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Les mouvements migratoires

Projet présenté par Garik Galstyan (Université Lille III-Charles-de-Gaulle)


Présentation

Par le passé, les anciennes républiques soviétiques ont constitué ensemble une unité géopolitique de poids (URSS), partageant le même destin social, économique et politique. À partir de 1987, sous impulsion de la perestroïka, les peuples soviétiques se joignent activement aux mouvements de migration internationale, devenus l’un des problèmes universels des temps modernes. La quatrième et dernière vague d’émigration, qui commence lors du processus de libéralisation de la législation concernant l’émigration, est accélérée par l’aggravation de la situation politique, socio-économique et de la tension des relations interethniques. Des vagues massives de réfugiés ont vite amplifié les différents mouvements migratoires.

Il s’agira d’étudier l’impact de la fin de l’URSS sur les caractéristiques qualitatives et quantitatives des flux migratoires.

Si, jusqu’à la fin de la « Perestroïka », l’émigration avait une coloration ethnique nette (Juifs, Allemands de la Volga, Arméniens, Grecs), elle se transforme après la chute de l’URSS en une migration de masse : le déplacement intérieur de jadis (époque soviétique) devient une migration internationale dont les vecteurs sont dirigés aussi bien à l’intérieur de l’espace postsoviétique qu’au-delà de la CEI (voir les travaux d’Anne de Tinguy).

Les enjeux liés à cette transformation sont nombreux et peuvent tantôt se rapprocher des mouvements de décolonisation entre Afrique et Europe, tantôt avoir des particularités liées aux passés et à la composition démographique des différents peuples. Chaque nouveau pays a réagi différemment à cette situation. Dans quelle mesure les liens migratoires au sein de l’étranger proche permettent-ils de maintenir la prégnance de l’espace post-soviétique en tant « qu’espace de vie commun » vingt ans après la disparition de l’URSS ? Sont dès lors à souligner :
- les caractéristiques des mouvements des populations (intra-CEI) du nord vers le sud, puis aujourd’hui du sud vers le nord, dans un contexte de renversement de situation du colonisateur au rapatrié ;
- l’importance des migrations dans les liens qui unissent la Russie à « l’étranger proche » ;
- l’évolution de la place de la Russie dans la structuration de ces migrations.

Plusieurs types de migrations sont présents : politique, économique, volontaire, forcé, intellectuel (fuite des cerveaux), estudiantin, matrimonial. La géographie de l’émigration subit également des changements : on part désormais aussi bien de Moscou, de Saint-Pétersbourg et de quelques grandes villes, que des régions qui s’impliquent aussi activement dans ce processus.

Une place particulière sera réservée au destin des populations russes et russophones qui se sont trouvées soudainement, après la disparition de l’État commun, dans les pays devenus « étrangers » et de surcroît en situation de minorité ethnique (voir les travaux de Marlène Laruelle, Garik Galstyan, Sébastien Peyrouse et al.). Dans leur nouveau statut, ces populations ont dû faire face à des choix difficiles entre adaptation, intégration, assimilation aux sociétés nationales, regroupement dans des « îlots nationaux », et émigration (rejet de toute perspective d’intégration). Le choix entre ces différentes solutions dépend non seulement des motivations des Russes, mais également de la volonté des pouvoirs locaux issus des peuples titulaires, de l’environnement et de la conjoncture socioculturels des pays en question.

Pendant des siècles et jusqu’à l’implosion de l’URSS, la migration russe a été centrifuge et dirigée du nord au sud et du nord à l’est. Après la chute de l’État soviétique, elle devient centripète et est désormais dirigée du sud au nord et de l’est à l’ouest. La Fédération de Russie, pour différentes raisons, ne s’est pas distinguée par une politique très constructive concernant l’immigration des Russes. Considérés comme des immigrants volontaires, ils ne jouissent pas de droits et d’avantages spéciaux comme peuvent en avoir les réfugiés. C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, la vague d’immigration provenant de l’étranger proche en direction de la Russie s’est ralentie. Mais l’émigration ne s’arrête pas pour autant : les migrants préfèrent désormais émigrer en Europe occidentale ou aux États-Unis.

Un autre thème de recherche qui est étroitement lié aux mouvements migratoires est la création de nouvelles diasporas et la consolidation des anciennes. Seront traitées les questions du devenir des populations russes et de toute autre minorité restée dans les pays de la CEI, de l’émergence difficile d’une diaspora russe, phénomène complétement nouveau dans l’ancien espace russe, de la réduction voire la disparition de l’espace culturel russe consécutive à la migration et ses différents impacts, notamment, sur la mémoire et le contexte linguistique.

Le « grand tournant » dans le processus d’émigration des Soviétiques pendant la période de la pérestroïka sera étudié par Garik Galstyan (Université Charles de Gaulle-Lille III), y compris à partir des sources d’archives inédites.

L’analyse du rôle des migrations dans les orientations géopolitiques des États de la CEI, de la place respective de l’étranger lointain et de l’étranger proche dans le total des migrations de l’espace post-soviétique et l’évolution de cette part sera faite par David Teurtrie (l’INALCO).

Marlène Laruelle étudiera la question migratoire en Asie centrale et l’enjeu des migrations centre-asiatiques en Russie. On estime à environ trois millions les travailleurs saisonniers originaires du Tadjikistan, du Kirghizstan et d’Ouzbékistan travaillant, majoritairement illégalement, en Russie. Ils jouent un rôle économique croissant dans le pays du fait du manque de main-d’œuvre qui frappe la Fédération. Ces migrants ont un impact économique et social encore plus important en Asie centrale, puisqu’ils envoient à des populations appauvries des revenus réguliers et conséquents. Ces migrations de travail permettent ainsi d’absorber une partie du contre-coup économique et social de la disparition de l’URSS et contribuent à reformuler les complexes rapports entre l’ancien centre et son ancienne périphérie.

Les questions de la migration des populations russes et russophones dans les pays baltes et en Ukraine, de l’émigration Russie/CEI-Israël et de la ré-émigration Israël-Russie/CEI, du passé et de l’interprétation historique dans la mémoire des diasporas seront traitées par Velvel Chernin et Semion Goldin.

Fonctionnement

  • Quatre journées d’études (une par an)
  • Six séjours de recherche de trois jours dans les fonds slaves de l’ENS de Lyon

Chercheurs impliqués

  • Velvel CHERNIN, Université hébraïque de Jérusalem, Centre des études juives « Chais » ;
  • Garik GALSTYAN, Université Charles de Gaulle-Lille III, EA 4074 CECILLE ;
  • Semion GOLDIN, Université hébraïque de Jérusalem, directeur du Centre des études juives « Chais ».
  • Marlène LARUELLE, chercheur associée au Centre d’étude des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC, EHESS). Victor SHADURSKY, Université d’Etat de MinskDavid TEURTRIE, INALCO, Centre de Recherches Russes et Euro-Asiatiques, (CRREA).