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Des limites du « principe de coexistence pacifique » entre orthodoxie et islam en Russie : le cas du père Daniel Syssoev (1974-2009)

Irène SEMENOFF-TIAN-CHANSKY-BAIDINE

Université de Caen, ERLIS

Index matières

Mots-clés : Russie, Église orthodoxe, islam, relations orthodoxie-islam, missions, prêtre Daniel Syssoev.


Plan de l'article

Texte intégral

Introduction

En Fédération de Russie, les relations entre les deux principales religions, l’orthodoxie et l’islam, sont officiellement harmonieuses, les religieux s’efforçant de part et d’autre de respecter une sorte de statu quo et évitant d’aborder les questions de confession. Au contraire, le père Daniel Syssoev a abordé de front le thème des différences de foi et de rites entre religions. À partir de 2003, il a organisé dans sa paroisse de l’Apôtre-Thomas, à Moscou, une importante activité missionnaire, notamment en direction des musulmans. Cette activité a provoqué de nombreuses réactions dans les milieux musulmans, allant jusqu’à de multiples menaces de mort. C’est pourquoi, lorsque le 19 novembre 2009 il a été assassiné dans son église par un inconnu qui a pris la fuite, les soupçons se sont portés immédiatement sur les milieux musulmans.

Nous nous pencherons d’abord sur la personnalité de ce prêtre et essayerons de situer son attitude vis-à-vis de l’islam par rapport à la politique de l’Église orthodoxe russe. Puis, nous chercherons à savoir dans quelle mesure, malgré leur caractère atypique, les convictions du père Daniel ne s’inscrivent pas dans une interrogation plus générale de certains orthodoxes à propos de l’islam. Nous examinerons ensuite la politique missionnaire qu’il a effectivement menée à l’égard de l’islam. Enfin, dans une dernière partie, nous analyserons les réactions des musulmans, qui ont elles-mêmes engendré une série de réactions de la part de l’Église orthodoxe. Nous essaierons de déduire de l’étude de ce cas ce qu’il nous apporte à propos de la cohabitation actuelle entre orthodoxie et islam et sur ses limites.

Le père Daniel : un missionnaire à contre-courant de la politique de l’Église orthodoxe russe

Un prêtre au tempérament combatif

Le père Daniel est né à Moscou en 1974 de parents d’éducation soviétique convertis à l’orthodoxie. Son père, Alexis Syssoev, a sûrement joué un rôle important dans sa formation spirituelle. Instituteur, devenu prêtre, il mena un travail missionnaire dans l’enseignement orthodoxe dès que cela fut à nouveau possible. De 1990 jusqu’en 2006, il fut ainsi le directeur de la première école orthodoxe à ouvrir en Russie depuis la révolution, le lycée orthodoxe classique (pravoslavnaja klassičeskaja gimnazija) de Yassenovo (arrondissement du Sud de Moscou), fondé par l’association Radonège, association de tendance traditionaliste, dont le lycée porte le nom. Le père Alexis est aujourd’hui rattaché à l’église des apôtres Pierre-et-Paul à Yassenovo. Autre fait non négligeable dans la formation de la conception de l’orthodoxie du père Daniel Syssoev, sa mère, Anna Midkhatovna Amirova, était d’origine tatare. Elle aussi, orthodoxe engagée, enseigne le catéchisme au lycée Radonège.

Daniel Syssoev a choisi de bonne heure la voie sacerdotale. Il est entré au séminaire de Moscou avec la recommandation du père Artème Vladimirov, prédicateur réputé, qui a exercé sur lui une forte influence[1]. Il a terminé le séminaire de Moscou et est devenu diacre en 1995 après avoir épousé Julia Brykine, la fille d’un homme d’affaires connu. Son intérêt pour les religions et confessions non orthodoxes s’est manifesté dès l’époque de ses études : il a consacré une thèse aux Témoins de Jéhovah et aux adventistes du Septième Jour qu’il a soutenue en 2000 à l’Académie de théologie de Moscou. Il est devenu prêtre en 2001, à 27 ans, donc avant l’âge canonique de 33 ans, comme c’était souvent le cas à cette époque où l’on manquait de prêtres. Son activité de pasteur s’est limitée à huit années. Il a d’abord été envoyé à l’église des apôtres Pierre-et-Paul à Yassenevo, puis en 2003 il a fondé la paroisse du prophète Daniel dans un quartier du Sud de Moscou.

Au sein de l’Église orthodoxe, il était considéré par les uns comme un original ou un illuminé, et par les autres comme un père spirituel exceptionnel. Ses enfants spirituels et le père Jean Popadinets, qui a été le deuxième prêtre de la paroisse et en est aujourd’hui le recteur, soulignent l’amour et l’attention qu’il portait à chacun. Il a sans aucun doute exercé une influence déterminante sur sa paroisse, suscitant de nombreuses vocations de chrétiens engagés et s’investissant personnellement dans toutes les activités paroissiales. Dès ses années de diaconat, il s’est signalé comme polémiste défendant un genre d’ultra-orthodoxie et critiquant l’influence du modernisme dans l’Église orthodoxe[2]. Il s’en est pris aussi bien à l’Église russe hors-frontières, qu’aux théologiens de l’école de Paris, ou aux défenseurs des théories de l’évolution qui, d’après lui, auraient dû être exclus de l’Église[3]. De caractère indépendant, il a critiqué à maintes reprises la hiérarchie.

Il a remis en cause la politique de l’Église orthodoxe russe vis-à-vis des autres religions

Le père Daniel s’est opposé à la vision ethnique de la religion souvent sous-entendue dans les positions officielles. Pour lui, il n’y avait pas de différence entre les nations, et le christianisme s’adressait à tous. Il se disait « ouranopolite[4] », c’est-à-dire citoyen du ciel :

L’ouranopolitisme est un enseignement qui affirme la primauté des lois de Dieu sur les lois terrestres, le primat de l’amour envers le Père et Son Royaume céleste, sur toutes les aspirations naturelles et pécheresses de l’homme. L’ouranopolitisme affirme que la parenté principale n’est pas la parenté par le sang ou le pays d’origine, mais la parenté en Christ. […] L’ouranopolitisme affirme que les chrétiens sont des pèlerins et des étrangers dans le monde mortel et que leur patrie est au ciel[5].

Depuis la fin des années 1990, la théorie proclamée officiellement des « religions traditionnelles » a partagé la Russie en sphères d’influence des différentes religions dites « traditionnelles ». Une espèce de statu quo tacite s’est instauré entre ces religions, chacune devant se limiter à sa propre sphère ethnique et toute dérogation étant ressentie et dénoncée par les autres comme un acte de prosélytisme déloyal. Officiellement, les relations entre orthodoxie et islam sont excellentes. Le patriarche Alexis II a dressé un tableau irénique des relations entre les deux religions en Russie :

Au cours du dernier millénaire, les religions traditionnelles professées par les peuples de Russie ont gardé chacune leur particularité sans devenir une cause de conflits. La Russie est un des rares pays multi-religieux et multi-ethniques qui n’ait pas connu de guerre de religion […]. La Russie a élaboré un système efficace de rapports interreligieux dont la pierre angulaire est un principe de coexistence pacifique dans le respect mutuel[6].

