Maryline DUPONT-DOBRZYNSKI
Maître de conférences en économie, université Charles de Gaulle - Lille 3, laboratoire de recherches EQUIPPE
Mots-clés : économie de la connaissance, intégration européenne, nouveaux États membres, systèmes nationaux d’innovation, politique de R & D.
Après la création du marché unique européen (1987) et la mise en place de l’Union économique et monétaire à la suite du traité de Maastricht (1993), la construction européenne a abordé une nouvelle étape en lançant en 2000 la stratégie de Lisbonne. L’objectif était ambitieux. Il s’agissait, à l’horizon 2010, pour l’Europe :
[de] devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance durable et accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale[1].
L’agenda de Lisbonne, qui fonde les ressorts de la croissance et de la compétitivité sur la capacité d’innovation technologique des pays de l’Union européenne (UE), n’a pas été à la hauteur de ses ambitions. En 2010, l’UE n’est pas parvenue à se rapprocher de la frontière technologique et à restreindre la distance qui la sépare de ses principaux concurrents, à savoir les États-Unis et le Japon. La crise contemporaine, qui a durement frappé les économies européennes et limité les capacités financières des États et des entreprises, n’est pas le seul facteur en cause dans cet échec. Le rapport Wim Kok[2] et l’examen à mi-parcours[3], établis respectivement en 2004 et 2005, au vu de leurs faibles performances, ont mis en évidence les difficultés des pays européens à adopter les orientations portées par la stratégie de Lisbonne et laissaient prévoir une issue aux résultats pessimistes.
Au-delà de ces constats empiriques, les travaux des économistes institutionnalistes permettent d’éclairer les résistances européennes. Les théoriciens des processus d’innovation montrent que les activités de recherche et développement (R & D) présentent une dimension institutionnelle forte. Elles sont ancrées dans des systèmes nationaux d’innovation (SNI) dans lesquels interfèrent et rétroagissent de nombreuses composantes institutionnelles complémentaires et interdépendantes, historiquement et socialement construites[4]. Ces résultats confluent vers les conclusions auxquelles aboutissent les auteurs mettant en valeur la diversité des capitalismes européens et insistant sur la variété des formes présentes dans l’UE[5]. Face à cela, la stratégie de Lisbonne véhicule un paradigme unique, un modèle d’uniformisation inspiré du libéralisme, et dont la reprise suppose des mutations structurelles qui, dans bien des cas, s’opposent à l’esprit et à la cohérence des systèmes institutionnels et des variétés de capitalisme des pays européens[6]. Les réformes nécessaires à l’adoption du modèle européen sont alors nécessairement plus profondes qu’elles ne pouvaient paraître a priori, et aussi plus risquées car elles achoppent sur des systèmes institutionnels enracinés de longue date.
Pour l’UE, la stratégie de Lisbonne et son projet d’édifier une économie de la connaissance ne sont pas tombés dans le registre des lettres mortes. Un second agenda est appelé à succéder au premier, ce qui laisse prévoir un renforcement des réformes structurelles dans l’ensemble des pays européens.
Pour les 10 nouveaux États membres issus du socialisme (NEM) et ayant intégré l’UE en 2004 et 2007, le projet de bâtir une économie de la connaissance présente à la fois un enjeu et un défi majeurs. L’adhésion à l’UE s’est faite aux prix de réformes profondes de manière à satisfaire les critères de Copenhague : parvenir à une économie de marché viable ; être capable de répondre à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union ; assumer les obligations découlant de l’appartenance à l’UE et reprendre l’acquis communautaire. Les efforts déployés par ces pays ont été motivés par les gains qu’ils pouvaient espérer de leur adhésion : démarrer un processus de convergence réelle assurant leur modernisation et leur rattrapage en terme d’activité économique et de niveau de richesse par habitant. L’adoption de la stratégie de Lisbonne ouvre une perspective favorable à ces attentes : la progression vers une économie du savoir devrait permettre de soutenir la croissance en la fondant sur une nouvelle forme de compétitivité. Cependant, les préconisations européennes appellent à la mise en place d’un nouveau système d’innovation et à l’engagement de transformations radicales dans ce domaine. Le système de R & D sous le socialisme était doté de sa propre configuration qui était étrangère à celle proposée par l’Europe. De ce point de vue, les mutations attendues des NEM présentent, à bien des égards, une dimension plus large que celles des anciens pays européens.
L’ampleur du programme suscite de nombreux questionnements auxquels cet article se propose d’esquisser quelques réponses. Quelle est l’avancée des NEM dans l’économie de la connaissance ? Quelles sont leurs difficultés propres face au paradigme européen ? La reprise de ce paradigme s’effectue-t-elle de manière homogène ou différenciée selon les pays ? Assiste-t-on à une diversification des modèles et à une hiérarchisation des performances ? La première partie se concentrera sur le projet européen véhiculé par la stratégie de Lisbonne. La seconde partie s’attachera aux modalités d’adoption de ce modèle par les NEM.
L’économie de la connaissance : le projet européen
L’économie de la connaissance est un concept qui a émergé au début des années 1990 pour signaler l’apparition d’une réalité nouvelle faisant suite, dans les pays occidentaux, à la crise du régime d’accumulation fordiste. Prenant la forme d’une rupture historique dans la dynamique longue du capitalisme, cette réalité nouvelle se manifeste par une phase de transformation au cours de laquelle les actifs, les processus productifs, les produits et les transactions deviennent de manière prédominante intellectuels et immatériels plutôt que physiques. Cette mutation du capitalisme conduit les économies à développer un lien de plus en plus étroit entre, d’une part, la production de savoir et, d’autre part, la production de biens et services. En tant que produit, facteur de production et ressource, la connaissance est désignée comme la source principale d’une nouvelle forme de croissance, basée sur la compétitivité structurelle, la différenciation des produits et dirigée vers une demande caractérisée par une forte élasticité revenu[7].
Dans le contexte de la mutation de l’économie mondiale et de la révolution technologique, l’UE établit en 2000 un constat pessimiste : l’Europe est mal engagée dans le nouveau régime d’accumulation par rapport à ses principaux concurrents des pays développés. La prise de conscience des difficultés se focalise sur le retard de la croissance européenne et l’arrêt de la convergence réelle. Alors que jusque vers 1970 les performances de la croissance avaient permis de combler en partie l’écart qui séparait l’Europe des États-Unis en matière de richesse par habitant, le processus de rattrapage se trouve enrayé à partir de cette date marquant la crise du fordisme[8].
Le retard européen est attribué par la Commission européenne à une conjonction de facteurs que résume le terme « eurosclérose » : une libéralisation insuffisante du marché des biens et services, la rigidité du marché du travail et, enfin, les insuffisances et l’inadaptation des politiques de R & D. Concernant ces dernières, l’UE identifie trois types de déficit : un déficit financier, un déficit institutionnel et, enfin, un déficit de coordination.
