial était l’une des ramifications : « son activité ne peut être considérée que de manière conventionnelle comme relevant du champ de compétence et de l’administration de l’État » (voir V. Ivanovskij, « Gosudarstvennoe pravo », Izvestija i učenye zapiski Kazanskago universiteta [Kazan’], 1895, n° 5, et 1896, n° 11, consulté sur Internet le 27 mai 2010, www.allpravo.ru/library/doc117p/instrum2817/item2912.html) ; voir encore la définition suivante : « Le Cabinet de Sa Majesté l’Empereur accomplissait : la gestion des biens personnels des monarques ; […] ; l’organisation de l’acquisition et de la fabrication des objets de joaillerie offerts au nom de Sa Majesté ; […] ; la direction de la construction de certains palais, l’exploitation de certaines propriétés des membres de la Famille impériale » (Gosudarstvennost’ Rossii. Gosudarstvennye i cerkovnye uchreždenija, soslovnye organy i organy mestnogo samoupravlenija (konec XV veka- fevral’ 1917 goda). Slovar’-spravočnik, Moscou, Nauka, vol. 2 « D-K », 1999, p. 144).
[53] La situation de la cathédrale russe de Nice présente certaines similitudes, et en même temps des différences notoires, avec celle de l’église russe de Darmstadt dont la construction est antérieure en date. Toutes les deux ont la particularité d’avoir été édifiées sur des terrains appartenant personnellement à l’empereur de Russie. En effet, l’église de Darmstadt fut bâtie, en 1896-1899, sur un terrain offert spécialement au tsar Nikolaj II par le prince de Hesse. L’église devait servir lors des visites du couple impérial russe dans la ville natale de l’impératrice Aleksandra. Construite en style néo-russe grâce à un financement tiré entièrement de la cassette personnelle de l’empereur, elle était initialement classée parmi les « églises palatiales » et était desservie par le clergé palatial qui accompagnait le souverain dans ses déplacements. En 1904, Nikolaj II en confia la gestion au ministère des Affaires étrangères, effectuant ainsi un transfert de propriété du domaine de la Couronne vers l’État. L’église de Darmstadt fut dorénavant rattachée à l’église de Wiesbaden laquelle, pourtant, n’était pas une église de légation diplomatique (voir [A. P. Mal’cev], Berlinskij Bratskij ežegodnik, op. cit., p. 108 et suiv.) ; voir aussi Inge Lorenz, Renate Ulmer, Eckhart Franz et al., Die Russische Kapelle in Darmstadt, Munich/Berlin, Deutscher Kunstverlag, 2007). Ainsi, à Nice, quatre ans plus tard, Nikolaj II n’a pas choisi de se dessaisir de son terrain personnel au profit du ministère des Affaires étrangères, ce qui aurait créé une situation plus nette quant à la nature étatique du bien, mais il l’a confié au Cabinet impérial qui devait « désormais être considéré comme propriétaire effectif dudit domaine et il ne sera considéré que comme tel dans tous les actes publics ou privés », selon les termes même du décret du 20 décembre 1908. On voit bien que les autorités russes n’avaient pas une approche systématique de la question et agissaient le plus souvent au cas par cas.
[54] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1908-1909 gg., Saint-Pétersbourg, 1911, p. 426-427.
[55] S. M. Golicyn, Opisanie postroenija pravoslavnago sobora v g. Nicce Predsedatelja Vysochajše uchreždennoj Kommissii dlja postroenija sobora v g. Nicce, Ober-Egermejstera Dvora ego Veličestva knjazja Sergeja Mikhajloviča Golicyna, Moscou, A. A. Levenson, 1913, p. 12.
[56] Ibid., p. 6.
[57] Sergej Ljubimov, Pravoslavnyj Sobor v Nicce: Istoričeskij i xudožestvennyj cerkovnyj russkij pamjatnik za granicej, Nice, Éditions. Ja. E. Kleidman, [1912], p. 11.
[58] S. M. Golicyn, Opisanie postroenija pravoslavnago sobora v g. Nicce…, op. cit., p. 13-14.
[59] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1911-1912 gg., Saint-Pétersbourg, 1913, p. 243-244.
[60] Voir Svod zakonov Rossijskoj Imperii, Saint-Pétersbourg, 1912, Dejatel’, t. I., kn. 5, razdel 12, art. 902, p. 233. Ce clergé palatial était dirigé par le protopresbytre des églises du palais du Kremlin et du palais d’Hiver qui relevait directement de l’autorité de l’empereur et du saint-synode.
[61] La présence facultative du consul dans le conseil paroissial de l’église de Nice, prévue dans les statuts de 1895, et donc bien antérieure à la cathédrale, n’était qu’une façon d’assurer la protection des autorités russes à une communauté religieuse située sur un territoire étranger, mais ne valait pas acte de propriété ou de subordination.
[62] Vsepoddanejšij otčet ober-prokurora Svjatejšego Sinoda za 1908-1909 gg., Saint-Pétersbourg, 1911, p. 427-428.
[63] Commentant la récente acquisition du terrain du quai Branly par la Fédération de Russie, pour y édifier la cathédrale du diocèse Chersonèse (nom donné à l’évêché qui regroupe les paroisses du Patriarcat de Moscou en France, Suisse et Péninsule ibérique) et un centre religieux et culturelle russe, l’historien de l’Église russe et publiciste Aleksandr Soldatov écrit : « On ne cache ni au sein de l’Église ni au Kremlin que cet achat à prix fort poursuit des buts surtout politiques, “d’image de marque”, et non pas religieux. […] La construction de la nouvelle cathédrale sur les bords de la Seine vise à affirmer la domination incontestable du Patriarcat de Moscou parmi les orthodoxes de France et à devenir le symbole visible du projet messianique “Russkij Mir” (“Le Monde russe”) dont parlent si souvent le Premier ministre Poutine et le patriarche Kirill. L’essence même de ce projet est d’utiliser, de la manière la plus active possible, toutes les possibilités qu’offre l’Église pour faire avancer les intérêts de la Russie sur la scène politique extérieure et neutraliser les foyers “anti-russes” au sein de l’émigration russe comme du monde orthodoxe en général » (Aleksandr Soldatov, « široko šagaet russkaja cerkov’ », Novaja Gazeta, [Moscou], 19 février 2010, consultable sur Internet : www.novayagazeta.ru/data/2010/018/04.html).
Pour citer cet article
Antoine Nivière, «Les églises russes à l’étranger entre le milieu du xixe siècle et le début du xxe siècle (le cas de l’Europe occidentale)». In : Michel Niqueux (dir.)Religion et Nation : Des rapports du spirituel et du temporel dans la Russie des XIXe-XXIe s., ENS de Lyon, le 14 juin 2010. Lyon : ENS de Lyon, mis en ligne le 15 juillet 2011. URL : http://institut-est-ouest.ens-lyon.fr/spip.php?article352