Depuis son élection, le patriarche Kirill a mis l’accent sur la nécessité de la mission dans l’Église orthodoxe, mais en même temps il semble que sa conception d’une civilisation orthodoxe qui s’identifie à la civilisation russe laisse peu de place à une mission vers les peuples non traditionnellement orthodoxes. Il a continué la politique de son prédécesseur vis-à-vis de l’islam. Les relations officielles entre Église orthodoxe et islam sont aujourd’hui généralement cordiales, et se traduisent par une collaboration des institutions des deux religions, non seulement à l’intérieur de la Russie, mais aussi de la CEI, notamment au sein des Conseils interreligieux de Russie et de la CEI. Sur le plan personnel, les relations sont également souvent excellentes. Par exemple, des prêtres orthodoxes sont invités aux fêtes musulmanes et entretiennent des relations amicales avec des muftis. Les fidèles sont souvent très ouverts, ainsi, au Tatarstan, une musulmane peut prier dans un monastère orthodoxe, et une orthodoxe peut se rendre chez des amis musulmans prier avec eux pour leur défunt. Une longue tradition de cohabitation pacifique existe effectivement.

Le père Daniel a pourfendu le concept officiel de « religion traditionnelle » parce qu’il induit que toute religion anciennement implantée sur le territoire russe est, par là même, bonne et sans danger, alors que, pour lui, l’islam, classé « religion traditionnelle », était lié au terrorisme, comme le montrait l’histoire récente en Russie, en Amérique, en Inde, aux Philippines, etc. Il a également remis en cause la vision officielle idéalisée des relations orthodoxie/islam dans l’histoire russe. Son interprétation était au contraire conflictuelle et il en apportait notamment comme preuve, le fait que le mot « busurmanin » (ou « basurmanin », mot désignant les infidèles et en particulier les musulmans asiatiques ou turcs) était en russe synonyme d’ennemi. Pour lui, l’islam constituait une véritable menace pour la Russie, et les musulmans russes risquaient de transformer la Russie en Khalifat de Moscou. Les idéologies eurasistes, et notamment l’idée d’une alliance de la Russie et du monde islamique contre la globalisation américano-européenne, étaient pour lui totalement illusoires. Du reste, il pensait que l’Amérique ne constituait nullement un ennemi, ni d’ailleurs un allié, la Russie ne pouvant espérer qu’en la sainte Trinité.

Il a aussi critiqué le fait que le concept de « religions traditionnelles » entraîne le renoncement à toute mission chez des peuples traditionnellement non orthodoxes, et donc la perte du critère de vérité, et l’indifférence à l’égard du salut d’autrui[7]. Pour lui, l’État et la société devaient refuser le « politiquement correct », toute coexistence pacifique des religions étant illusoire dans la mesure où « tout système religieux prétend toujours à l’exclusivité, se considère comme le seul détenteur de la vérité, et cherche à faire de tous ses adeptes[8] ». Dans son article « Éloge du prosélytisme[9] », sur sa page personnelle Internet, il a critiqué le fait que le Patriarcat de Moscou s’en prenne au prosélytisme des catholiques sur le territoire canonique de l’Église russe, prosélytisme qu’il jugeait naturel et admirable de la part des catholiques et contre lequel la seule véritable réponse devait être une action missionnaire de l’Église orthodoxe. Pour le père Daniel, les orthodoxes devaient prêcher à tous, sans limite de religion ou de frontières. Il disait :

La paix avec l’islam n’est possible qu’à la condition d’avoir une Église forte, une orthodoxie forte, qu’avec une idéologie orthodoxe – un modèle de conduite pour les orthodoxes. C’est la seule chose qui pourra préserver la Russie, alors que le libéralisme la fera éclater et la détruira comme il a déjà détruit l’Union soviétique[10].

Et il fustigeait l’absence de politique missionnaire du Patriarcat de Moscou à l’égard des musulmans, notant que seul l’évêché d’Alma-Ata menait une politique de traduction de l’Écriture en langue locale. Pour lui, l’époque actuelle, où les jeunes sont élevés dans un État tout juste sorti de l’athéisme, avec une influence amoindrie des traditions religieuses, était particulièrement propice à la conversion de jeunes venus de milieux musulmans, et il fallait en profiter. Il dénonçait le fait que bien souvent les orthodoxes eux-mêmes, y compris le clergé, décourageaient les musulmans de devenir orthodoxes. Il disait : « Ne trouvant pas de compréhension dans les Églises orthodoxes, les jeunes se tournent vers le protestantisme (Kirghizie, Ouzbekistan, Tadjikistan) ou le catholicisme (Kazakhstan)[11].

Cette vision est apparue dans un contexte où l’islam est souvent ressenti comme une menace

L’inquiétude du père Daniel vis-à-vis de l’islam, si elle n’était pas partagée officiellement par le Patriarcat de Moscou, correspondait néanmoins à la préoccupation de nombreux Russes et orthodoxes. Depuis quelques années, les prévisions démographiques les plus alarmistes mettent l’accent sur la croissance de l’islam en Russie. Certains spécialistes prévoient que, du fait de l’importance de l’émigration, en 2050 la moitié de la population de Russie, ou même plus, sera islamisée. Suivant un autre scénario, la population diminuerait dangereusement jusqu’à environ 100 millions d’habitants, tandis que celle des États musulmans voisins de la Russie atteindrait les 600 millions. V. Ya. Belokrenitski remarque : « De telles tendances et perspectives augmentent considérablement la signification du facteur islamique pour la Russie […][12]. »

Cette crainte est nourrie par le fait que l’islam en Russie est de plus en plus visible et que ses exigences sont de plus en plus grandes. Ainsi, Raviil Gaïnoutdine, président du Conseil des muftis de Russie, a demandé à l’Église orthodoxe russe, aux juifs et aux autres organisations religieuses, de reconnaître le Coran comme le « Troisième Testament », la dernière révélation de Dieu. Il y aurait ainsi l’Ancien Testament, le Nouveau Testament, puis le Coran. Le mufti a précisé que si les chrétiens acceptaient ce principe, « les orthodoxes manifesteraient enfin plus de bienveillance à l’égard des musulmans, cesseraient d’estimer que seule l’orthodoxie a droit de cité dans notre pays tandis que les autres religions n’y seraient que des intruses[13] ». Pour lui, l’islam a d’autant plus droit à être traité avec respect qu’il était présent sur le territoire de l’actuelle Russie avant le christianisme :

L’islam était présent sur notre sol bien avant le baptême de la Russie : une mosquée y fut construite au viiie siècle à Derbent, dans le Daghestan. L’islam n’est pas une religion d’intrus, de migrants, elle est confessée par des habitants de souche de la Russie[14].

Certains chefs musulmans, comme par exemple le mufti Achirov, réclament que l’on supprime la croix des armoiries russes.

Un autre élément qui fait percevoir l’islam comme une menace est la conversion de Russes à l’islam. En réalité, les chiffres sont très controversés : des leaders musulmans parlent de plusieurs dizaines de milliers de personnes, tandis que Roman Silantiev, directeur du Centre de défense du droit auprès du Congrès panrusse mondial (Pravozaščitnyj centr Vsemirnogo russkogo narodnogo sobora), et collaborateur du département des Relations extérieures du Patriarcat de Moscou, écrit que les convertis ne seraient en 2006 que 3 000 dont une grande majorité de femmes ayant épousé des musulmans[15]. En tout cas, récemment, au moins quatre prêtres orthodoxes (sur plus de 24 000) se sont convertis à l’islam : l’archiprêtre Viatcheslav Polossine, le prêtre Serge Timoukhine, le hiéromoine Michel Kisselëv et le prêtre et enseignant de l’histoire de l’Église au séminaire de Koursk, Vladislav Sokhine.