D’un point de vue financier, les pays de l’UE affectent nettement moins de ressources à la recherche et l’innovation que leurs concurrents américain et japonais : l’intensité de R & D s’élève en 2000 à 1,92 % dans l’UE (15) contre 2,73 % aux États-Unis et 3,04 % au Japon[9]. Cette faiblesse est attribuée non seulement aux lacunes de l’investissement public mais aussi à celles du secteur privé. Est dénoncée l’insuffisance de la participation des entreprises au financement des dépenses : celles-ci contribuaient en 2000 à 56,6 % des dépenses totales contre 68,6 % aux États-Unis et 72,4 % au Japon. À ceci s’ajoute l’extrême hétérogénéité des pays de l’Union, dont le spectre s’étale des pays scandinaves aux pays méditerranéens. À titre d’exemple, en 2000, la Finlande consacrait 3,34 % de son PIB à la R & D, dont 70 % financés sur des fonds privés. À l’opposé, le Portugal n’investissait que 0,76 % de son PIB, dont 73 % financés sur des fonds publics.
Le déficit institutionnel s’applique aux causes structurelles de la faible implication des entreprises européennes dans la R & D. La Commission souligne l’inadéquation de l’environnement des entreprises. Celui-ci n’est pas propice au développement de la recherche et de l’innovation dans le secteur privé. Les conditions institutionnelles et réglementaires dans lesquelles les entreprises inscrivent leurs activités sont jugées comme étant sous-optimales et freinent les investissements. Les institutions en cause sont, par exemple, les incitations fiscales, la réglementation des brevets et la protection des droits de propriété, la disponibilité des moyens de financement et l’abondance du capital-risque.
Le troisième déficit, quant à lui, découle du manque de coordination des activités et des programmes de R & D. Les politiques publiques sont implémentées de manière indépendante à tous les échelons d’intervention : tant au niveau communautaire qu’aux niveaux des États centraux et des collectivités territoriales. Par ailleurs, les activités de recherche sont fragmentées entre laboratoires publics et privés ; le défaut de coopération conduisant à un manque de synergie et une allocation sous-optimale des ressources. Ce manque de coordination pénalise en particulier les entreprises privées pour qui les relations à la recherche publique et universitaire sont limitées. Le défaut de liaison entre les trois acteurs principaux de la recherche (les laboratoires publics, les universités et les entreprises) freine la constitution de réseaux et, ce faisant, le transfert et la circulation des savoirs.
L’intention de la stratégie de Lisbonne est de corriger les trois déficits cités plus hauts et pour cela d’établir un Espace européen de la recherche et d’inciter les États membres à revoir la logique de leurs interventions.
La notion d’Espace européen de la recherche a été reconnue explicitement en 2000 par le Conseil de Lisbonne qui l’a intégrée dans son agenda pour renforcer la compétitivité européenne et avancer dans l’économie de la connaissance. Cet Espace européen de la recherche se décline en trois éléments :
L’avènement et la consolidation de cet Espace européen de la recherche repose de manière cruciale sur la révision des politiques publiques des États membres. Les préconisations européennes se dirigent vers une augmentation de l’investissement en R & D en favorisant le secteur privé, désigné comme un acteur central, et en privilégiant les réformes structurelles plutôt que les politiques macro-économiques basées sur les dépenses budgétaires.
Le Conseil européen de Barcelone de 2003 précise ces orientations en fixant un objectif global en matière d’investissement en R & D : celui-ci doit progresser pour atteindre la proportion de 3 % du PIB. Par ailleurs, cet investissement doit être supporté pour les deux tiers par le secteur privé. Ainsi, l’action publique ne devrait passer par le levier budgétaire que dans la limite de 1 % du PIB. De plus, la dépense publique doit exercer un effet incitatif à l’égard des entreprises. La Commission demande aux États membres d’envisager des aides et des mesures pour encourager l’investissement privé. La solution consiste à faire en sorte que l’investissement public exerce un effet multiplicateur sur les fonds privés. Ceci nécessite le réaménagement de la conception et de la programmation des crédits publics. Il s’agit de prendre des mesures de manière à intensifier les interactions entre les instituts de recherche publique et les entreprises, de créer des synergies et d’instituer des réseaux et partenariats publics privés autour de projets communs.
L’encadrement de la dépense publique s’inscrit de manière cohérente dans la direction empruntée par l’UE depuis la mise en place de l’Union économique et monétaire. La transition vers l’économie de la connaissance doit préserver la stabilité macro-économique en respectant le Pacte de stabilité et de croissance, limitant le déficit budgétaire à 3 % du PIB. Les politiques structurelles sont au cœur de la nouvelle stratégie et prennent le pas sur les politiques macro-économiques[10]. Ce glissement est interprété par Bob Jessop comme le signe d’une mutation fondamentale du rôle de l’État dans l’économie[11]. Le recul de l’État-providence keynésien se fait au profit d’un État qualifié de « schumpetérien », dont le dessein est de promouvoir l’innovation et d’améliorer la compétitivité structurelle des entreprises par des interventions sur le côté de l’offre des marchés plutôt que sur celui de la demande.
L’incitation européenne au réaménagement des politiques structurelles est également influencée par la théorie des SNI. Une lecture épistémologique des textes produits par la Commission révèle que le concept de système d’innovation s’est glissé dans le discours européen de manière à justifier le bien-fondé des réformes[12]. Dans le sillage de ce courant théorique, les documents européens rejettent la représentation linéaire des modèles économiques standards selon laquelle la recherche, l’invention et l’innovation sont des étapes séparées, successives et relevant d’acteurs différents : la recherche fondamentale allant au secteur public, la recherche appliquée et l’innovation au secteur privé. La mise en valeur du caractère interactif du processus de R & D, qui découle de la communication et de la coopération entre les différents acteurs, donne une consistance à la création de réseaux et de partenariats entre le secteur public, les universités et les entreprises privées. De la même façon, la reprise du caractère systémique des activités de R & D, au sens où celles-ci sont encastrées dans une configuration institutionnelle précise, apporte une légitimation aux réformes des structures économiques et sociales impliquées dans la production de savoir. Il reste que les choix de l’UE font montre d’une instrumentalisation de la théorie des SNI en hiérarchisant les différentes configurations institutionnelles et en désignant le modèle libéral, axé sur le marché et les entreprises, comme la norme à suivre pour tous les États membres.
Vers une adoption du modèle européen par les nouveaux États membres ?
La stratégie de Lisbonne ouvre chez les NEM un nouveau chantier de réformes. Il s’agit pour eux de fonder un nouveau système d’innovation tout en se hissant aux objectifs quantitatifs définis pour les investissements en R & D. La dimension des transformations attendues est considérable, tant le modèle européen est éloigné de l’organisation socialiste et tant les effets de la transition ont été néfastes. Des logiques de rattrapage se mettent en place qui s’inscrivent dans des trajectoires nationales différenciées et fractionnent le groupe des NEM.
