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Savoirs et littérature : théorie de la langue et pratiques d’écriture

Projet présenté par Jean Breuillard, université Paris-Sorbonne


On part de l’hypothèse selon laquelle il existe un lien étroit, à une époque quelconque, entre la réflexion théorique sur la langue et l’écriture. Il est de constatation commune que l’abandon, à l’âge classique, d’une conception ornementale du beau (ornatus), au profit des idéaux de justesse et de précision, trouve son corrélat théorique dans les travaux des académiciens « remarqueurs » (Vaugelas), puis, au XVIIIe siècle, sa formulation développée sous la plume de l’Abbé Girard, fondateur de la synonymie moderne. La même observation peut être faite sur la représentation de l’ordre des mots. La catégorie de l’ordre, théorisée par Blaise Pascal en mathématique, reçoit son interprétation linguistique avec la querelle sur l’inversion, qui oppose grammairiens et philosophes, et aboutit chez Condillac à la notion de « liaison des idées ». Un autre domaine remarquable est l’intérêt croissant, au XIXe siècle, pour le signifiant, l’étymologie et la dérivation. En ce qui concerne la Russie, un travail d’exploration doit être conduit dans deux catégories de textes :

1. Les travaux théoriques sur la langue : rhétoriques publiées en Russie et à l’étranger ; manuels d’apprentissage des langues vivantes ; grammaires russes ; dictionnaires et théorie lexicographique (le dictionnaire en tant que reflet d’une conception du sens, de la synonymie et de la polysémie) ; articles de critique littéraire ; enfin tout le discours péritextuel : préfaces, postfaces, notes. On accordera une attention particulière aux « avertissements » des traducteurs.

2. Les pratiques d’écriture telles que les reflète la littérature. Ordre des mots, usage des synonymes, rythme des phrases. Outre la prose des écrivains classiques, on s’intéressera à l’activité traduisante elle-même, conçue comme le laboratoire des idées sur la langue.

L’objet de la recherche visera à mettre en regard les deux blocs de textes, en appréciant comment les deux types de discours se développent en parallèle. Ce parallélisme est évidemment relatif et l’on appréciera les phénomènes d’avance et de retard (il arrive que la théorie linguistique annonce la pratique des écrivains ; l’inverse arrive aussi ; on mettra à jour en outre les phénomènes de résurgence). L’objectif est d’aboutir à une histoire littéraire d’un type nouveau, dans laquelle l’analyse de l’art de l’écrivain n’est pas dissociable de la réflexion contemporaine sur la langue. Cette histoire littéraire intégrera naturellement l’histoire de la traduction. Une première tranche de ce travail pourra se limiter au XVIIIe siècle et à la première moitié du XIXe.

Contact : jean.breuillard@ext.univ-poitiers.fr