La crainte de voir l’islam supplanter les autres religions en Russie et en Europe apparaît dans des textes de fiction. Ainsi, dans l’un des numéros de la revue Le Feu de la grâce (Blagodatnyj ogon’), un article montre la Russie en 2031, devenue un émirat d’un khalifat arabe, et la place Rouge transformée en place Chamil Bassaev avec une grande mosquée-cathédrale. La romancière Éléna Tchoudinova a imaginé un roman, aujourd’hui traduit en français, sur Notre-Dame de Paris transformée en mosquée[16].

L’extrémisme fait également peur. Alexandre Ignatenko, président de l’Institut de la religion et de la politique et auteur de plusieurs livres sur l’islam, se réfère à une enquête effectuée dans 50 pays et montrant la popularité de Ben Laden auprès des populations de ces pays. Une étude menée en 2003 parmi les croyants fréquentant la grande mosquée de Moscou désigne le leader du terrorisme mondial en troisième position de prestige (20 % des voix) derrière les muftis Ravil Gaïnoutdine, imam de la grande mosquée de Moscou, et Chamil Aliaoutdinov de la mosquée du mont Poklonnaïa à Moscou[17]. Roman Silantiev, dans son encyclopédie controversée, mais bien documentée, L’Islam dans la Russie contemporaine (basée sur une abondante littérature, de nombreuses archives et plus de 700 interviews), estime que les wahhabites représentent environ 2 à 10 % des musulmans de Russie (de 300 000 à 1 500 000 personnes). Leur part est la plus importante parmi les musulmans de Tchétchénie, du Daguestan, de Kabardie-Balkarie, de Karatchaevo-Tcherkessie et dans le territoire de Stavropol, ainsi que parmi les nouveaux convertis à l’islam (chez lesquels les wahhabites seraient 50 à 60 %). Ces personnes dites « wahhabites », comme on les désigne aujourd’hui en Russie, appartiennent en fait à des groupes très divers, mais qui présentent d’après Silantiev certains points communs :

Une relation intolérante envers les dissidents, la volonté de créer un État qui applique la charia, la conviction de mener le djihad contre le pouvoir athée, et la tendance à utiliser la force dans la pratique missionnaire sont caractéristiques de ce genre de groupuscules. Beaucoup de groupes terroristes reconnaissent le terrorisme comme le moyen le plus sûr d’atteindre les objectifs fixés[18].

Le père Daniel Syssoev a organisé une véritable mission en direction des musulmans

Peu à peu, le père Daniel Syssoev a élaboré une véritable stratégie missionnaire en direction de l’islam, qui s’appuyait en partie sur l’expérience de Nicolas Ilminski (1822-1891) appliquée au Kriachènes dans la deuxième moitié du xixe siècle et étendue à d’autres peuples. Face au vide officiel, il a proposé sa propre conception dans un article, paru en 2003, intitulé « Sur la mission orthodoxe parmi les musulmans[19] ». Sa mission était constituée d’un volet défensif et d’un volet offensif.

Une mission défensive pour protéger les Russes de l’islam

Comme nous l’avons vu, pour le père Daniel, l’islam représentait une menace. Il a donc essayé de mettre au point une réponse aux différents aspects spirituels de cette menace : prévenir les conversions et modérer l’influence des conversions.

Le mariage avec un musulman étant un cas classique de passage à l’islam, il a mis en garde les femmes contre ce genre de mariage (d’après lui le cas de l’homme orthodoxe qui épouserait une femme musulmane serait beaucoup plus rare, car l’islam interdit formellement un tel mariage). Il interprétait les Écritures, Ancien et Nouveau Testament, dans le sens d’une interdiction de contracter le mariage avec des non-chrétiens. Il rappelait la loi russe de l’interdiction du mariage avec des non-chrétiens, en vigueur jusqu’à la révolution russe, et le fait qu’un tel mariage, étant considéré comme illégal, n’était pas reconnu du tout. Les enfants nés d’un tel mariage étaient considérés comme illégitimes et ne pouvaient hériter des biens ou titres de leurs parents. Le chrétien qui contractait un tel mariage était excommunié pendant quatre ans. À celles qui voudraient, malgré tout, épouser un musulman, le père Syssoev dressait un tableau dissuasif des normes musulmanes de comportement envers l’épouse : « […] les relations à la femme dans l’islam sont insupportables pour ceux qui ont été éduqués dans l’esprit de l’amour entre homme et femme comme norme de la vie conjugale[20]. » Et il n’hésitait pas à outrer ses descriptions :

Voilà, mes chères, en concluant un mariage musulman, vous devez être prêtes à ce qu’on s’adresse à vous comme à des animaux, vous devez être prêtes à des infidélités qui ne sont même pas considérées comme telles, à des violences autorisées par le Coran de la part de votre mari[21].

Enfin, à celle qui aurait déjà épousé un musulman, le père Daniel conseillait de vivre dans la paix, autant que possible, sinon de divorcer, en particulier dans le cas où le mari obligerait sa femme à adopter l’islam. Il donnait de nombreux arguments théologiques à la femme qui souhaiterait convaincre son mari de la supériorité du christianisme sur l’islam.

Les conversions de prêtres orthodoxes à l’islam ont fait l’objet de vives réactions dans l’Église orthodoxe. L’ex-père Vladislav Sokhine ayant donné une longue justification publique de son passage à l’islam, plusieurs prêtres et théologiens, dont le père Daniel, ont répondu à ses arguments dans un recueil collectif, La Réponse orthodoxe à l’islam, paru en 2007. Le père Daniel Syssoev a également participé à des débats publics avec Ali Polossine, autre prêtre orthodoxe transfuge. Par exemple, dans l’un de ces débats, qui portait sur le thème « Bible ou Coran comme révélation de Dieu[22] », les deux hommes ont exposé longuement leurs arguments sur un ton courtois devant un public très attentif en majorité composé de musulmans. En définitive, il était difficile de dire à quelle religion le débat avait le plus profité. Par écrit ou oralement, le père Daniel s’est efforcé de répondre point par point à tous les arguments théologiques avancés par les défenseurs de l’islam. Habilement, il n’hésitait pas à s’appuyer sur le Coran, pour défendre la Bible, accusant ainsi ses adversaires de mal connaître l’islam. Nous ne répéterons pas ici tous ses arguments qui sont dans le style de ceux des auteurs orthodoxes russes de la deuxième moitié du xixe siècle[23] et n’hésitent pas à employer des expressions offensantes à l’égard de l’islam. Par exemple, commentant la défaite de Mahomet à Oukhoud (Uxud) alors que Mahomet avait prévu la victoire, le père Daniel en concluait que Mahomet avait ainsi clairement démontré qu’il était un faux prophète (« lžeprorok[24] »). Il aimait à dire : « Dieu ne te trahira pas et l’islam ne t’avalera pas[25] » [« Bog ne vydast, islam ne s″est »], modification du proverbe « Dieu ne te trahira pas et un cochon ne t’avalera pas » [« Bog ne vydast, svinija ne s″est »]. Il s’attaquait aussi à la mise en pratique de leur foi par les musulmans. Par exemple, à l’accusation portée contre les orthodoxes de boire outre mesure, le père Daniel répondait que beaucoup de musulmans buvaient aussi dans le privé, et qu’ils produisaient 60 % des drogues de la planète, en consommant de grandes quantités. À l’affirmation que l’islam est la « religion de la paix », il répondait que 80 % des actes terroristes dans le monde étaient accomplis par des musulmans. Il reprochait aux musulmans de prier en arabe, langue que 90 % des musulmans de Russie ne comprennent pas. Il pourfendait également la saleté des villes d’Égypte ou de Palestine qui contredisait la pureté corporelle affichée par les musulmans[26]. Enfin, il brandissait une menace terrible : « La Bible dit que Sokhine et tous les musulmans n’ayant pas cru au Fils de Dieu ne verront pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur eux (Jean, 3, 36). […] Au Jugement dernier, la parole même du Christ […] les jugera – lui [Sokhine] et tous les musulmans (Jean, 12, 49)[27]. » Plusieurs proches du père Daniel tenaient un langage non moins direct. Youri Maksimov, par exemple, répondant à la demande faite par le chef de la Direction spirituelle des musulmans de Tioumen, F. Garifullin, au patriarche Alexis II d’accorder la permission aux musulmans de célébrer leur office le vendredi dans des églises orthodoxes, dans les régions où les mosquées ne suffisent pas, déclara sur Radio Radonège que cette demande ignorait la règle proclamée, notamment au concile de Laodicée (364), selon laquelle « on ne doit pas laisser entrer des hérétiques dans la maison de Dieu, et que ceux des serviteurs du culte qui les laissent entrer doivent être exclus de l’Église[28] ».