La distance du système d’innovation socialiste au modèle de l’Union européenne
Le socialisme, en tant que mode de production et projet de société, accordait une place prééminente aux sciences et technologies. Il faut rappeler à ce propos le rôle dans la pensée marxiste de la notion de forces productives dont le développement devait conduire à l’avènement d’un homme nouveau. Il devait aussi aboutir au progrès social et à la démonstration de la supériorité systémique du communisme sur le capitalisme. Dans ce contexte, la science était envisagée comme une réelle force productive et le secteur de la R & D figurait parmi les secteurs prioritaires[13]. Selon une enquête menée par l’OCDE en 1969, les investissements en moyens financier, matériel et humain étaient largement à la hauteur des efforts consentis par les pays occidentaux[14]. Reprenant la méthodologie du manuel de Frascati[15] afin d’évaluer les dépenses en R & D dans quelques pays socialistes, Leonid Gökhberg montre, qu’en dépit des difficultés vécues dans les dernières décennies du régime, l’effort d’investissement restait en 1990 comparable à celui de l’OCDE. L’intensité de R & D atteignait ainsi 2,2 % du PIB en Tchécoslovaquie et 2 % en Russie, c’est-à-dire une proportion similaire à celle de l’OCDE, soit 2,2 %[16].
Cependant, l’investissement en R & D partageait les mêmes difficultés systémiques que l’investissement en général : une incapacité à être productif, une disproportion entre les moyens déployés et la faiblesse de leurs résultats. Dans ce domaine également, les économies socialistes connaissaient une situation de surinvestissement ; le point faible n’étant pas, comme le souligne Alec Nove, l’effort de recherche en lui-même, mais son isolement à l’égard des entreprises et son manque de lien avec les applications pratiques[17]. En effet, les dépenses performantes en R & D, menant à la production de résultats scientifiques et à la mise en place d’innovations, étaient essentiellement localisées dans les sciences fondamentales et dans les secteurs privilégiés dans la compétition stratégique avec les États-Unis : l’armement et la recherche spatiale. Par contre, dans le secteur de la production civile, le problème principal du socialisme était son incapacité à développer une dynamique d’innovation soutenue sur le long terme. Et de ce point de vue, le système ne s’est pas traduit dans les faits par une efficacité supérieure à celle du capitalisme. La difficulté à innover a été particulièrement marquée à propos des nouvelles technologies. Les économies socialistes ont en effet été incapables de saisir les opportunités de la révolution technologique, portée par l’électronique et les technologies de l’information et de la communication. Celles-ci ont émergé tout en restant cantonnées dans certains secteurs sans pouvoir être diffusées à l’ensemble de la production. Ainsi, analysant le domaine de l’informatique, les sociologues est-allemands évoquaient une situation d’îlotage pour caractériser son développement et, de manière simultanée, le cloisonnement de ses applications à quelques secteurs clefs[18].
Depuis l’effondrement du socialisme et le passage à l’économie de marché, plusieurs chercheurs se sont approprié les concepts de la théorie des SNI afin de dégager les raisons systémiques et institutionnelles qui ont limité l’efficacité des investissements en R & D dans l’Union soviétique et les pays de l’Est. Tous soulignent le manque de capacité des entreprises à s’engager dans un processus d’innovation et attribuent cette faiblesse à l’aménagement de la R & D. Le système d’innovation socialiste relevait d’un mode étatique qui s’intégrait dans la logique d’organisation centralisée et hiérarchique commune à tous les secteurs économiques[19]. De ce point de vue, ses caractéristiques étaient aux antipodes du modèle actuellement véhiculé par l’UE. Alors que l’Europe privilégie une organisation centrée sur l’entreprise et la construction de liens interactifs, par l’intermédiaire de réseaux, avec les autres acteurs de la recherche, les institutions publiques et les universités, le système socialiste se particularisait par un cloisonnement, déjà signalé, et une externalisation des activités de R & D. Celles-ci étaient attribuées à un secteur institutionnel bien précis, le secteur des sciences et services scientifiques, qui regroupait l’Académie des sciences et des institutions de recherche relevant directement des gouvernements. Les universités étaient peu impliquées dans la recherche et le plus souvent se trouvaient cantonnées à l’enseignement et à la formation des ressources humaines. Les entreprises échappaient également au processus de R & D et n’étaient reliées au secteur scientifique que sous forme hiérarchique et verticale. L’innovation n’intervenait qu’en amont des entreprises dans un cadre de chaînes de commandes centralisées. Dans ce contexte, le modèle qui était en présence renvoyait aux modalités d’un processus linéaire d’innovation plutôt qu’à un processus complexe de création et de circulation des savoirs sur la base des coopérations, interactions et rétroactions entre différents acteurs.
Ces traits stylisés résument les spécificités de ce qu’on peut désigner comme étant l’idéal-type du système d’innovation qui dominait à l’époque socialiste dont les spécificités, initialement conçues en Union soviétique, furent élargies aux autres pays de l’Est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. L’objectif était de bâtir un modèle socialiste de système de science et technique dont on espérait qu’il devienne le leader mondial[20]. Pour autant, ce schéma laissait subsister quelques variations institutionnelles nationales. Ainsi, les entreprises étaient beaucoup plus actives, voire majoritaires, dans la conduite des activités de R & D en Tchécoslovaquie et en Yougoslavie[21]. Ces différenciations vont se traduire par un phénomène de dépendance dans la mesure où elles exerceront un impact sur la capacité des NEM à reprendre le modèle européen.
L’impact de la transition sur l’investissement en R & D
Les profonds changements qui sont intervenus dans les pays d’Europe centrale et orientale depuis le début des années 1990 ont conduit au délabrement des sciences et technologies. La libéralisation économique et les politiques de réduction budgétaire ont profondément affecté le secteur. Des enquêtes financées par l’UE ont révélé que de nombreux instituts de recherche avaient été démantelés ou laissés dans un état moribond[22]. Les dépenses de R & D ont subi de plein fouet les conséquences des restrictions associées aux plans de stabilisation macro-économique. De plus, au début de la transition, la question de la révision et du renforcement de la politique de R & D n’était pas à l’ordre du jour. De ce fait, le secteur a été négligé en tant que facteur pouvant agir dans l’orientation des transformations et de la croissance. Au contraire, il était perçu comme un poids financier par le secteur public. Les entreprises privatisées ou nouvellement créées, quant à elles, face à l’urgence des restructurations, se sont tournées vers l’importation de technologies plutôt qu’à des investissements internes pour satisfaire leurs besoins de modernisation[23]. La figure 1 montre l’ampleur des chutes enregistrées au cours des premières années dans les pays représentés. Les dépenses de R & D s’effondrent de 40 % en Pologne (de 1989 à 1992), de 64 % en République tchèque (de 1989 à 1996) et de 70 % en Hongrie (de 1989 à 1996). Les baisses dépassent même les 80 % dans certains pays : 89 % en Slovaquie (de 1989 à 1994) et 85 % en Bulgarie (de 1989 à 1997).
