Le libéralisme en Russie

Projet présenté par Sylvie Martin en collaboration avec Marie-Pierre Rey

Le terme « libéralisme » est ici repris du titre de l’ouvrage de V.V. Leontovitch, Istorija liberalizma v Rossii (Paris, Ymca-Press, 1980). Il peut être discuté. On constate en effet couramment que la Russie n’a pas connu de mouvance politique libérale au sens occidental du terme. Les historiens expliquent souvent ce fait par l’absence en Russie de véritables villes, creuset d’une bourgeoisie susceptible de servir de base sociale à une mouvance libérale. On rejoint ici l’interrogation sur la « classe moyenne » russe dont on guette l’apparition, tout comme celle d’une société civile.

Cependant, le mot « libéral » n’est pas absent de la littérature politique russe ; il traverse, tout comme le terme « glasnost’ », le XIXe siècle, puis opère un retour en force dans le vocabulaire politique russe au cours de la seconde moitié des années 1990 où il succède aux termes « réformateurs », puis « radicaux » et enfin « démocrates » pour qualifier certaines figures politiques.

Etudier le libéralisme en Russie, c’est d’abord définir les différentes acceptions du terme lors d’une même période historique, et l’évolution des sens du terme au fil de l’histoire. C’est aussi s’interroger sur les raisons de l’échec répété des « libéraux » en Russie, ce qui conduit à questionner la nature du pouvoir, son fonctionnement, et ses rapports avec la société.

On analysera l’installation de l’idée libérale en Russie au tournant des XVIII-XIXe siècles à travers les formes qu’elle prend et la diffusion qui est la sienne sous le règne d’Alexandre Ier. On étudiera les vecteurs d’influence (rôle des guerres napoléoniennes et des échanges culturels), les milieux qui ont porté l’idée libérale, et les concepts diplomatiques qui en ont émergé. On examinera aussi les résistances politiques autant que psychologiques et mentales auxquelles s’est heurtée l’idée libérale.

L’étude de cette période sera animée par Marie-Pierre Rey.

La pensée de Boris Nikolaevitch Tchitchérine (1828-1904), replacée dans son espace de débat, sera le fil conducteur de l’étude du libéralisme russe au XIXe siècle. Reconnu par ses détracteurs comme ses partisans comme l’une des figures majeures de la pensée libérale en Russie, ce juriste qui se définit comme « libéral russe » conjugue travail théorique et activité politique. Il écrit ses premiers articles en 1855. Professeur à l’Université de Moscou durant sept ans, il tente également à plusieurs reprises d’avoir une action politique, auprès du tsarévitch Nikolaï Alexandrovitch jusqu’à la mort de ce dernier, puis dans le zemstvo du district de Kirsanovo (province de Tambov), enfin à la Douma municipale de Moscou. Peu à peu redécouvert en Russie et mal connu en France, il est notamment l’auteur d’un « cours de science de l’Etat » (Kurs gosudarstvennoj nauki, 1894-1898) et d’une histoire des théories politiques (Istoriâ političeskih učenij, 1869-1902).

Enfin, on s’intéressera aux figures, puis aux partis politiques qui se sont définis comme libéraux après la décomposition de l’URSS, en essayant d’élucider les héritages et/ou les références qui ont servi cette définition. Alors la Russie du temps présent est fortement marquée par le retour du nationalisme et le renouveau de thèses eurasistes, on se demandera pourquoi les « libéraux » (Egor Gaïdar, Grigori Iavlinski ou Boris Nemtsov) ont disparu de la scène politique après en avoir occupé le devant durant les années 1990.

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