Une mission offensive pour convertir les musulmans

Le père Daniel a commencé à prêcher parmi les musulmans de façon spontanée, alors qu’il était encore diacre, en répondant à ceux qu’il rencontrait, et en particulier à ceux qui l’accusaient d’avoir renié la foi de ses ancêtres d’origine tatare. Dans la polémique, il l’emporta à plusieurs reprises et plusieurs Tatars devinrent orthodoxes. Il s’aperçut alors que les convertis venant de l’islam avaient besoin d’un soutien psychologique, car ils se heurtaient à l’incompréhension de leur milieu qui les accusait de trahison, d’abandon des traditions familiales, de russification ; ils se heurtaient également à l’incompréhension fréquente des orthodoxes russes[29]. Il fallait donc penser à une approche spécifique pour accueillir ces nouveaux convertis. Peu à peu, le père Daniel a mis en place une mission plus organisée, notamment avec l’aide de convertis de la première heure, et son ambition vis-à-vis des musulmans s’est affirmée : « […] la meilleure victoire contre la menace islamiste est la conversion de tous les musulmans au christianisme orthodoxe[30]. »

Dans ce but, il estimait que les grandes lignes d’une politique missionnaire parmi les peuples musulmans devaient être les suivantes :

  • 1. Éditer et étudier les écrits des Pères consacrés à l’islam, ainsi que l’expérience missionnaire des siècles précédents, et faire connaître les saints orthodoxes venus de l’islam.
  • 2. Renforcer la présence orthodoxe dans les régions à majorité musulmane en Russie, comme la Tchétchénie et la région de la Volga. Étant donné le danger que représente l’idéologie du djihad, l’État doit participer au financement des missions orthodoxes, y compris dans les anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale (qui dépendent toujours du Patriarcat de Moscou).
  • 3. Traduire et éditer de la littérature orthodoxe dans les langues des différents peuples et créer des sites missionnaires sur Internet.
  • 4. Former des prêtres missionnaires parlant parfaitement les langues turques et caucasiennes, et célébrer des offices dans ces langues.
  • 5. Créer des communautés liturgiques nationales où pourraient se retrouver les convertis de l’islam.

Au cours de ses quelques années de prêtrise le père Daniel a commencé à appliquer plusieurs points de ce programme.

Une mission ambitieuse a été mise en place

En quelques années, le père Daniel a inauguré une activité missionnaire dans de nombreuses directions : les musulmans, mais aussi les athées, les chrétiens non orthodoxes, les membres de sectes, les vieux-croyants, les skinheads. Cette activité missionnaire qui a débuté en 1996 au Centre Saint-Jean-de-Cronstadt, a trouvé sa pleine expression dans le cadre de sa nouvelle paroisse. La première étape a été la construction et l’ouverture, en novembre 2006, de l’église de l’apôtre Saint-Thomas, église provisoire en bois d’une capacité d’accueil de 80 personnes, en attendant la construction d’une église plus importante (2 000 personnes) dédiée au prophète Daniel. La paroisse a immédiatement développé une importante activité missionnaire : des cours de préparation au baptême le vendredi à partir de 19 heures, des conversations sur la Bible le jeudi à partir de 19 heures, une maison d’édition, des discussions pour les enfants le dimanche, une prière régulière pour les non-orthodoxes. La paroisse a également mis sur pied une école de chant, un atelier d’iconographie et une troupe de scouts. Dès 2006, elle a inauguré un Centre des missions (aujourd’hui appelé Centre missionnaire du prêtre Daniel Syssoev), dont le but était de couvrir aussi bien l’ensemble du territoire russe que l’étranger. Elle a aussi ouvert l’agence d’information Saint-Akhmet[31].

Le père Daniel ne perdait pas une occasion de prêcher, allant au devant des gens et procédant un peu comme certains protestants. Il participait volontiers à des débats publics. Il s’est aussi rendu, avec des dizaines de Tatars orthodoxes de sa communauté, pour tenir un stand à la fête du Sabantuï (la principale fête des Tatars) à Moscou, y présentant un livre de prières en tatar, et célébrant des prières d’intercession dans cette langue. Il a aussi organisé plusieurs voyages avec des groupes missionnaires dans des régions majoritairement musulmanes : voyage parmi les villages kriachènes du Tatarstan en 2007 ; au Kirghizstan en 2008 (il est vrai la mission était surtout destinée aux différentes sectes chrétiennes qui pullulent au Kirghizstan) ; à Zainsk au Tatarstan en 2009. En Égypte, il a passé des heures à essayer de convaincre son guide musulman et il est intervenu à la télévision dans des discussions sur la foi avec des muftis. Si la discussion orale restait pour lui un moyen privilégié pour convaincre ses interlocuteurs, il a aussi écrit de nombreux livres, brochures et articles contre la théorie de l’évolution, sur l’utilité du baptême, sur l’islam, etc. Il s’est également servi très abondamment d’Internet. Jusqu’à maintenant, la « Page personnelle du père Daniel Syssoev[32] » propose, entre autres, une rubrique sur l’islam.

Le 15 octobre 2008, l’École de préparation de missionnaires orthodoxes a ouvert avec le soutien de la Commission épiscopale pour les affaires de la jeunesse de la ville de Moscou. Les études, d’une durée d’un an, étaient composées à la fois d’un enseignement théorique et d’une pratique du travail missionnaire ; c’est-à-dire que chaque semaine, les étudiants devaient aller au-devant des gens, dans la rue ou sur les marchés, par exemple, pour essayer de les convertir. Aux côtés de son directeur, le père Daniel, y enseignaient notamment le père Oleg Steniaev, autre missionnaire connu, et Youri Maksimov. L’école a commencé son activité avec 35 étudiants.