Figure 1. Évolution des dépenses de R & D dans quelques NEM, 1989-2008. Indices en volume (1989 = 100).
Source : Période 1989-1995 : Leonid Gökhberg ; période 1995-2008 : Eurostat ; calculs personnels[24].
Marquées par la crise transformationnelle, les dépenses en R & D connaissent une reprise une fois celle-ci surmontée. L’évolution prend l’allure de la courbe en U qui caractérise la dynamique du PIB sur la période, tout en respectant un profil différencié suivant les pays. Cependant, la débâcle vécue au début de la transition a laissé de profondes séquelles et les pays sont passés à une situation de sous-investissement. Comme l’indique la figure 2, en 2008, les NEM présentent des performances inférieures à la moyenne de l’UE et se concentrent surtout dans les dernières places du classement des pays selon l’intensité en R & D. L’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale a accru l’hétérogénéité de l’UE en étendant l’amplitude du spectre vers les résultats les plus faibles. Depuis l’élargissement, la majorité des NEM a supplanté les pays de l’Europe du Sud. Les pays les plus en difficulté sont la Slovaquie et la Bulgarie pour lesquels les investissements en R & D n’atteignent respectivement que 0,47 % et 0,49 % du PIB. La Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Roumanie s’intercalent entre l’Italie et la Grèce avec des intensités en R & D allant de 1 %, pour le premier pays, à 0,59 %, pour le dernier. Il n’en reste pas moins que le groupe des NEM présente lui aussi une forte disparité, ce qui laisse présager des dynamiques différenciées et un éclatement des profils. Trois pays se distinguent du lot : l’Estonie, qui se glisse entre l’Espagne et l’Italie avec une intensité de R & D égale à 1,35 %, la République tchèque qui dépasse déjà l’Irlande avec un résultat de 1,47 %, et enfin la Slovénie qui se démarque nettement en occupant la neuvième place du classement européen, devançant légèrement les Pays-Bas avec une proportion de 1,66 %.
Figure 2. Intensité de R & D dans l’Union européenne (dépenses de R & D en % du PIB 2008 – 2007 pour la Grèce).
Source : Eurostat.
Une dynamique inégale de rattrapage
Les transformations systémiques ont plongé les NEM dans une situation désastreuse. La reprise des critères de Lisbonne les exhorte à s’engager dans une logique de rattrapage. Le programme est extrêmement ambitieux car il s’agit pour ces pays non seulement de se hisser à la moyenne européenne, mais aussi de participer aux ambitions de rattrapage de toute l’Union et d’atteindre, à terme, l’objectif fatidique d’une intensité de R & D égale à 3 %. Ceci ne pourra être réalisé qu’au prix d’une croissance très vive des dépenses en R & D. On sait que certains pays sont en bonne voie : la Slovénie, la République tchèque et l’Estonie commencent à se détacher du peloton. Cependant, les informations issues de la figure 2 ne suffisent pas à caractériser les trajectoires nationales dans la mesure où elles présentent une vision statique, à savoir l’état de l’intensité de R & D en 2008. Pour apprécier pleinement les évolutions qui se mettent en place, il est nécessaire de déplacer la question sur le terrain des dynamiques en cours. Pour ce faire, nous avons analysé les tendances qui se sont manifestées depuis 2000, date qui correspond la mise en route de l’agenda de Lisbonne et aussi, à peu de chose près, à la reprise de l’acquis communautaire par les pays d’Europe centrale et orientale dans le cadre de leur préparation à l’adhésion.
Nous avons tout d’abord voulu repérer les pays qui, sur la période 2000-2008, ont manifesté un réel effort d’investissement. Le tableau 1 compare pour chaque NEM la variation annuelle moyenne des dépenses de R & D à celle du PIB et classe les pays suivant leur différentiel de croissance. On peut dégager de ce tableau une partition des NEM en trois groupes distincts.
Le premier groupe – constitué de l’Estonie, de la Roumanie, de la Lituanie, de la Lettonie et de la Hongrie – rassemble des pays qui, mis à part l’Estonie, sont en position de net retard en terme d’intensité de R & D mais qui ont mis en route des dynamique vertueuses. En effet, la croissance annuelle des dépenses réelles en R & D est très élevée et toujours supérieure à celle du PIB réel. On note ainsi les performances remarquables des États baltes dont la croissance de l’investissement en R & D est à « deux chiffres » – l’Estonie en tête avec une variation annuelle de 17,3 % et un différentiel de croissance de 9 points –, et aussi de la Roumanie qui se classe en deuxième position. La Hongrie se rattache à ce groupe, avec une évolution moindre de son investissement – mais qui reste malgré tout supérieure à celle de son PIB réel.
La République tchèque et la Slovénie composent le second groupe. Ce sont des pays qui sont déjà en avance en 2008 et qui ont acquis leur position avec une évolution honorable de leurs dépenses, certes inférieure à celle du premier groupe, et en dégageant un différentiel de croissance positif.
Le troisième groupe, enfin, isole les pays en nette difficulté : la Bulgarie, la Pologne et la Slovaquie. Pour chacun d’eux, la variation des dépenses d’investissement est plus faible que dans les autres NEM, et à chaque fois inférieure à celle du PIB. Les différentiels de croissance sont négatifs, ce qui signale un effort insuffisant pour atteindre les critères européens et un décrochage par rapport aux autres pays.
Tableau 1. Évolution des dépenses de R & D et du PIB dans les NEM, 2000-2008 (variation réelle annuelle moyenne en %).
Pays | R & D | PIB réel | Différentiel de croissance |
Estonie | 17,3 | 8,3 | 9,0 |
Roumanie | 12,7 | 5,6 | 7,1 |
Lituanie | 11,6 | 7,5 | 4,1 |
Lettonie | 11,7 | 8,7 | 3,0 |
Hongrie | 6,5 | 3,9 | 2,6 |
République tchèque | 6,8 | 4,4 | 2,4 |
Slovénie | 6,7 | 5,6 | 1,1 |
Bulgarie | 4,8 | 5,5 | -0,7 |
Pologne | 3,4 | 4,1 | -0,7 |
Slovaquie | 2,0 | 4,4 | -2,4 |
Source : Eurostat ; calculs personnels.
Il apparaît ainsi que les NEM se différencient en exprimant, au moins depuis 2000, des trajectoires spécifiques. Toutefois le repérage des trois groupes nécessite d’être confirmé par une approche plus rigoureuse. En effet, l’examen comparé des évolutions de la dépense en R & D et du PIB ne suffit pas à déterminer l’existence d’un processus de rattrapage. Celui-ci ne se manifeste véritablement que lorsque ce sont les pays les plus en retard qui déploient des efforts plus prononcés de manière à réduire l’écart qui les séparent des économies les plus avancées. La figure 3 reprend la méthodologie retenue par les théoriciens de la croissance économique et de la convergence réelle[25]. Elle associe pour chaque pays le taux de croissance annuel moyen de l’intensité de R & D entre 2000 et 2008 au niveau de cette intensité en début de période, c’est-à-dire en 2000.