À l’église, on célébrait des offices de demande (moleben) pour la conversion des musulmans et « autres hérétiques ». Tandis que le site de la paroisse affichait les prières d’un rite de passage de l’islam à l’orthodoxie qui imposait au candidat au baptême ou à la réunion à l’orthodoxie de reconnaître que Mahomet est un faux prophète et de renier explicitement plusieurs croyances de l’islam : le Coran, le pèlerinage à La Mecque, la polygamie. Il faut dire que de façon symétrique, un site musulman proposait de devenir musulman par un simple clic. À l’église Saint-Thomas, le père Daniel célébrait plus ou moins régulièrement des offices en tatar. Démarche originale, le site « Tatares orthodoxes[33] », fondé par les Tatars de la paroisse Saint-Thomas érigés en communauté, a mis en avant des saints appartenant au peuple tatar et qui peuvent servir de référence aux convertis, comme le martyr Abraham de Bulgarie, marchand converti à l’orthodoxie au temps des Bulgares de la Volga (xiiie siècle), Pafnouti Borovskoï (xve siècle), la martyre Platonide, convertie à l’orthodoxie et tuée par des parents musulmans (xixe siècle), etc. Youri Maksimov a rassemblé les vies d’orthodoxes venus de l’islam[34]. Le site du Centre missionnaire comprend aussi les témoignages détaillés de convertis récents venus de l’islam[35].

Tous ces efforts ont effectivement abouti à des conversions. Les positions du père Daniel lui valaient une certaine notoriété chez les musulmans, dont certains, venus pour essayer de le convertir à l’islam, se sont fait ensuite baptiser. Le père Daniel, lui-même, aurait converti 80 musulmans (mais environ 500 protestants, dont un bon nombre au Kirghizstan)[36]. Il réussit même, paraît-il, à convertir certains islamistes, dont un Pakistanais et une femme qui s’apprêtaient à commettre des attentats.

En tout, en Russie, d’après Roman Silantiev, il y aurait jusqu’à 2 millions de musulmans ethniques qui seraient devenus orthodoxes ces 20 dernières années (jusqu’en 2006)[37]. Le père Daniel n’est pas le seul prêtre à s’être adressé à ces musulmans ethniques. Par exemple, le père Anatoly Tchistoousov (tué le 14 février 1996) qui servait à Grozny, avait converti et baptisé plusieurs Tchétchènes, dont l’un est devenu moine et prêtre. Le père Séraphim Giamdeev, prêtre orthodoxe tatar venu de l’islam, célébrant dans l’Oural, a baptisé 300 Bachkires et Tatars[38]. 400 prêtres orthodoxes appartiendraient à des ethnies habituellement musulmanes, alors qu’en 2006 seulement deux imams étaient d’origine russe[39].

L’activité du père Daniel a engendré une crise dont les autorités ont essayé de sortir après l’assassinat de celui-ci

L’activité du père Daniel a engendré des réactions violentes de la part de certains musulmans

De son vivant, le père Daniel était considéré par les musulmans comme « un célèbre ennemi de l’islam[40] ». Son cas était dénoncé comme empêchant le dialogue interreligieux. Ainsi, Ravil Gaïnoutdine déclara :

Il est difficile de parler d’un vrai dialogue quand, dans certaines églises de Moscou, des prêtres affirment publiquement que l’islam est une hérésie chrétienne. […] Un dialogue ne peut être productif que s’il est mené dans le respect mutuel[41].

En 2007, la journaliste musulmane Kh. Khamidoullina saisit le parquet d’une plainte contre le père Daniel pour incitation à la haine religieuse et ethnique, mais le parquet classa l’affaire sans suite[42]. En octobre de la même année, le co-président du Conseil des muftis de Russie, Nafigulla Achirov, a également menacé le père Daniel d’un procès et l’a comparé à l’écrivain Salman Rushdie, condamné à mort en Iran pour propos offensant l’islam, à cause de son livre Le Mariage avec un musulman[43].

En tout, le père Daniel avait reçu quatorze menaces de meurtre de la part de musulmans, avant d’être assassiné le 19 novembre 2009[44]. L’un de ses collaborateurs a été grièvement blessé et, plus tard, un autre prêtre de la paroisse a été frappé par des inconnus. Vu les nombreuses menaces de mort reçues auparavant, la plupart des observateurs en ont conclu que l’attentat avait été commis par un musulman. Mais Roman Silantiev, comme d’autres observateurs, n’exclut pas que l’attentat ait été commandité par un groupe ayant intérêt à brouiller orthodoxes et musulmans. Le Mouvement contre l’immigration illégale a proposé une récompense de 100 000 roubles à toute personne donnant des informations sur le meurtrier, tandis qu’une société d’investissement a proposé un million de roubles. Pourtant, jusqu’à maintenant, l’identité de l’assassin reste inconnue. L’attentat aurait été revendiqué par un groupe d’islamistes du Caucase du Nord et aurait été commis par un homme qui aurait prêté serment à l’émir Abu Ousman (l’ex-président de la République autoproclamée d’Itchkérie, Dokkou Oumarov). En mars 2010, un représentant des Services de renseignement de la Fédération de Russie a déclaré que le 1er décembre 2010, un homme originaire du Kirghizstan, Beskoultan Karybekov, a été tué par les organes de sécurité à Makhatchkala. On aurait trouvé en sa possession le pistolet qui a servi à tuer le père Daniel. Cependant, des journalistes du Kirghizstan ont émis des doutes sur l’identité de l’homme tué.

Les efforts pour retourner au « principe de coexistence pacifique »

En tout cas, aussi bien les autorités politiques russes, que les autorités musulmanes et les autorités de l’Église orthodoxe ont cherché à minimiser l’aspect religieux du crime. Aussitôt après le crime, le Conseil des muftis de Russie s’est empressé de déclarer qu’il était indispensable que les musulmans et les orthodoxes conservent de bonnes relations, ajoutant que « l’islam interdit le crime d’un homme innocent et qu’il assimile un tel crime à celui de l’humanité tout entière[45] ». Le patriarche Kirill, quant à lui, n’a fait aucune allusion à l’islam lors de l’enterrement et a appelé à ne pas se dépêcher d’accuser tel ou tel groupe tant que le nom du criminel n’était pas connu.

Il en est toujours ainsi dans des cas semblables, car toutes les parties ont intérêt au rétablissement de la cohabitation pacifique des orthodoxes et des musulmans. Cela a été le cas, par exemple, après l’assassinat de trois autres prêtres tués par des musulmans : un en Tchétchénie, un en Ingouchie, un en Kabardino-Balkarie. Dans ces trois cas, les autorités politiques se sont dépêchées d’annoncer que le meurtre n’avait pas de motifs religieux et les criminels, lorsqu’ils ont été retrouvés, ont été reconnus irresponsables[46]. L’islam officiel nie toujours la responsabilité de l’islam dans les crimes imputés à des musulmans, et les autorités officielles orthodoxes adoptent une position conciliatrice et tendent toujours, elles aussi, à disculper l’islam. Il en a encore été ainsi après l’attentat du métro de Moscou commis le 29 mars 2010, où le patriarche Kirill a fait une déclaration dans laquelle il a parlé de terrorisme, mais pas de terrorisme islamiste. Pourtant, les choses peuvent-elles redevenir exactement comme avant ? Ces meurtres n’ont-ils aucun impact sur les relations entre orthodoxes et musulmans ?

Le père Daniel est désormais un martyr, cependant tous les orthodoxes n’approuvent pas ses méthodes

Même si les autorités politiques et religieuses ont essayé d’abolir le côté religieux du meurtre, le père Daniel n’en est pas moins devenu un martyr, c’est-à-dire un chrétien mort pour sa foi. Le père Daniel, lui-même, avait de son vivant involontairement construit cette image. Ayant reçu de nombreuses menaces de mort, il déclarait que s’il était tué il mourrait martyr et répétait que ce genre de mort était le meilleur pour un chrétien. Sa mort a aussitôt été interprétée comme telle. L’office de l’enterrement a été célébré avec une solennité inhabituelle pour un simple prêtre, par l’archevêque Arsène et le patriarche Kirill en personne. Une foule nombreuse y assista et ceux qui ne purent entrer dans l’église suivirent l’office dehors sur un écran. Une centaine de personnes l’accompagna ensuite au cimetière Kountsevskoe à Moscou. Le patriarche Kirill qualifia le père Daniel de martyr :

Le père Daniel a fait beaucoup pour affirmer la vérité de Dieu, participant à de nombreuses discussions. Mais, le mot le plus fort qu’il a prononcé est sans doute ce dont nous sommes les témoins aujourd’hui. Si on tue pour la vérité divine, cela veut dire que cette vérité frappe les gens qui ne l’acceptent pas, et qu’elle possède une force énorme[47].

Il a rappelé les paroles de Tertullien selon qui le « sang des martyrs est la semence du chrétien[48] ».

Tout ce qui peut aller dans le sens de la sainteté du défunt a été souligné par ceux qui l’ont connu, et rapidement divulgué sur Internet. Les commentateurs ont remarqué que le quarantième jour après sa mort était le jour de la fête de son saint patron, le prophète Daniel. Sa femme a mentionné la prophétie d’un starets suivant laquelle l’église du prophète Daniel serait construite, mais que le père Daniel n’y célébrerait pas. Rapidement s’est dessinée l’image d’un saint, non seulement par sa mort, mais par sa vie. Son ami, Youri Maksimov, a fait paraître un article dans lequel il a esquissé le portrait classique dans l’hagiographie chrétienne d’un homme qui a mené une vie sainte depuis le plus jeune âge, écoutant attentivement les vies de saints que lui lisaient sa mère et confessant le Christ devant les enfants de sa classe et sa maîtresse qui se moquait de sa foi. Le jeune Daniel décida de devenir prêtre après un appel divin : « Ce désir lui était venu dans son enfance, quand il connut une mort clinique, et vit un ange qui fit retourner son âme dans son corps[49]. » Enfin, Maskimov louait les qualités exceptionnelles du prêtre :

Je connais beaucoup de prêtres en Russie, mais je n’ai jamais rencontré d’homme qui aime aussi fortement Dieu, avec une telle abnégation. Justement, peu avant sa mort, étant présent à l’une des conversations catéchétiques du père Daniel, j’ai pensé que seul un homme qui aime profondément pouvait parler deux heures et demie de Dieu et seulement de Dieu, et parler de telle façon que son auditoire l’écoute deux heures et demie dans le plus grand silence[50].

Le père Daniel marchait toujours devant Dieu. Et bien que cela soit, avant tout, un état de l’âme qui tend entièrement vers Dieu, cet état apparaissait aussi littéralement, dans sa façon de marcher, son discours, sans parler de ses actes et de ses paroles[51].

Aujourd’hui, le souvenir du père Daniel perdure dans sa paroisse où ceux qui l’ont connu, de l’actuel recteur, le père Jean Popadinets, au simple paroissien, tous soulignent ses qualités d’amour et de foi. À l’endroit où il a été tué est accrochée sa photographie que les paroissiens vénèrent pratiquement comme une icône, des traces de sang sont également conservées en guise de relique. Si les paroissiens n’évoquent pas sa canonisation, ils lui adressent des prières comme à quelqu’un qui peut les aider[52]. Son œuvre, y compris l’apostolat en direction des musulmans, se poursuit, même si c’est d’une façon sans doute plus discrète.

La même érection en martyr s’est produite dans autres cas d’assassinats d’orthodoxes par des musulmans. Ainsi, la tombe du jeune Eugène Rodionov, décapité par des Tchétchènes en 1996 pour avoir refusé de retirer sa croix et de renier sa foi pour l’islam, est devenue l’objet d’un culte populaire. Plusieurs organisations demandent la canonisation du soldat et font état de miracles survenus en le priant. La prise d’otage de Beslan a, elle aussi, été l’occasion de glorifier des martyrs. La Komsomol’skaja Pravda, par exemple, a relaté que l’un des enfants, qui portait une croix, a crié « le Christ est ressuscité » à ceux qui le menaçaient comme infidèle. C’est à ce cri que les terroristes auraient jeté leurs grenades, comme le raconta l’enfant en question après avoir pu s’échapper par une fenêtre. Pour le diacre André Kouraev, même sans cette histoire, la prise de Beslan n’est pas un simple crime, mais un crime religieux, un meurtre rituel, puisque accompli au nom d’Allah (bien que de nombreux enfants musulmans aient aussi péri). Il propose de déclarer que ce ne sont pas les kamikazes musulmans qui iront au Paradis, mais leurs victimes, indépendamment de leur vie passée[53]. À la logique du kamikaze répondrait ainsi celle du martyr chrétien. On voit dans ces cas que, même si officiellement l’islam est disculpé, ces meurtres érigés en martyres engendrent une accusation plus ou moins explicite de l’islam.

Pourtant, si le père Daniel est admiré comme martyr, cela ne veut pas dire que son activité et ses méthodes soient approuvées. Il n’est pas devenu un modèle, et l’incompréhension touche le fond même de son activité. La réaction de nombreux orthodoxes, y compris de membres du clergé, est qu’il vaut mieux prêcher parmi les siens, d’autant plus que la proportion de pratiquants parmi les orthodoxes est extrêmement faible. La plupart estiment qu’il faut respecter la foi des musulmans et ne pas chercher à les convertir. Les méthodes, ou tout du moins la forme acerbe du discours employé par le père Daniel, sont réprouvées par la plupart des orthodoxes. Même un proche comme Youri Maksimov a pu dire qu’il n’était pas toujours d’accord avec la façon d’affirmer les choses du père Daniel et avec toutes ses opinions. Le protodiacre André Kouraev, lui-même critiqué par le site « islam.ru » pour ses propos jugés islamophobes, a déclaré que si un jour le père Daniel devait être canonisé, il ne fallait pas que ses méthodes le soient en même temps que lui. Il réprouve l’emploi de propos blessants à l’égard de l’islam, et considère que le père Daniel a été responsable du fait que de nombreux sites musulmans aient réagi avec joie à sa mort. Pour André Kouraev : « Il ne faut pas offenser ce qui est sacré pour l’autre, le missionnaire doit seulement donner[54]. » De même pour le prêtre kriachène Dimitri Sizov, la tâche du missionnaire est de montrer la beauté de l’orthodoxie et pas de critiquer les autres religions[55].