La mise en place d’une dynamique de convergence est nette pour les NEM dont l’intensité de R & D a enregistré une croissance positive. Pour ces pays, représentés au-dessus de l’axe des abscisses, la figure montre une corrélation entre la croissance de l’intensité de R & D sur la période et son niveau en 2000. La République tchèque et la Slovénie se démarquent bien comme étant les plus avancés des NEM en 2000 et la variation de leur intensité de R & D est supérieure à celle de l’UE : ce qui dénote leur rattrapage. La figure corrobore également l’idée d’une dynamique vertueuse pour l’Estonie, la Roumanie, la Lettonie, la Lituanie et la Hongrie : ces pays, qui figuraient parmi les plus démunis en 2000, sont aussi ceux dont l’intensité de R & D a bénéficié de la croissance la plus rapide. Par contre, le décrochage de la Pologne, de la Bulgarie et de la Slovaquie est encore plus évident : situés sur la figure en dessous de l’axe des abscisses, ces pays ont vu leur intensité de R & D décliner alors que leurs performances en 2000 étaient très faibles.
Figure 3. Convergence de l’intensité de R & D des NEM (variation annuelle moyenne de l’intensité de R & D entre 2000 et 2008 en fonction du niveau observé en 2000).
Source : Eurostat ; calculs personnels.
Les acteurs du rattrapage et la diversité des trajectoires nationales
L’examen de l’évolution des dépenses de R & D et de la dynamique de rattrapage appelle une investigation supplémentaire quant aux acteurs qui en sont à l’origine. Le modèle en vigueur sous le socialisme s’organisait de manière linéaire et extérieure aux entreprises, les activités de recherche et d’innovation étant en majorité le fait d’instituts spécialisés d’État. Les tumultes de la transition ont contribué à destructurer les anciens mécanismes et l’adhésion à l’UE force les NEM à construire de nouveaux arrangements, en conformité avec l’agenda de Lisbonne. La reprise du paradigme européen repose sur la capacité des acteurs : non seulement les entreprises dont la position devient centrale, mais aussi de l’État qui doit renouveler la conception de ses interventions à l’égard du secteur privé et mobiliser ses propres institutions, à savoir les centres de recherche public et les universités.
Afin de repérer, pour chaque pays, les acteurs les plus actifs dans le processus de rattrapage, nous avons analysé leur participation, entre 2000 et 2008, à la fois dans le financement et l’exécution des dépenses de R & D. Le tableau 2 indique la répartition et l’évolution des investissements par secteur de financement, à savoir les entreprises, les APU (administrations publiques), l’étranger et les autres dont la participation reste marginale (le secteur privé sans but lucratif et les ressources privées de l’enseignement supérieur). Le tableau 3 s’attache à la répartition et l’évolution des dépenses par secteur d’exécution, à savoir les instituts de recherche des entreprises, du secteur public, des universités et enfin du secteur privé non marchand (SPNM). Le classement des pays retient à chaque fois la partition des NEM dans les trois groupes mis en évidence dans la section précédente : tout d’abord les pays les plus en avance par rapport à l’intensité de R & D – la Slovénie et la République tchèque –, puis les pays caractérisés par la vivacité de leur rattrapage – Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie et Roumanie – et enfin les pays en décrochage – Bulgarie, Pologne et Slovaquie. Le croisement des données contenues dans ces deux tableaux corrobore et accentue la tendance à la diversification des logiques nationales. Plusieurs profils tendent à se mettre en place, ce qui, une fois de plus, laisse entrevoir un éclatement des NEM vers des modèles différents.
La Slovénie et la République tchèque confirment leur situation de bons élèves parmi les NEM. Ces deux pays sont les seuls où les entreprises sont majoritaires en 2008 à la fois dans le financement et la réalisation des dépenses de R & D. Les entreprises slovènes participent à cette date à 62,8 % des dépenses et en exécutent 64,5 % ; elles sont talonnées par les entreprises tchèques dont les proportions sont respectivement de 52,2 % et 61,9 %. L’avancée de la Slovénie est remarquable dans la mesure où la contribution relative des entreprises est déjà supérieure à celle de la moyenne des pays de l’UE (15), à savoir 55,3 % et 64,3 %. Les performances dégagées par les entreprises slovènes et tchèques sont fortement redevables des politiques publiques qui se montrent particulièrement actives en manière de soutien aux activités privées : politiques fiscales, développement d’infrastructures favorables à l’innovation, mise en place de pôles de compétitivité, appui à la constitution de réseaux rassemblant les acteurs de la recherche et de l’innovation, co-financement des programmes de recherche des entreprises[26].
Dans le second groupe de pays, les entreprises restent minoritaires dans le financement des dépenses de RD et ce sont principalement les administrations publiques, secondées par l’étranger, qui suppléent aux investissements. Pour autant, si l’on tient compte des dynamiques qui se laissent observer depuis 2000, il apparaît que cet ensemble se fractionne en deux modèles différents, ce qui sous-entend que les trajectoires de rattrapage ont été soutenues par des acteurs distincts.
En effet, en Estonie et en Hongrie, l’accélération des dépenses de R & D a surtout été le fait des entreprises. Dans ces deux pays, la croissance des investissements financés par les entreprises a été supérieure à celle des investissements financés par le secteur public. La participation des entreprises dans la mobilisation des fonds a progressé, passant de 24,2 % en 2000 à 33,6 % en 2008 pour l’Estonie, et de 38,4 % à 48,3 % pour la Hongrie. De plus, les entreprises sont parvenues à être des acteurs de poids dans l’exécution des activités de recherche, ce qui signale un processus d’internalisation croissante de celles-ci. La progression de la part de la recherche effectuée par les entreprises elles-mêmes est très nette en Estonie, puisqu’elle passe de 22,5 % à 43,2 % en 8 ans. Elle est plus modérée en Hongrie, pays qui présentait déjà une certaine avance en 2000. Ainsi, l’Estonie et la Hongrie suivent le sillage de la Slovénie et de la République tchèque.
À l’opposé, on trouve des pays qui se démarquent par la vive progression du secteur public. C’est le cas de la Lettonie et surtout de la Roumanie. Pour chacun de ces pays, la croissance des dépenses publiques a été plus vive que celle des dépenses des entreprises : plus 13,5 % en moyenne annuelle sur la période contre 10,5 % en Lettonie et plus 20,6 % contre 2,7 % en Roumanie. Le poids du secteur public a progressé, dans ces deux pays, pour atteindre jusqu’à 70,1 % en 2008 dans le cas roumain. L’augmentation des financements de l’État s’est inscrite dans l’objectif de reconstruire la recherche publique et universitaire selon des choix différents : alors que la Lettonie privilégie la recherche universitaire – qui exécute en 2008 47,4 % des dépenses –, la Roumanie s’est concentrée sur la recherche publique – qui représente en 2008 41 % des dépenses[27].