Le bilan : une coexistence des deux religions à la fois solide et vulnérable

L’expérience du père Daniel Syssoev reste un cas isolé dans l’Église russe. Il a fait partie de cette poignée de missionnaires russes enthousiastes à laquelle appartiennent le diacre André Kouraev, l’évêque Pantéleïmon (ex-prêtre Arcady Chatov), l’higoumène Serge Rybko, le père Oleg Steniaev, pour ne citer que des Moscovites. Ces missionnaires contrastent avec la majorité des membres du clergé russe qui se préoccupent surtout de construire ou de restaurer des bâtiments ecclésiastiques et ne prêchent qu’à ceux qui font eux-mêmes le premier pas vers eux. Mais le père Daniel s’est distingué des trois premiers par sa façon d’aborder les non-orthodoxes, y compris les musulmans, et de vouloir les convertir par un débat théologique. Notons que le diacre André Kouraev, qui a consacré tout un ouvrage à la crise des missions dans l’Église orthodoxe, propose de lutter contre l’islam essentiellement par une forte démographie ethnique des Russes, et non par une évangélisation[56].

L’attitude du père Daniel n’était pourtant pas tout à fait originale si on la rapproche de celle de certains missionnaires du xixe siècle, comme Ilminski et ses disciples, auxquels le père Daniel se réfère d’ailleurs. Eux aussi, comme le père Daniel, prônaient l’utilisation de la langue des autochtones pour la prière et la littérature spirituelle. À cette époque, la discussion sur la foi avec les musulmans se pratiquait volontiers, mais avec une différence : ces missionnaires attendaient que les musulmans viennent à eux pour discuter et ne les abordaient pas dans la rue ou dans les mosquées pour les questionner sur leur foi. Le caractère provocateur du père Daniel est plutôt rare dans la tradition russe et ressemble plutôt à la pratique de certains courants protestants. Le père Daniel s’en justifiait par un retour à la tradition apostolique. L’utilisation de la radio et d’Internet a amplifié le caractère provocateur de sa mission et engendré une vague de protestations qui s’est terminée par son assassinat.

Son attitude n’a pas été approuvée officiellement. Le retour à la coexistence pacifique avec l’islam a été privilégié par les autorités orthodoxes. Ce type de relations apparaît comme d’autant plus souhaitable que l’on est dans un contexte où, depuis la guerre de Tchétchénie, la cohabitation entre ethnies est très problématique et où l’identification entre appartenances ethnique et religieuse fait que tout frottement sur le terrain religieux peut avoir des conséquences qui dépassent le domaine religieux. Il est donc peu probable que l’importance accrue que le patriarche Kirill veut donner à la mission se répercute sur les relations à l’islam. De plus, l’attrait pour une civilisation russe n’est guère compatible avec une préoccupation spéciale pour les peuples non russes. Il est révélateur, par exemple, que même en voulant prouver que le patriarche de Moscou n’est pas seulement le patriarche des Russes, mais aussi des Ukrainiens et des Biélorusses, le président du Département des informations du synode du Patriarcat de Moscou emploie l’expression « monde russe[57] ». A fortiori, quelle peut-être la place de minorités ethniques non slaves dans ce « monde russe », dans cette Église russe fortement nationale ? Jusqu’à maintenant, il semble que la question ne soit pas résolue avec clarté.

Bien qu’un des élèves du père Daniel ait déjà manifesté l’intention de prêcher en Tchétchénie, et que l’Institut missionnaire fondé par le père Daniel ait continué à se développer après sa mort, on peut penser que l’exemple du prêtre assassiné ne sera pas suivi dans ce qu’il avait de plus agressif, car il aboutirait à une impasse : d’autres assassinats et l’exacerbation de l’intolérance religieuse. On peut supposer que sa mission se poursuivra dans un style plus discret, plus diplomatique, plus conforme à la tradition de cohabitation avec l’islam. On peut citer dans ce sens, par exemple, un prêtre d’Astrakhan qui, à une question sur une éventuelle mission à l’adresse des musulmans, répondit : « Il n’y a pas de véritable mission, de mission active, mais il y a une mission passive[58]. » C’est-à-dire que l’on baptise discrètement des Tatars ou que l’on aide des Caucasiens devenus orthodoxes à échapper à une vengeance, éventuellement on peut lire l’Évangile dans des langues de peuples musulmans à l’église, mais presque rien de plus.

Cependant, même si tout est fait pour préserver « une coexistence pacifique », le genre de crise qu’a représenté l’activité du père Daniel, puis son assassinat, ne laisse-t-il pas certaines traces ? Si on a évité de mettre officiellement l’étiquette musulmane sur le coupable, en admettant que le père Daniel était un martyr, on n’en laissait pas moins implicitement la porte ouverte à une rancœur anti-musulmane, et il n’est pas certain qu’un certain amalgame entre extrémisme islamiste et islam en général ne soit pas fait. Cette rancœur est d’autant plus probable qu’il n’y a pas eu de paroles de pardon à l’adresse de l’assassin, contrairement à ce qui fut le cas, par exemple, lors du massacre des moines trappistes de Tibhirine en 1996. Ainsi, le cas du père Daniel, celui de sa mission, comme celui de son assassinat, même s’il est peu représentatif, peut être compris comme symptomatique, de part et d’autre, d’une certaine tendance à la radicalisation des relations orthodoxie-islam qui existe actuellement en Russie, en marge de relations traditionnellement respectueuses, voire cordiales, et qui montre la fragilité de la politique officielle de « coexistence pacifique » entre religions.


[1] http://ru.wikipedia.org/wiki/Сысоев,_Даниил_Алексеевич (site consulté le 28 mars 2011).

[2] Svjaščennik Daniil Sysoev, « Put′ ot modernizma k islamu », dans Pravoslavnyj otvet islamu, Moscou, izd. xrama proroka Daniila na Kantemirovskoj, 2007, p. 47-48.

[3] Boris Knorre, « Svjaščennik Daniil Sysoev i pravoslavnaja missija sredi rossijskix musul’man », Russkoe rev’ju kestinskogo instituta, juin 2007, consultable sur http://www.portal-credo.ru/site/?act=news&id=54782 (site consulté le 28 mars 2011).

[4] Le mot est employé par saint Jean Chrysostome : Jurij Maksimov, « Neskol’ko slov ob otce Daniile Sysoeve », http://www.pravoslavie.ru/jurnal/33354.htm (site consulté le 28 mars 2011).

[5http://pr.daniil-livejournal.com (site consulté le 9 mars 2010).

[6] « Réponse du patriarche Alexis de Moscou à la lettre de 138 théologiens musulmans », Messager de l’Église orthodoxe russe, n° 9, mai-juin 2008, p. 9. Je souligne.

[7] Svjaščennik Daniil Sysoev, « Ponjatie “tradicionnye religii” kak glavnoe prepjatstvie delu pravoslavnoj missii », Blagodatnyj ogon′, 2003, n° 10, p. 94-98.

[8Ibid., p. 98.

[9http://sysoev2.narod.ru/prozelit.htm (site consulté le 24 mars 2011).

[10] Boris Knorre, « Svjaščennik Daniil Sysoev i pravoslavnaja missija sredi rossijskix musul’man », art. cité.

[11] Svjaščennik Daniil Sysoev, « O pravoslavnoj sredi musul’man », Blagodatnyj ogon′, 2003, n° 10, p. 100.