Les pays dont l’intensité de R & D est en décrochage par rapport aux autres NEM, et par conséquence à toute l’UE, payent quant à eux le fait qu’aucun acteur n’a pu se mobiliser suffisamment pour entraîner le rythme global des dépenses. Ni les entreprises et ni, surtout, l’État ne sont au rendez-vous. En particulier, les financements publics sont restés insuffisants pour compenser les défaillances des entreprises. C’est vrai en Bulgarie où les dépenses publiques n’ont crû que de 1,5 %, c’est-à-dire encore la moyenne annuelle la plus faible de tous les NEM. C’est aussi le cas de la Pologne et de la Slovaquie qui sont confrontées à une atonie, voire une baisse, des investissements privés et dont les politiques publiques et budgétaires n’ont pas manifesté le même volontarisme qu’en Roumanie, par exemple. La situation la plus critique est présentée par la Slovaquie qui, dégageant encore en 2000 des résultats très proche de ceux de la République tchèque, s’est dramatiquement effondrée sur la période étudiée.
Tableau 2. Répartition et évolution des dépenses de R & D par secteur de financement (2000-2008).
Entreprises | APU | Étranger | Autres | Total | |||||
2000 | 2008 | 2000 | 2008 | 2000 | 2008 | 2000 | 2008 | ||
Slovénie | |||||||||
Répartition | 53,3 | 62,8 | 40,0 | 31,3 | 6,2 | 5,6 | 0,4 | 0,3 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 8,9 | 3,5 | 5,3 | 6,7 | |||||
République tchèque | |||||||||
Répartition | 51,2 | 52,2 | 44,5 | 41,3 | 3,1 | 5,3 | 1,1 | 1,2 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 7,0 | 5,8 | 14,1 | 6,8 | |||||
Estonie | |||||||||
Répartition | 24,2 | 33,6 | 59,2 | 50,0 | 12,7 | 15,5 | 3,9 | 0,8 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 22,2 | 14,9 | 20,3 | 17,3 | |||||
Hongrie | |||||||||
Répartition | 38,4 | 48,3 | 50,4 | 41,8 | 10,8 | 9,3 | 0,3 | 0,6 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 9,8 | 4,2 | 4,7 | 6,7 | |||||
Lettonie | |||||||||
Répartition | 29,4 | 27,0 | 41,5 | 47,3 | 29,1 | 23,1 | ns | 2,5 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 10,5 | 13,5 | 8,5 | 11,7 | |||||
Lituanie | |||||||||
Répartition | 31,6 | 21,4 | 61,7 | 55,6 | 6,7 | 15,5 | ns | 7,5 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 6,3 | 10,1 | 23,9 | 11,6 | |||||
Roumanie | |||||||||
Répartition | 49,0 | 23,3 | 40,8 | 70,1 | 4,9 | 4,0 | 5,3 | 2,7 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 2,7 | 20,6 | 9,8 | 12,7 | |||||
Bulgarie | 2007 | 2007 | 2007 | 2007 | |||||
Répartition | 24,4 | 34,2 | 69,2 | 56,7 | 5,3 | 7,6 | 1,1 | 1,5 | 100,0 |
Évolution 2000-2007 | 9,6 | 1,5 | 9,9 | 4,4 | |||||
Pologne | |||||||||
Répartition | 29,5 | 30,5 | 66,5 | 59,8 | 1,8 | 5,4 | 2,1 | 4,3 | 100,0 |
Evolution 2000-2008 | 3,8 | 2,0 | 18,5 | 3,4 | |||||
Slovaquie | |||||||||
Répartition | 54,4 | 34,7 | 42,6 | 52,3 | 2,3 | 12,3 | 0,7 | 0,7 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | -3,6 | 4,7 | 25,9 | 2,0 | |||||
UE (15) | |||||||||
Répartition | 56,1 | 55,3 | 34,5 | 33,1 | 7,3 | 9,0 | 2,2 | 2,6 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 2,4 | 2,1 | 5,4 | 2,6 |
Source : Eurostat ; calculs personnels.
Tableau 3. Répartition et évolution des dépenses de R & D par secteur d’exécution (2000-2008).
Entreprises | Secteur public | Universités | SPNM | Total | |||||
2000 | 2008 | 2000 | 2008 | 2000 | 2008 | 2000 | 2008 | ||
Slovénie | |||||||||
Répartition | 56,3 | 64,6 | 25,9 | 21,9 | 16,6 | 13,4 | 1,2 | 0,1 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 8,5 | 4,5 | 3,9 | 6,7 | |||||
République tchèque | |||||||||
Répartition | 60,0 | 61,9 | 25,3 | 20,9 | 14,2 | 16,8 | 0,5 | 0,4 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 7,2 | 4,3 | 9,0 | 6,8 | |||||
Estonie | |||||||||
Répartition | 22,5 | 43,2 | 23,1 | 11,8 | 52,4 | 42,9 | 2,0 | 2,1 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 27,3 | 7,8 | 14,4 | 17,3 | |||||
Hongrie | |||||||||
Répartition | 46,9 | 53,6 | 27,6 | 23,9 | 25,4 | 22,5 | ns | ns | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 8,8 | 5,0 | 5,3 | 6,7 | |||||
Lettonie | |||||||||
Répartition | 40,3 | 25,0 | 22,1 | 27,5 | 37,6 | 47,4 | ns | ns | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 5,2 | 14,8 | 14,9 | 11,7 | |||||
Lituanie | |||||||||
Répartition | 21,5 | 23,8 | 42,0 | 23,1 | 36,5 | 53,1 | ns | ns | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 13,0 | 3,6 | 16,9 | 11,6 | |||||
Roumanie | |||||||||
Répartition | 69,4 | 30,0 | 18,8 | 41,0 | 11,8 | 28,9 | ns | 0,2 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 1,5 | 24,2 | 26,1 | 12,7 | |||||
Bulgarie | |||||||||
Répartition | 21,4 | 31,0 | 68,6 | 58,3 | 9,9 | 9,6 | 0,2 | 1,0 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 9,8 | 2,7 | 4,4 | 4,8 | |||||
Pologne | |||||||||
Répartition | 36,1 | 30,9 | 32,2 | 35,3 | 31,5 | 33,6 | 0,1 | 0,1 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 1,4 | 4,6 | 4,2 | 3,4 | |||||
Slovaquie | |||||||||
Répartition | 65,8 | 42,9 | 24,7 | 32,8 | 9,5 | 24,3 | ns | 0,1 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | -3,3 | 5,7 | 14,7 | 2,0 | |||||
UE (15) | |||||||||
Répartition | 64,6 | 64,3 | 13,6 | 12,1 | 20,9 | 22,5 | 0,8 | 1,1 | 100,0 |
Évolution 2000-2008 | 2,5 | 1,1 | 3,5 | 2,6 |
Source : Eurostat ; calculs personnels.
Au terme de cette recherche, il s’avère que les NEM sont loin de constituer un ensemble homogène et que leur avancée dans l’économie de la connaissance, selon les critères de la stratégie de Lisbonne, s’effectue en ordre dispersé. La diversité des situations s’explique en partie par les stigmates que l’histoire de chacun de ces pays a laissés. Au-delà des apparences relevant de leur ancienne appartenance au bloc de l’Est, les économies d’Europe centrale et orientale sont entrées dans l’UE avec des conditions initiales différentes tenant aussi bien de leur situation antérieure que du contexte dans lequel s’est effectuée leur transition. Ainsi, comme nous l’avons déjà signalé, l’avance de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie dans un modèle plus centrée sur les entreprises était déjà avérée sous le socialisme et a pu profiter à la Slovénie et à la République tchèque. De la même façon, les bouleversements provoqués par la transition ont pu être plus préjudiciables à certains pays plutôt qu’à d’autres. Toutefois, les héritages suffisent-ils pour verrouiller les trajectoires ? Ou bien, les choix actuels ne se montrent-ils pas tout aussi importants pour impulser ou réorienter les dynamiques ? Nous pensons ici aux politiques publiques. Celles-ci se manifestent de manière bénéfique au regard des critères de Lisbonne pour la Slovénie et la République tchèque, tout comme pour les pays qui sont entrés dans leur sillage. Pour les autres pays du groupe en rattrapage, les politiques de l’Etat vont-elles conduire au renforcement d’un système de R & D public ou bien poser les soubassements de nouveaux SNI et de nouvelles interactions organisationnelles capables d’insérer à terme les entreprises ?
[1] Conseil européen de Lisbonne, 23 et 24 mars 2000, conclusions de la présidence, consultable sur : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/00100-r1.f0.htm
[2] Relever le défi. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, rapport du groupe de haut niveau présidé par M. Wim Kok, 2004, consultable sur : http://europa.eu.int/comm/lisbon_strategy/index_fr.html.
[3] Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi. Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne, communication au Conseil européen de printemps 2004 : /* COM/2005/0024 final/.
[4] On se référera ici aux ouvrages suivants : L. Bengt-Ake (dir.), National Systems of Innovation. Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, Londres, Pinter, 1992 ; R. R. Nelson (dir.), National Innovation Systems. A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press, 1993.
[5] Voir en particulier B. Amable, The Diversity of Modern Capitalism , Oxford, Oxford University Press, 2003.
[6] Pour une analyse de ce type, appliquée au processus de Lisbonne et aux réformes du marché du travail, on se reportera à : B. Amable, « Structural Reforms in Europe and the (in)Coherence of institutions », Oxford Review of Economic Policy, vol. 25, n° 1, 2009, p. 17-39.
[7] On se reportera aux publications suivantes : C. Azaïs, A. Corsani et P. Dieuaide, Vers un capitalisme cognitif. Entre mutations du travail et territoires, Paris, L’Harmattan, 2001 ; D. Foray, L’Économie de la connaissance, Paris, La Découverte, 2000 ; O. Granstrand, « The Shift towards Intellectual Capitalism – The Role of Infocom Technologies », Research Policy, n° 29, 2000, p. 1061-1080 ; C. Vercellone (dir.) Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, Paris, La Dispute / SNEDIT, 2003.
[8] En 1950, le PIB européen par tête ne représentait que 40 % de celui des États-Unis. La vive croissance européenne de l’après-guerre a permis de réduire cet écart : en 1970, le PIB européen par tête s’était hissé à 70 % de celui des États-Unis. Depuis cette date, on assiste à une stagnation, voire à un décrochage à partir des années 1990.
[9] L’intensité de R&D désigne la part dans le PIB des dépenses de R&D, exprimée en %. Toutes les statistiques citées dans le texte sont issues de Eurostat.
[10] On retrouve ici la même logique que celle qui préside, dans la stratégie de Lisbonne, à la réorganisation des politiques du marché du travail : restreindre les dépenses publiques et développer des réformes structurelles.
[11] B. Jessop : « Towards a Schumpeterian Workfare State? Preliminary Remarks on Post-Fordist Political Economy », Studies in Political Economy, n° 40, 1993, p. 7-40, et « State- and Regulation-theoretical Perspectives on the European Union and the Failure of the Lisbon Agenda », Competition & Change, vol. 10, n° 2, 2006, p. 141-161.
[12] À ce propos, l’Europe suit ici la démarche de l’OCDE, comme cela d’ailleurs été le cas pour la stratégie européenne pour l’emploi. L’OCDE a été la première organisation internationale à accorder une place prééminente aux systèmes d’innovation. Pour s’en convaincre, on lira le rapport suivant : OCDE, L’Économie fondée sur le savoir, OCDE/GD(96)102, Paris, 1996.
[13] S. Radosevic et L. Laudeline, « Patterns of Restructuring in Research, Development and Innovation Activities in Central and Eastern European Countries: An Analysis Based on S&T Indicators », Research Policy, n° 28, 1998, p. 351-376.
[14] OCDE, Science Policy in the USSR, Paris, 1969.
[15] Le manuel de Frascati présente les définitions, nomenclatures et méthodologies du calcul statistique des activités de R & D. Ses recommandations ont été reprises par Eurostat pour l’évaluation de ces indicateurs dans l’UE.
[16] L. Gokhberg, « Transformation of R & D in the Post-Socialist Countries: Patterns and Trends », dans D. A. Dyker et S. Radosevic (dir.), Innovation and Structural Change in Post-socialist Countries: A Quantitative Approach, NATO ASI, série 4, vol. 20, Science and Technology Policy, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1999, p. 153-172.
[17] A. Nove, L’Économie soviétique, Paris, Economica, 1981.
[18] Voir à ce sujet F. Bafoil, Après le communisme, Paris, Armand Colin, 2002.
[19] J. Chataway, « Technology Transfer and the Restructuring of Science and Technology in Central and Eastern Europe », Technovation, n° 19, 1999, p. 355-364. J. Sedaitis, « Technology Transfer in Transitional Economies: A Test of Market, State and Organizational Models », Research Policy, n° 29, 2000, p. 135-147.
[20] W. Meske, « Science and technology in CEECs in the socialist era », dans W. Meske (dir.), From System Transformation to European Integration. Science & technology in Central and Eastern Europe at the Beginning of the 21st Century, Münster , LIT Verlag, 2004, p. 7-60.