[12] V. Ja. Belokrenickij, « Islamskij mir i ego značenie dlja sovremennoj Rossii », dans Rossija i islamskij mir, Moscou, izd. Kraft, izd. Instituta vostokovedenija, RAN, 2010, p. 16.

[13] Cité par Roman Silantiev, « L’islam et le christianisme : les tentatives de renouer le dialogue », Messager de l’Église orthodoxe russe, n° 9, mai-juin 2008, p. 16.

[14Ibid., p. 16-17.

[15] Roman Silantiev, « Stanet li Rossija islamskoj? », Komsomol’skaja pravda, 20 octobre 2006, consultable sur http://www.fondiv.ru/articles/1/96/ (site consulté le 28 mars 2011).

[16La Mosquée Notre-Dame de Paris, Paris, Tatamis, 2009.

[17] Roman Silantiev, « L’islam et le christianisme… », art. cité, p. 18.

[18] Roman Silantiev, Islam v sovremennoj Rossii. Ênciklopedija, Moscou, Algoritm, 2008, p. 129.

[19] Svjaščennik Daniil Sysoev, « O pravoslavnoj sredi musul’man », art. cité, p. 98.

[20] Svjaščennik Daniil Sysoev, Brak s musul’maninom, Moscou, izd. xrama proroka Daniila na Kantemirovskoj, 2007, p. 14.

[21Ibid., p. 18.

[22Predstavlenie o Boge v xristianstve i islame, Moscou, Missionerskij centr im. iereja Daniila Sysoeva, DVD, 2010.

[23] Alexey Zhuravski, « Attitudes envers l’islam dans l’Église orthodoxe : hier et aujourd’hui », Paris, CNRS, 22-25 novembre 2004, http://east-west.rsurch.ru/article.html?id=67097 (site consulté le 10 janvier 2011).

[24] Svjaščennik Daniil Sysoev, « Put′ ot modernizma k islamu », art. cité, p. 58.

[25http://pr-daniil.livejournal.com/56054.html?page=2 (site consulté le 21 mars 2011).

[26] Svjaščennik Daniil Sysoev, « Put′ ot modernizma k islamu », art. cité, p. 73-75.

[27Ibid., p. 75.

[28] Jurij Maksimov, « Za patriarxa musul’manam otkazal edinomyšlennik Sysoeva Jurij Maksimov », 2 juillet 2008, http://www.islamnews.ru/news-12870.html (site consulté le 28 mars 2011).

[29] Boris Knorre, « Svjaščennik Daniil Sysoev i pravoslavnaja missija sredi rossijskix musul’man », art. cité.

[30] Svjaščennik Daniil Sysoev, « Put′ ot modernizma k islamu », art. cité, p. 76.

[31] Ses informations sont disponibles sur le site : http://www. mission-center.com.

[32http://sysoev2.narod.ru (site consulté le 28 février 2011).

[33http://pravoslavtatarlar.narod.ru/svyatye_te.html (site consulté le 21 mars 2011).

[34] Jurij Maksimov, « Svjatye Pravoslavnoj Cerkvi, obrativšiesja iz islama », consultable sur http://mission-center.com/islams/convert1.htm (site consulté le 21 mars 2011).

[35http://www.um-islam.nm.ru/saints.htm (site consulté le 21 mars 2011).

[36] Jurij Maksimov, « Neskol’ko slov ob otce Daniile Sysoeve », art. cité.

[37] Roman Silantiev, « Stanet li Rossija islamskoj? », art. cité.

[38] Boris Knorre, « Svjaščennik Daniil Sysoev i pravoslavnaja missija sredi rossijskix musul’man », art. cité.

[39] Roman Silantiev, « Stanet li Rossija islamskoj? », art. cité.

[40] Jurij Maksimov, « Za patriarxa musul’manam… », art. cité.

[41] « Le dialogue islamo-chrétien n’est pas un effet de mode pour la diplomatie interreligieuse, entretien avec Ravil Gaïnoutdine », Messager de l’Église orthodoxe russe, n° 9, mai-juin 2008, p. 11.

[42] Xalida Xamidullina, « Antiislamist Sysoev. Kakim dolžno byt′ pravil′noe rešenie? », http://islamkom.org/russia/3305 (site consulté le 28 mars 2011).

[43] Sergej Filatov, « Blesk i niščeta deržavnogo », Russkoe rev’ju Kestonskogo instituta, janvier 2009, http://www.portal-credo.ru/site/?act=monitor&id=14732 (consulté le 28 mars 2011).

[44] Remarquons que cet assassinat n’est pas exceptionnel en Russie. Un mois plus tard, le 22 décembre 2009, dans la région de Podolsk, près de Moscou, le père Alexandre Filippov a été tué dans l’entrée de sa maison. Le 24 avril 2010, le père Anatole Sorokine, recteur de la paroisse Saint-Nicolas à Yantikovo, un village de la République autonome de Tchouvachie, a été assassiné (SOP, n° 348, mai 2010, p. 16), le 5 mai 2010, un autre prêtre, le père Vadim Smirnov, a été retrouvé assassiné à Tcheboksary, capitale de la République autonome de Tchouvachie. Depuis une vingtaine d’année, près de quatre-vingts prêtres auraient ainsi été assassinés (SOP, n° 349, juin 2010, p. 19).

[45] « V Sovete muftiev Rossii prizyvajut ne svjazyvat′ ubijstvo otca Daniila Sysoeva s musul′manami, http://www.rus-obr.ru/ru-web/4757 (consulté le 28 mars 2011).

[46] Jurij Maksimov, « Napadenija na svjaščenoskužitelej Russkoj Pravoslavnoj Cerkvi », http://ruskline.ru/monitoring_smi/2009/11/21/pochemu_ubivayut_svyawennikov/ (consulté le 28 mars 2011).

[47] « Patriarx Kirill: “Otec Daniil mnogo sdelal dlja utverždenija Božiej pravdy”», http://rusk.ru/newsdata.php?idar=732049 (consulté le 28 mars 2011).

[48Ibid.

[49] Jurij Maksimov, « Neskol’ko slov ob otce Daniile Sysoeve », art. cité.

[50Ibid.

[51Ibid.

[52] Témoignages oraux recueillis dans la paroisse Saint-Thomas en août 2008.

[53] Diakon Andrej Kuraev, « Kak otnosit′sja k islamu posle Beslana? », http://www.izvestia.ru/comment/article382088/index.html (consulté le 28 mars 2011).

[54Ibid.

[55] Témoignage oral, août 2010.

[56] Andrej Kuraev, Missionerskij krizis Pravoslavija, Moscou, Nikeja, 2010, p. 268 et suiv.

[57] Vladimir Legojda, « Cerkov’ i sijuminutnoe », Russkaja mysl′, n° 9 (4784), 5-11 mars 2010, p. 30.

[58] Témoignage oral, 16 mai 2008.

 

Pour citer cet article

Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baidine, «Des limites du « principe de coexistence pacifique » entre orthodoxie et islam en Russie : le cas du père Daniel Syssoev (1974-2009)». In : Michel Niqueux (dir.)Religion et Nation : Des rapports du spirituel et du temporel dans la Russie des XIXe-XXIe s., ENS de Lyon, le 14 juin 2010. Lyon : ENS de Lyon, mis en ligne le 15 juillet 2011. URL : http://institut-est-ouest.ens-lyon.fr/spip.php?article353