[21] S. Radosevic, « Transformation of Science and Technology Systems into Systems of Innovation in Central and Eastern Europe: the Emerging Patterns and Determinants », Structural Change and Economics Dynamics, n° 10, 1999, p. 277-320.
[22] J. Chataway, « Technology Transfer and the Restructuring of Science and Technology in Central and Eastern Europe », art. cité.
[23] S. Radosevic et L. Laudeline, « Patterns of Restructuring in Research, Development and Innovation Activities in Central and Eastern European Countries », art. cité. J. Sedaitis, « Technology Transfer in Transitional Economies », art. cité.
[24] Pour des raisons de comparabilité statistique, ne sont retenus dans cette figure que les pays pour lesquels nous avons pu reconstituer des séries longues, à partir des calculs de Leonid Gökhberg (voir article cité plus haut) et des données d’Eurostat. La base de données d’Eurostat utilisée pour ce tableau et les suivants est disponible à l’adresse suivante : http://epp.eurostat.ec.europa.eu (site consulté le 25 février 2010).
[25] Voir R. J. Barro et X. Sala-I-Martin, La Croissance économique, Paris / New York, Ediscience international / McGraw-Hill, 1996.
[26] Pour s’en convaincre, on lira les programmes nationaux de réforme présentant les modalités de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne disponibles sur la page suivante : http://ec.europa.eu/growthandjobs/documentation/index_fr.htm#national.
[27] La Lituanie se situe dans une position intermédiaire, à ceci près que ce pays a connu une forte progression des financements étrangers qui a bénéficié en particulier aux entreprises. Ce pays présente donc un cas de figure où, dans l’exécution des dépenses, les entreprises et les universités ont vu leur poids en progression.
Pour citer cet article
Référence à indiquer ici
croissance européenne de l’après-guerre a permis de réduire cet écart : en 1970, le PIB européen par tête s’était hissé à 70 % de celui des États-Unis. Depuis cette date, on assiste à une stagnation, voire à un décrochage à partir des années 1990.
[9] L’intensité de R&D désigne la part dans le PIB des dépenses de R&D, exprimée en %. Toutes les statistiques citées dans le texte sont issues de Eurostat.
[10] On retrouve ici la même logique que celle qui préside, dans la stratégie de Lisbonne, à la réorganisation des politiques du marché du travail : restreindre les dépenses publiques et développer des réformes structurelles.
[11] B. Jessop : « Towards a Schumpeterian Workfare State ? Preliminary Remarks on Post-Fordist Political Economy », Studies in Political Economy, n° 40, 1993, p. 7-40, et « State- and Regulation-theoretical Perspectives on the European Union and the Failure of the Lisbon Agenda », Competition & Change, vol. 10, n° 2, 2006, p. 141-161.
[12] À ce propos, l’Europe suit ici la démarche de l’OCDE, comme cela d’ailleurs été le cas pour la stratégie européenne pour l’emploi. L’OCDE a été la première organisation internationale à accorder une place prééminente aux systèmes d’innovation. Pour s’en convaincre, on lira le rapport suivant : OCDE, L’Économie fondée sur le savoir, OCDE/GD(96)102, Paris, 1996.
[13] S. Radosevic et L. Laudeline, « Patterns of Restructuring in Research, Development and Innovation Activities in Central and Eastern European Countries : An Analysis Based on S&T Indicators », Research Policy, n° 28, 1998, p. 351-376.
[14] OCDE, Science Policy in the USSR, Paris, 1969.
[15] Le manuel de Frascati présente les définitions, nomenclatures et méthodologies du calcul statistique des activités de R & D. Ses recommandations ont été reprises par Eurostat pour l’évaluation de ces indicateurs dans l’UE.
[16] L. Gokhberg, « Transformation of R & D in the Post-Socialist Countries : Patterns and Trends », dans D. A. Dyker et S. Radosevic (dir.), Innovation and Structural Change in Post-socialist Countries : A Quantitative Approach, NATO ASI, série 4, vol. 20, Science and Technology Policy, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1999, p. 153-172.
[17] A. Nove, L’Économie soviétique, Paris, Economica, 1981.
[18] Voir à ce sujet F. Bafoil, Après le communisme, Paris, Armand Colin, 2002.
[19] J. Chataway, « Technology Transfer and the Restructuring of Science and Technology in Central and Eastern Europe », Technovation, n° 19, 1999, p. 355-364. J. Sedaitis, « Technology Transfer in Transitional Economies : A Test of Market, State and Organizational Models », Research Policy, n° 29, 2000, p. 135-147.
[20] W. Meske, « Science and technology in CEECs in the socialist era », dans W. Meske (dir.), From System Transformation to European Integration. Science & technology in Central and Eastern Europe at the Beginning of the 21st Century, Münster , LIT Verlag, 2004, p. 7-60.
[21] S. Radosevic, « Transformation of Science and Technology Systems into Systems of Innovation in Central and Eastern Europe : the Emerging Patterns and Determinants », Structural Change and Economics Dynamics, n° 10, 1999, p. 277-320.
[22] J. Chataway, « Technology Transfer and the Restructuring of Science and Technology in Central and Eastern Europe », art. cité.
[23] S. Radosevic et L. Laudeline, « Patterns of Restructuring in Research, Development and Innovation Activities in Central and Eastern European Countries », art. cité. J. Sedaitis, « Technology Transfer in Transitional Economies », art. cité.
[24] Pour des raisons de comparabilité statistique, ne sont retenus dans cette figure que les pays pour lesquels nous avons pu reconstituer des séries longues, à partir des calculs de Leonid Gökhberg (voir article cité plus haut) et des données d’Eurostat. La base de données d’Eurostat utilisée pour ce tableau et les suivants est disponible à l’adresse suivante : http://epp.eurostat.ec.europa.eu (site consulté le 25 février 2010).
[25] Voir R. J. Barro et X. Sala-I-Martin, La Croissance économique, Paris / New York, Ediscience international / McGraw-Hill, 1996.
[26] Pour s’en convaincre, on lira les programmes nationaux de réforme présentant les modalités de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne disponibles sur la page suivante : http://ec.europa.eu/growthandjobs/documentation/index_fr.htm#national.
[27] La Lituanie se situe dans une position intermédiaire, à ceci près que ce pays a connu une forte progression des financements étrangers qui a bénéficié en particulier aux entreprises. Ce pays présente donc un cas de figure où, dans l’exécution des dépenses, les entreprises et les universités ont vu leur poids en progression.
Pour citer cet article
Maryline DUPONT-DOBRZYNSKI. « Stratégie de Lisbonne et économie de la connaissance dans les nouveaux États membres : une avancée en ordre dispersé ». In : Maryline Dupont-Dobrzynski et Garik Galstyan (dir.) Les influences du modèles de gouvernance de l’Union européenne sur les PECO et la CEI. Lyon : ENS de Lyon, mis en ligne le 15 juillet 2011.
URL : http://institut-est-ouest.ens-lyon.fr/spip.php?article293